A lire ou à écouter en podcast :
Par Najib Mikou
> une déclinaison forte de l'Etat Social voulu et porté par Le Souverain pour ériger dans les faits, le citoyen au centre des politiques publiques,
> une déclinaison déterminée, de la nouvelle Charte d'Investissement pour libérer les énergies privées et les ériger au centre de l'acte d'investir,
> une déclinaison de la phase 2 de la réforme fiscale entamée l'année dernière, pour en faire l'outil public par excellence, de redistribution des richesses et d'implémentation effective de la vision économique et managériale de l'Etat.
Tout le reste n'est que recadrages et recentrages, pour protéger farouchement des équilibres macro-économiques nécessaires.
Si pour la Charte de l'Investissement le PLF n'a fait que raccorder et doser des vannes, dans la perspective que la part prépondérante de l'acte d'investir dans notre Économie voulue libérale, revienne à terme aux opérateurs privés, sachant que la tuyauterie juridique pour ce faire, a déjà été installée par le gouvernement et le Parlement dans un temps record, les chantiers de l'Etat Social et de la réforme fiscale par contre, relèvent d'une haute voltige pour le moins impressionnante.
Pour la composante "État Social", le PLF 2024 mène de pair et de front :
> une couverture maladie ciblant 22 millions de citoyens supplémentaires, corrélée à une réforme profonde des entrailles même de tout notre système de Santé Publique,
> une véritable réforme de notre système d'Enseignement Public,
> un dispositif de soutien direct inespéré à près de 60% des familles,
> une aide directe à l'accès au logement au profit des familles modestes et de la classe moyenne.
Le PLF 2024 atteste donc et sans conteste, que l'Etat Social n'est plus ni vœu pieux ni objectif onéreux que l'on ressasse et relègue indéfiniment à un long terme qui ne vient jamais. Il est bien là, ici et maintenant.
Concernant la composante fiscale, le tour est à la réforme du grand pavé TVA, pour rompre avec plusieurs années de rafistolage bassement comptable.
Le PLF 2024 prévoit une simplification par un nombre réduit de taux, une harmonisation par un regroupement homogène de produits et services, et un accompagnement de l'Etat Social par des exonérations significatives.
Ceci dit, un goût amer de l'inachevé, reste très présent, pressant. Dans des cas, le salut est dans des détails omis dont on ne peut faire l'économie si l'on veut aller au bout du sens, de la consistance et de l'impact d'une politique sociale d'une telle ampleur. Et dans d'autres cas, le salut est dans la dose ultime et nécessaire de courage à assumer pour faire véritablement conformer notre Économie à nos "habits" d'aujourd'hui.
Faisant suite à la Partie 1, ci-dessus, de cette publication, il sera question ici de quatre détails à intégrer et de l'ultime courage à assumer par le PLF 2024 :
> relever le seuil du revenu salarial mensuel exonéré de l'IR à 5000 dh au lieu des 2500 dh en vigueur depuis plusieurs années,
> exonérer le transport urbain de la TVA, sachant qu'il fait partie lui aussi des besoins de base,
> conditionner l'éligibilité à l'aide au logement par quatre critères supplémentaires :
▪︎ avoir un âge minimum de 25 ans,
▪︎ être nouvellement marié. Dans ce cas l'aide au logement devrait être octroyé aussi bien à l'époux qu'à l'épouse. Une telle disposition est de nature à encourager le mariage des jeune qui se fait de plus en plus rare,
▪︎ exonérer l'acquisition du logement principal ciblé par l'aide de l'Etat, des frais d'enregistrement et de conservation foncière,
▪︎ exonérer de la TVA, les intérêts sur le crédit acquisition du logement principal pour les logements de moins de 2,5 millions de dhs,
> exonérer de la TVA les achats locaux des primo-exportateurs dès leur 1ère année d'activité comme moyen nécessaire d'encouragement des exportations et de soulagement de la trésorerie des exportateurs débutants.
2- l'ultime courage à assumer par le PLF 2024 : mise en place d'un dispositif novateur visant l'intégration progressive sur 10 ans, de l'Économie informelle à travers trois mesures complémentaires :
> accorder une amnistie de 2 ans à l'ensemble des opérateurs de cette Économie de façon à leur donner le temps de se structurer en entreprises formelles tout en ayant la garantie de l'Etat qu'il fait table rase sur tout le passé : les compteurs mis à zéro sans jamais de contrôle des années antérieures à l'amnistie.
> donner la priorité de formalisation dès la 3ème année après l'amnistie, à la déclaration par l'opérateur devenu entreprise formelle, de ses agents à la CNSS avec un taux de cotisation graduel sur 3 ans,
> devenir assujetti à l'IS à partir de la 6ème année de formalisation de l'entreprise, à travers un mécanisme étalé sur 4 ans, à raison de 5% de l'IS par an jusqu'à atteindre le taux normal de 20% de l'IS. Cette même logique s'applique à la contribution minimale obligatoire.
Notre pays ne peut se contenter de mesurettes disparates et ponctuelles pour intégrer les 77% d'entreprises de l'informel. Elles ne suffiront jamais pour y parvenir. De la même façon qu'il ne peut éthiquement se contenter d'appliquer la Loi à seulement 23% des entreprises formalisées.
Il y va du sens même de la justice fiscale, de la crédibilité de l'intervention publique dans ce domaine, des recettes fiscales de l'Etat, des droits sociaux dont des millions de travailleurs sont privés aujourd'hui, et enfin de l'image du pays auprès des investisseurs étrangers.