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Par Mustapha Sehimi
Comment s’articule cette initiative? Autour de douze points. Ce qui est posé en premier c’est l’impératif du dialogue et de la négociation. À partir de ce prérequis, pourrait-on dire, la recherche d’une «solution pacifique» et le «respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des pays». Suit la condamnation ferme de l’emploi de l’arme atomique et des «attaques armées contre les centrales nucléaires». L’accent est également mis sur «l’abandon de la mentalité de guerre froide».
Enfin, d’autres propositions: protection des civils et des prisonniers de guerre, préservation des échanges commerciaux, facilitation de l’exportation des échanges commerciaux céréales, promotion de la reconstruction, levée de toutes les sanctions et résolution de la crise humanitaire.
Ce cadre de travail est diversement accueilli: positivement par Poutine, avec une réserve modulable par les Etats-Unis et les pays européens, et moins favorablement par le président ukrainien Zelensky. Kiev défend un préalable avant toute discussion: le retrait des troupes russes. Faute de quoi, ce plan de Pékin ne serait qu’une tentative de «geler» le conflit en perpétuant l’occupation. Les Occidentaux considèrent de fait que «ce n’est pas un plan de paix: il n’avance pas de solution concrète pour mettre fin aux combats.
Ce n’est comme l’a déclaré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qu’une posture où la Chine réaffirme les positions exprimées depuis le début. Il considère que pour être «crédible», ce texte doit être «opérationnalisé», en particulier avec le concours de Kiev. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stolenberg, s’est montré plus sévère. À ses yeux, la Chine n’avait pas «beaucoup de crédibilité» concernant l’Ukraine –et de rappeler qu’elle «a signé quelques jours avant l’invasion un accord (...) sur un partenariat illimité avec la Russie».
Pour autant, la Chine est là, comme deuxième puissance économique mondiale avec un PIB de 20.000 milliards de dollars, derrière les États-Unis (25.400) et bien loin des suivants: Japon (5.000 milliards de dollars), Allemagne (4.300 milliards de dollars), Royaume-Uni (3.400 milliards de dollars), Inde (3.300 milliards de dollars), France (3.000 milliards de dollars). La Russie se classe, elle, au onzième rang avec 1.830 milliards de dollars.
La Chine exerce ainsi une influence économique de premier plan dans l’ordre international. Cela transparaît dans sa politique étrangère. Elle est à la fois un partenaire commercial et un rival stratégique des Etats-Unis et ce, sans chercher à supplanter Washington dans le rôle de police mondiale. Son armée grossit sans cesse.
La Chine dispose de toujours plus de moyens et elle investit dans la technologie et les applications militaires de l’intelligence artificielle. Le programme «Une ceinture, une route» est un plan exhaustif de construction d’infrastructures terrestres et maritimes. Il s’agit de placer le pays au cœur du commerce international.
Le réseau prévu englobera six corridors commerciaux avec des installations portuaires, des chemins de fer, des pipelines et des réseaux de fibre optique. Il faut y voir sans doute l’accès à de nouveaux marchés et le contrôle des infrastructurelles essentielles mais aussi une vision d’un nouvel ordre mondial, jugé injuste et biaisé à l’égard des puissances émergentes.
Ne pas verser dans l’hégémonie ni dans l’impérialisme: tel est le crédo officiel. Faire mieux donc avec un régime communiste et une économie ouverte: un défi historique. Ce qui pose le problème de l’antagonisme entre la Chine et l’Occident avec cette particularité de principe: celle de l’idéologie.
L’économie chinoise est diversifiée. Sa structure économique permet aux entreprises privées de prospérer aux côtés d’un secteur public puissant. Une économie qui n’est pas isolée de l’Occident. Elle est de plus en plus intégrée à l’économie mondiale. Au surplus, le parti communiste chinois (PCC) s’est grandement éloigné de ses objectifs initiaux. Le communisme est remplacé par la prospérité commune, le marxisme par le nationalisme et le confucianisme. Le régime est fondé sur le monocratisme partisan mais il n’hésite pas à interagir avec d’autres régimes –dont des démocraties libérales. Une coexistence pacifique, parfois rugueuse...
En politique étrangère, le principal objectif du PCC doit être de neutraliser toute force qui pourrait menacer sa stabilité. Sa légitimité. Et sa longévité. Le discours officiel est de promouvoir la «démocratie socialiste», de mettre en relief les particularités culturelles de la Chine ou son «exceptionnalisme» et de critiquer la «démocratie occidentale», appelée aussi communément la «démocratie bourgeoise».
Sur un autre plan, la Chine défend activement le principe de «non-ingérence» dans les affaires intérieures des autres pays. Elle soutient que la souveraineté est intouchable, qu’elle ne saurait être remise en question au nom des droits de la personne ou même de la responsabilité de protéger et qu’il importe de se distancier des valeurs occidentales et des normes qui s’y attachent (droits de l’homme, libertés individuelles, respect de la vie privée…).
Depuis une dizaine d’années, la Chine déploie une stratégie offensive en la matière avec une forte dimension idéologique, insistant sur les échecs et les vicissitudes des démocraties libérales. Un modèle repris et assumé en Russie, en Turquie et dans des latitudes du Sud... Une altérité globale pouvant nourrir des formes diverses de conflictualité.
Rédigé par Mustapha Sehimi sur LE 360