Écouter le podcast en entier :
Par Naim Kamal
Des images fausses et des idées reçues
Le roi Juan Carlos appela lui à s’élever contre le mur d’incompréhension qui voile ce que les deux pays ont en commun exhortant Marocains et Espagnols à une meilleur connaissance tant est grande l’ignorance réciproque qui est la nôtre. «Débarrassons nos esprits, s’était-il écrié, d’images fausses, d’idées reçues et de simplifications qui, parfois, réduisent nos connaissances mutuelles à de vulgaires clichés».
Quarante-trois ans après, on en est pratiquement toujours là, à une nuance près : La volonté politique déclarée de coopérer chevauchant la multitude de points de divergences entre les deux capitales, faisant de ces relations une perpétuelle alternance d’accalmie et de confrontation, a vu s’ouvrir une fenêtre devant ce que le Roi Hassan II avait constamment appelé de ses vœux, la satisfaction des droits imprescriptibles du Maroc contre la garantie des intérêts vitaux de l’Espagne.
L’ouverture enfin de cette fenêtre, on la doit au Roi Mohammed VI qui n’a pas dérogé à la règle de défendre de pied ferme les droits du Maroc et de travailler en profondeur à l’imbrication des intérêts bien compris des deux pays sans omettre que ce sont des rapports toujours dans le besoin d’une consolidation qui ne passe pas uniquement par les voies officielles et aux sommets les plus hauts de l’Etat.
Pourquoi lire aujourd’hui cette histoire
La société civile, le tissu associatif, les instances partisanes, les institutions universitaires et académiques comptent pour beaucoup dans la construction des assises culturelles, au sens plein du terme, dont en premier lieu la lecture partagée de l’histoire commune pour la débarrasser des scories évoquées à Fès par le précédent souverain espagnol.
‘’Pourquoi lisons-nous aujourd’hui cette histoire ? Avons-nous besoin de la lire et à quelle fin ?’’, a lancé le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume à l’ouverture du Colloque sur Le Maroc et le patrimoine andalou au Soudan occidental.
Si l'ambassadeur d'Espagne à Rabat, Ricardo Diez-Hochleitner Rodriguez a répondu dans son allocution que la lecture de l’histoire commune permet de ‘’faire la lumière sur les liens historiques profonds unissant les deux Royaumes pour renforcer davantage les relations bilatérales’’, Abdejlil Lahjomri a, lui, précisé que ‘’l’Andalousie et le Maroc sont aujourd’hui un espace partagé entre les deux rives, nord et sud, de la Méditerranée […] le dialogue [demeurant] la voie unique pour le dépassement des difficultés conjoncturelles nuisibles au progrès social, économique et politique.’’
L’Académie du Royaume qui avait déjà placé sa 47ème session (du 24 au 27 mai 2022), sous le thème de la Méditerranée comme Horizon de pensée, considère l’Andalousie comme horizon de pensée non seulement dans une perspective limitée au Maroc, mais surtout comme horizon pour l’Afrique en vue de réfléchir à ‘’un avenir qui les a unis de par le passé et les unira encore face aux défis du monde contemporain’’
Eclairer le présent par le passé
La pléiade d’intellectuels et de spécialistes, espagnols et marocains et autres africains, conviés à un débat qui s’est déroulé, au choix des intervenants, en arabe et en espagnol, n’a pas été une invitation à l’expression ‘’d’une nostalgie pour un éden perdu’’. Mais aspire à lire l’extension de l’Andalousie au-delà du Sahara pour atteindre le Soudan occidental qui englobe notamment le Mali, afin, comme aime le répéter A. Lahjomri, par le passé, éclairer l’avenir.
Ce sont les formes de cette ‘’campagne du Soudan’’, elle-même prolongement naturel de la présence musulmane en Andalousie, et la quête de ses traces et vestiges les plus raffinés, les plus policés, et donc les plus durables, qui motivent l’immersion de l’Académie du Royaume dans un univers qui s’inscrit dans son champ de compétence, l’univers du savoir, de la connaissance et de l’investigation historique.
Si le Soudan occidental ‘’s’immisce’’ dans le dialogue convivial du Maroc avec son affluent andalou tel que défini par la Constitution de 2011, c’est parce qu’il est partie prenante d’un patrimoine qu’il a influencé autant qu’il en a subi les influences. Il est aussi partie intégrante de ‘’l’interaction civilisationnelle’’ entre ce que Abdejlil Lahjomri a appelé, citant les annales, ‘’la haute rive et la basse rive’’.
La composante commune à ces deux bords, proposée par le secrétaire perpétuel de l’Académie à le réflexion et au débat, permet au terme d’un échange serein, libéré des œillères, de saisir leur ‘’rapport fusionnel’’ qui ‘’transcende les obstacles du temps’’ et fait émerger, enjambant siècles consommés, le lien solide entre l’histoire et la géographie, depuis l’aube des temps indissociables. Pour chercher aussi et surtout dans l’inamovibilité géographique ce qui rapproche plutôt que ce qui sépare et induit la confrontation.
Rédigé par Naim Kamal sur Quid