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Par Mustapha Sehimi
Cette visite participe du cadre de la mise en œuvre de la Déclaration politique conjointe de juin 2019 qui avait institué le «Partenariat euro-marocain de prospérité partagée», articulée autour de quatre secteurs (politique et sécurité, économie, valeurs, connaissances) et de deux axes fondamentaux (environnement et migration).
Elle est la première au Maroc de cet officiel européen. Elle prolonge les contacts réguliers de 6 membres commissaires de l'UE au cours de l'année écoulée et celle de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, en février dernier. Il y a en effet un socle particulier des relations entre Bruxelles et Rabat. Une centralité du partenariat stratégique et multidimensionnel consolidée au cours des précédentes décennies.
Le bilan en témoigne: la signature d'un partenariat vert, le premier dans ce domaine conclu avec l'UE; de multiples accords (aérien, pêche, recherche, commerce, produits agricoles, etc.); l'opérationnalisation avancée du Plan économique et d'investissement lié au Nouvel agenda pour la Méditerranée; la dimension de la coopération financière avec une enveloppe de 1,6 milliard d'euros pour la période 2021-2027; un partenariat pour la mobilité et la migration; une coopération en matière sécuritaire et judiciaire; le lancement et la mise en œuvre de projets de coopération trilatérale avec des pays du continent et méditerranéens dans plusieurs domaines (eau, recherche et formation).
Autre composante du partenariat entre le Maroc et l'UE: un référentiel de valeurs. Le Maroc se distingue par des institutions solides, un pluralisme partisan, une construction démocratique consolidée par la nouvelle Constitution de 2011, l'Etat de droit et les libertés, l'indépendance de la justice, etc. Combien de pays partenaires de l'UE sur la rive sud de la Méditerranée, en Afrique ou ailleurs sont éligibles à ce même référentiel? Un partenariat qui a donc une valeur démonstrative à l'international.
La nature et la dimension du partenariat avec l'UE sont en effet exemplaires -un modèle même dans la coopération Nord-Sud. Il est apprécié par la communauté européenne, un fait bien établi. Mais il ne fait pas l'objet de cette même appréhension ici et là. Recevant le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, n'a pas manqué de le relever. Il a en particulier mis en cause le «harcèlement et les attaques médiatiques multiples» ciblant cette relation privilégiée entre Bruxelles et Rabat et qui «émanent de personnes et de structures dérangées par ce Maroc qui se libère, ce Maroc qui renforce son protagonisme, ce Maroc qui se projette sans complexe dans son environnement africain et arabe».
Elles sont localisées au sein des institutions européennes même, leurs sources étant recyclées par diverses associations et officines, présentent plusieurs traits communs et multiples: elles sont orientées, elles procèdent de calculs traduisant une volonté de nuire à ce partenariat Maroc-UE. Elles se traduisent, entre autres, par un «harcèlement juridique continu» couplé à des campagnes médiatiques - insidieuses et répétées. Voilà pourquoi, a souligné le ministre, il importe que ce partenariat soit immunisé, consolidé et protégé.
Des échanges approfondis ont eu lieu entre les deux officiels sur «les anciens et nouveaux défis géopolitiques» auxquels le Maroc et l'UE «doivent faire face» ainsi que sur différentes questions liées au voisinage régional et à la scène internationale, en particulier «le Maghreb, la Libye, le Sahel, l'Iran et la guerre Russie-Ukraine».
Dans le déploiement de sa diplomatie, le Maroc est ainsi un acteur qui se distingue au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique. Josep Borrell a remercié le Maroc pour «le rôle important» qu'il joue pour la stabilité en Libye.
Pour ce qui est de la question nationale du Sahara marocain, ce haut représentant de l'UE a de nouveau réitéré la position de Bruxelles:
«L’UE soutient le processus de l'ONU et les initiatives de l'envoyé personnel de son secrétaire général visant à parvenir à une solution politique qui soit juste, réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable et qui repose sur le compromis, en conformité avec les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. L'UE encourage ainsi toutes les parties à poursuivre leur engagement dans l'esprit de réalisme et de compromis, et ce, dans le contexte d'arrangements conformes aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations unies.»
Un désaveu de la position d'Alger qui, depuis octobre 2021 et la résolution 2602 du Conseil de sécurité, refuse les paramètres de négociation tels que consacrés par cette haute instance onusienne: prééminence du projet marocain déposé en avril 2007 au Conseil de sécurité qualifié depuis quinze ans de «crédible, sérieux et réaliste»; poursuite du mécanisme des tables rondes qui ont eu lieu en décembre 2018 et mars 2019 en Suisse; implication de l'Algérie comme partie, etc. Au final, le chef de la diplomatie européenne mesure ce que représente la question nationale pour le Royaume.
Dans son parcours professionnel, il a été ministre espagnol des Affaires étrangères (2018-2019), parlementaire durant plusieurs législatures, eurodéputé, président du Parlement européen (2004 -2007) et chef de la diplomatie de l'UE depuis décembre 2019. C'est dire qu'il a en mains tous les tenants et aboutissants historiques et diplomatiques de la question du Sahara marocain. Il en a d'ailleurs convenu en déclarant comprendre l'importance de cette cause, une «question existentielle pour le Royaume»...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur LE 360