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Par Aziz Boucetta
Mais, pour autant, la dignité des citoyens d’un pays donné doit être respectée, et le visa ne doit pas servir à humilier les personnes, entraver les mobilités et, pire, collecter de l’info sur les gens. Massivement, exhaustivement. Or, avec le système de visas Schengen, c’est le cas, sans même avoir accès aux différentes représentations consulaires et/ou diplomatiques des pays en question !
En effet, le demandeur réduit au rang de quémandeur doit se rendre dans ls locaux d’une société privée chargée de recueillir les dossiers, dans lesquels figurent l’ensemble des documents exigés, et qui sont aussi nombreux que souvent très personnels et inutiles : relevés de comptes bancaires, actes de mariage, actes de propriété, attestations de régularité fiscale… et il en va de même pour une partie des pays hors Schengen.
Pourquoi notre diplomatie, en charge des relations avec les autres pays du monde, ne réagit-elle pas ? Et pourtant, la grandeur d’un pays n’est pas seulement le niveau du PIB ou la puissance militaire, mais c’est aussi et SURTOUT le respect que témoigne un Etat à ses propres citoyens. Et les laisser être traités de la sorte, sur leur propre sol, par des Etats tiers n’est pas forcément une marque de respect ou de considération.
Un Marocain souhaite se rendre dans un pays Schengen, il doit donc demander un visa. Jusque-là, la chose est normale, mais de quel droit, au nom de quelle morale, le consul du pays en question refuserait-il de le recevoir dans ses murs, discuter avec lui, recueillir ses documents ? De quel droit ce pays accorde à un tiers privé, spécialiste de la collecte de données et donc de leur conservation (malgré les politiques de confidentialité, utiles à lire…) la possibilité de recevoir ce citoyen et de garder son passeport pour une durée indéterminée, le privant de voyage urgent ou imprévu, le cas échéant ? Selon quelle vertu et quelle logique ces pays et ces sociétés s’arrogent-elles le droit de diviser les demandeurs en VIP et non VIP ?
Après être considérés systématiquement « suspects » avant d’entrer à Schengen, voilà les Marocains « persona non grata » même dans les consulats des pays concernés ! Et notre diplomatie qui regarde cela sans broncher !! Et si un Etat, comme aujourd’hui la France, a quelque grief contre le gouvernement marocain, il se permet de prendre l’ensemble des Marocains en otage, et notre diplomatie regarde cela, toujours sans broncher… pas plus qu’elle ne pipe mot face à cette hérésie consistant à laisser ses propres citoyens payer une société privée étrangère pour un service que l’Etat marocain pourrait procurer à ses propres citoyens, en mettant en place une structure qui accomplirait la besogne (et recruterait en passant quelques dizaines de personnes).
Et tout cela se produit au moment même où cette diplomatie nationale a décidé d’introduire un système de visa électronique, « pour faciliter l’octroi de visa aux ressortissants étrangers soumis à cette formalité », nous apprend le ministère des Affaires étrangères qui, occupé par le bien-être des étrangers, en oublie coupablement ses propres compatriotes.
Résumons : Les Marocains ne peuvent pas poser un pied en Europe sans visa, et pour obtenir ce sésame (l’expression est historiquement intéressante…) ils ne sont pas admis dans les consulats des pays où ils veulent se rendre, obligés d’aller solliciter un rendez-vous à une entreprise privée, spécialiste de la collecte de données. Puis ils attendent LA décision des consulats qui diront oui ou diront non, accorderont 15 jours ou trois ans et, dans tous les cas, conserveront les précieuses données ! Et si les sociétés de collecte des dossiers jurent leurs grands dieux de ne pas divulguer les données – et on est priés de les croire sur parole, rien de tel de la part desdits consulats.
M. Bourita, et le gouvernement auquel il appartient, devraient savoir que la grandeur d’un pays passe d’abord par la dignité de ses citoyens, et cette dignité est tributaire de la protection dont ils (et leurs données) bénéficient de la part de leurs autorités publiques. On peut attendre, on attend…
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post