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Maroc/UE en zone grise...


Lui, il s’appelle Josep Borrell, et il est vice-président de la commission européenne, Haut-représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et il effectue sa 1ère visite en tant que tel au Maroc. Il a rencontré le chef du gouvernement Aziz Akhannouch et (surtout) son homologue Nasser Bourita. Avec le premier, un communiqué et avec le second une conférence de presse commune, mais avec les deux, on a senti un malaise.



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Par Aziz Boucetta

Rabat entretient des relations très proches avec Bruxelles, et ces relations doivent désormais, encore et toujours, être lues en gardant en mémoire le discours royal du 20 août dernier,  : « Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit ».

Mais contrairement aux capitales nationales (Madrid, Paris, Berlin,…), avec Bruxelles la relation est multilatérale et le rapport de force nettement au désavantage du Maroc.

Aussi, des relations apaisées avec l’UE sont dans l’intérêt de Rabat pour plusieurs raisons, notamment économiques et financières et Josep Borrell l’a plutôt abruptement rappelé, en dépit des sourires et du tutoiement ostentatoire. En effet, le Maroc assure les deux tiers de ses échanges commerciaux avec les 27 et en reçoit environ la moitié de ses investissements étrangers, a asséné M. Borrell.

En outre, le royaume reste sur la « liste grise » du GAFI qui l’a placé sous « surveillance renforcée », et il déploie de louables efforts pour en sortir ; une décision sera prise à cet effet courant janvier, et cette décision est cruciale dans la mesure où les prêts FMI y sont suspendus. Et le Maroc, étroitement dépendant de l’étranger du fait de sa balance commerciale déficitaire, d’un taux de couverture moyen, de sa dépendance au taux de change avec le dollar, etc… a besoin du concours du FMI pour entre autres, assurer le financement de ses grands projets sociaux et économiques.

Cela explique le ton mi-figue mi-raisin adopté par Nasser Bourita avec son homologue européen, qui connaît les contraintes du royaume. A cet effet, M. Borrell n’a pas fait dans la demi-mesure et il a même été au pas de charge : pour l’enquête sur la corruption supposée dont se serait rendu coupable le Maroc au parlement européen, il a parlé de « zéro tolérance » ; sur les droits humains, il a repris son antienne coutumière, et pour le Sahara, il a répété la littérature onusienne qui énerve les Marocains.

Le vice-président de la Commission européenne a parlé sans gêne aucune des préoccupations de Bruxelles, Sahel, Ukraine et Iran, rappelant dans une sorte de menace à peine voilée que « la voix du Maroc compte beaucoup », mais sans prendre la peine de ménager ce même Maroc dont ‘la voix... compte beaucoup’ pour sa priorité qui compte tout autant pour lui, en l’occurrence la question du Sahara ! Globalement, le ton adopté était plus assuré que celui de M. Bourita, qui sait être cassant, mais ne l’a pas été.

 

Le ministre marocain, sur la défensive, a néanmoins déployé son « arsenal », évoquant la question des migrations et de la sécurité, domaines où le Maroc dispose d’atouts indéniables, et il a aussi parlé des « triangulations » entre les deux parties et l’Afrique, puis le Moyen-Orient. Mais on l’a senti moins « impérial » qu’il ne le fut avec les Allemands et les Espagnols, puis avec les Français. Nasser Bourita connaît les intérêts de son pays et maîtrise parfaitement les enjeux et… ses propos, quand il le faut.

Aussi, avec l’UE, on ne peut dire que les relations soient vraiment amicales, les Européens sachant l’avantage qu’ils ont sur le Maroc et le Maroc étant conscient de sa dépendance et de sa fragilité à leur égard. Il est des moments où il faut savoir où s’arrêter, où la politique du bras de fer ne peut mener qu’à la fracture de ce même bras.

C’était le cas avec Josep Borrell. Il appartient aujourd’hui au royaume de prendre la mesure de ses forces, et surtout de ses faiblesses, de savoir jusqu’où il peut aller, et ce qu’il peut faire. Il a face à lui une Europe en stress, voire en détresse, car comme l’a si bien dit M. Borrell, « les temps sont difficiles » : la Russie la menace, les Etats-Unis la pressurent, la Chine la harponne, l’Afrique la rejette… L’Europe est énervée et met le Maroc sous pression, avec les moyens dont elle dispose, et ils sont considérables.

Le Maroc se doit aujourd’hui d’accélérer ses réformes pour sortir du piège GAFI et de son « inconfort » financier. Il doit doper son économie et les conditions pour cela sont connues (équité, justice, formation, investissement, gouvernance…). Il a jusque-là pris son temps, avançant à sa vitesse mais il sait maintenant que l’UE n’est pas son amie et que seuls les intérêts comptent ; il doit donc décider de ce qu’il veut, et s’en donner les moyens, mais vite.

Bruxelles n’a pas digéré l’autonomie diplomatique de Rabat sur l’affaire ukrainienne, pas plus qu’elle n’accepte la nouvelle posture marocaine à son égard, et encore moins les récentes alliances du royaume avec les Etats-Unis et Israël.

Le Maroc doit donc, encore une fois, se donner les moyens de sa politique et de son autonomie. Franchir le palier de la fermeté est une bonne chose, mais en face et en simultané, il faut aussi franchir celui de la rigueur. Tenir un discours rude, c’est bien, mais il faut s’attendre à ce que l’interlocuteur agisse de même. Il est toujours risqué d’élever la barre, si on ne peut la franchir…


Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost 



Lundi 9 Janvier 2023


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