Par Abdelghani El Arrasse : Économiste et Fiscaliste
Au cours des deux dernières années, le Maroc a connu une baisse de plus de 25 % du pouvoir d'achat des ménages. Cette situation résulte d'une combinaison de facteurs : une inflation galopante, une sécheresse persistante, les répercussions de la guerre en Ukraine, ainsi que les effets post-Covid-19. Dans ce contexte, la Loi de Finances 2025 (LF 2025) s'inscrit dans une démarche ambitieuse visant à renforcer le pouvoir d'achat, tout en répondant aux défis socioéconomiques du pays.
Réforme de l'impôt sur le revenu : un levier pour la classe moyenne
La LF 2025 introduit plusieurs mesures fiscales clés pour soutenir les ménages, notamment :
1. Exonération des revenus inférieurs à 6 000 DH mensuels
Le seuil annuel d'exonération de l'impôt sur le revenu (IR) est relevé de 30 000 à 40 000 DH, et le taux marginal maximal est réduit d'un point, passant de 38 % à 37 %. Cette réforme profite directement à environ 300 000 salariés, augmentant leur revenu disponible.
Coût pour l'État : 2 milliards de dirhams (MMDH), partiellement compensés par une hausse des recettes de TVA due à l'augmentation de la consommation.
2. Augmentation de la déduction pour charges familiales
La déduction par personne à charge passe de 360 DH à 500 DH (+38 %), permettant à une famille avec deux enfants d’économiser jusqu’à 1 680 DH par an.
3. Revalorisation des bons de repas
Le plafond journalier des bons de repas est relevé de 30 à 40 DH, offrant un avantage supplémentaire de 2 400 DH par an par salarié.
Impact fiscal : Une perte de 800 millions de dirhams (MDH), compensée par une formalisation accrue des dépenses.
4. Hausse des salaires et du SMIG
Conformément à l’accord social d’avril 2024 :
Une augmentation du salaire mensuel de 500 DH pour tous les fonctionnaires à partir de Avril 2025.
Une revalorisation du salaire minimum (SMIG) de 5 %, effective au 1er janvier 2025.
5. Exonération des indemnités de stage
Cette mesure vise à encourager l’embauche de 100 000 stagiaires annuels et à faciliter leur intégration sur le marché du travail, avec un impact fiscal limité.
Compensation et TVA : des mesures contre l'inflation
Pour atténuer les effets de la hausse des prix, la LF 2025 prévoit :
-Maintien des subventions pour le gaz butane, le sucre et la farine, avec un budget de 16,5 MMDH, en légère hausse par rapport à 2024.
-Suspension des droits de douane sur des produits essentiels tels que les animaux vivants, la viande rouge, le riz et l'huile d'olive vierge.
-Exonération de TVA sur certaines importations stratégiques afin de stabiliser les prix .
Ces mesures doivent cependant être accompagnées d’une stratégie durable pour renforcer la production locale et garantir la sécurité alimentaire.
Renforcement de l'État social : un engagement durable
Le gouvernement poursuit ses efforts pour consolider l’État social à travers :
-La généralisation de la protection sociale et de l’assurance maladie obligatoire.
-Un soutien au dialogue social, avec un budget alloué de 20 MMDH pour 2025, et une prévision de 45 MMDH d’ici 2026.
-Une défiscalisation progressive des retraites, avec un taux d’exonération passant de 50 % en 2025 à 100 % en 2026.
Coût pour l'État: 1,2 milliards de dirhams (MMDH) compensée par des recettes de TVA due l'augmentation de la consommation.
Réforme des retraites et indemnisation pour perte d'emploi
La LF 2025 introduit des réformes structurelles visant :
-Une réduction de la pression fiscale sur les pensions de retraite.
-Une meilleure prise en charge des travailleurs vulnérables via l’indemnisation pour perte d’emploi.
Une mise en œuvre cruciale pour réussir
Le succès des mesures annoncées dans la LF 2025 repose sur une mise en œuvre rigoureuse et un suivi stratégique. Une approche intégrée sera essentielle pour traiter les causes profondes des inégalités et de l’inflation, tout en assurant un redressement durable du pouvoir d'achat des ménages.