Une colère justifiée ou pas !
Le sable marin de Larache est sur toutes les langues. Des langues soucieuses d’un Maroc vert. Des langues rêches, qui ne souffrent plus de ces basses pratiques mettant à mal l’avenir du pays. Des pratiques compromettantes décriées par nombre d’acteurs associatifs. Le dragage de Sable, au Large de Larache soulève une lourde tempête au parlement du Mardi 22 Septembre . Une tempête provoquée, à temps, par le ministre de l’agriculture et de la pêche maritime Aziz Akhannouch dans une allocution tenue devant un parterre de parlementaires à l’oreille agile, car l’affaire est d’importance. Ce dernier, dans une langue, on ne peut plus franche, semble outré du manque de scrupule de son confrère, ministre de l’énergie, des mines, et de l’environnement Aziz Rebbah !
Ce même ministre, qui, faisant fi, de la sensibilité de la démarche, donne son aval à la société « Drapor », pour exploiter le sable marin au large de Larache. Une société à laquelle on attribue au moins une qualité : La persévérance. Car, celle-ci n’est pas à son coup d’essai. Rappelons, qu’à l’époque de l’ex-ministre des mines, Amara, cette même société rate de peu l’autorisation d’exploitation du littoral tant convoité, car c’était sans compter avec l’acharnement de l’ex-ministre de l’environnement El-Ouafi. La ministre avait opposé un « Non » Catégorique à l’exécution de l’affaire. Selon elle, et d’après les études minutieuses menées à bien par son ministère, cette surexploitation des ressources, en l’occurrence le sable en question, mettrait à rude épreuve le fond marin, ainsi que l’ensemble de l’écosystème.
A présent, cette autorisation, qui, pour être effective, doit être co-signée par le ministre de l’équipement, du transport, de la logistique et de l’eau Abdelkader Amara a atterri sur le bureau de ce dernier. Quant à Monsieur Akhannouch, celui-ci, droit dans ses bottes, et par la légitimité que lui confère son portefeuille ayant trait à la pêche maritime, a fait valoir le refus sans conteste de son ministère.
En quoi ça nous concerne ?
La chose s’entend car de beaucoup ignorent le lien étroit entre le sable marin et la pêche maritime. En voici un bref aperçu ! Disons que ce même sable, et s’il venait à manquer d’une manière outrée, la chose ne tarderait à se ressentir sur le fond marin. En ce sens qu’il se verrait dégradé, dépossédé de ses ressources. Creusons davantage et disons que ce même fond constitue une source vitale pour les petits poissons. Une source de nourriture cela s’entend. Ces mêmes petits poissons qui, à leurs tours, excitent l’appétit des gros. Pour que ces derniers finissent, soit, dans nos assiettes, soit dans celles d’outre-mer. Un clin d’œil à nos accords de pêche, qui reposent sur un matelas de quelques bonnes dizaines de milliards de dirhams. Un apport considérable. Voilà en quoi ce dragage intempestif de sable peut porter un coup dur à la chaine alimentaire précitée. Oui mais pas que…
Notons que le Maroc est menacé par une grave pénurie d’eau. Car en moyenne un pays doit disposer d’une réserve minimale de 1000 m3 d’eau par habitant. Le Maroc en est à 650 m3. Ce qui s’avère fort inquiétant. Mais quel lien avec le dragage de Sable ? Le lien est avéré. En fait, la pratique en question agirait et sur les nappes phréatiques, et sur la montée des eaux. Ainsi entamerons-nous des réserves déjà affaiblies.
Notre économie en jeu
Et c’est sans rappeler le rôle capital que détient cette source incontournable au Maroc. Le Maroc, dont l’économie repose essentiellement sur l’agriculture et la pêche. Notons que l’agriculture compte pour 19 % du PIB. Et que par la dégradation écologique que connait notre pays, on risque de nous voir départi d’un tiers de nos terres agricoles d’ici 2050. Des terres malheureuses qui deviendraient impropres à la culture. Pour illustrer la gravité de la situation, suffit-il de nous remémorer la pénurie qui touche plus d’une région.
Ce qu’on a appelé le « Hirak de la soif » à Zagora n’était pas pour nous plaire. Une manifestation que la ville a connue en 2017 aperçue comme un signal d’alarme. L’été de la même année ne fut pas de tout repos, car, cette fois, c’est à Ksar El-Kébir que la pénurie a frappé de plein fouet. Une pénurie qui a élu le jour de la fête du mouton ,comme pour stimuler notre attention, parfois lointaine. Les Kasris, c’est ainsi que l’on appelle les habitants de la ville, ont poussé leur mécontentement jusqu’à arborer la régie de distribution de peaux de moutons ensanglantées.
Certains, avait avancé en 2019 que ce qu’on appelle communément « Stress Hydrique » proviendrait plutôt d’une mauvaise distribution que d’un manque de réserve. Faux ! Car, en 2008, et dans les lignes du programme « Maroc Vert », on pouvait voir que la technique de distribution a été revue. Preuve en est que le Maroc a adopté, à titre d’exemple, une technique d’arrosage dite par aspersion en lieu et place de celle dite localisée, grosse consommatrice d’eau.
Oui, mais…
Nous ne pouvons que souligner un fait majeur. le secteur agricole est appelé à être regardant quant à ses dépenses en eau. Rappelons que 90 % des ressources en eau sont dévolues à nos terres. Que, soit dit en passant, le paysan paie 100 à 300 fois moins sa consommation en eau qu’un citadin. Entre un et trois centimes, contre 3 dirhams. Quand on apprend par le biais du dernier rapport en date du HCP que le Maroc compte augmenter son taux d’exportation de la pastèque de 44% à l’horizon 2021, et que, rappelons-le, ce fruit demande une quantité d’eau importante pour sa culture, nous nous posons des questions. Ne devons-nous pas revoir nos moyens de productions ? privilégier des produits moins nécessiteux d’eau ? Revoir nos priorités eu égard de la préservation de notre biodiversité ?
Du reste, après avoir énuméré de ces méfaits qui sont du concours de l’extraction effrénée du sable, et qui privilégie l’appât du gain au détriment de l’écologie marocaine, nous sommes plus à même de comprendre la colère du ministre qui a la tutelle des deux secteurs les plus touchés par ces dépassements qui peuvent s’avérer irréversibles. Lesquels secteurs sont la pêche et l’agriculture. Toutefois, serait-il nécessaire de revoir notre modèle agraire afin de mieux l’adapter à notre volonté verte.
Hicham Aboumerrouane