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Suspension de l'exemption de visa et renforcement de la pression sur le régime algérien
Les passeports diplomatiques algériens, conçus à l'origine pour les diplomates et leurs proches, se sont progressivement transformés en un véritable sésame pour les privilégiés du régime. De surcroît, leur usage s'est largement étendu au-delà des cercles officiels, bénéficiant à de nombreuses figures du pouvoir et à leurs familles. Ces documents leur permettaient de séjourner, de se soigner et de consommer en France sans subir les lourdeurs administratives habituelles. Dès lors, ce privilège est devenu le symbole d'un accès élargi réservé à une élite algérienne, bien éloignée des réalités de la population.
Par ailleurs, cette décision française intervient après le rejet, par Alger, d'une liste de ressortissants sous Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), une mesure visant des individus impliqués dans des affaires judiciaires graves. L'Algérie dénonce cette démarche comme une forme d'intimidation en s'appuyant sur les accords de 1974 et 1994, qui régissent les expulsions et les réadmissions. Toutefois, cet argument, davantage ancré dans la défense de l'honneur national que dans une véritable logique juridique, a été perçu à Paris comme une tentative de maintenir un statu quo diplomatique de plus en plus difficile à justifier.
La suspension de l'exemption de visa n'est que la première d'une série de mesures envisagées par la France. En effet, d'autres restrictions, notamment concernant les visas de travail, sont déjà à l'étude. De surcroît, une réévaluation des accords de coopération datant des années 1960 et 1970 est en cours. Cette réflexion témoigne de la volonté de Paris de s'adapter aux réalités géopolitiques actuelles, jugées trop éloignées des conditions qui prévalent lors de leur signature.
À un moment où les relations entre les deux pays connaissent l'une de leurs crises les plus sérieuses depuis l'indépendance de l'Algérie, le régime d'Alger semble sous-estimer la détermination de Paris. Malgré des réactions virulentes -- marquées par des convocations répétées de l'ambassadeur français et un rejet systématique des propositions françaises -- la posture d'Alger, nourrie d'une rhétorique nationaliste, peine à masquer les inquiétudes croissantes au sein du pouvoir. Or, en se plaçant en résistance face à ce qu'elle perçoit comme une pression néocoloniale, l'Algérie se confronte à une France plus ferme. Celle-ci est incarnée par une génération de dirigeants moins marqués par les cicatrices de l'histoire coloniale et plus déterminés à imposer un rapport de force direct.
Ce nouvel état des relations franco-algériennes pourrait ainsi remettre en question tout un cadre d'accords régissant la coopération entre les deux nations depuis plusieurs décennies. En s'accrochant à une posture nationaliste, le régime algérien semble risquer l'isolement. En effet, il apparaît de plus en plus incapable de répondre efficacement aux défis géopolitiques contemporains, tout en se retrouvant distancié de ses partenaires européens.
Rédigé par Hajar Dehane