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Le plaidoyer d'Ahmed Lahlimi : De la morale à la rescousse de l'économique et du social

Solidarité, exemplarité morale, humilité, équité, honnêteté, vérité, transparence...


le Vendredi 15 Juillet 2022

Le Haut-Commissariat au Plan a procédé, le jeudi 14 juillet, à la présentation du budget économique exploratoire au titre de l'année 2023. Il s'agit, au fait, d'un exercice qui présente une révision de la croissance économique nationale en 2022 et traite des perspectives pour 2023 sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne durant la campagne agricole 2022/2023 et d'une reconduction de la politique budgétaire en vigueur en 2022.



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Comme à l'accoutumée, le document communiqué, en la circonstance, livre les détails de ce Budget qui, aux yeux du HCP, est de nature à mieux appréhender l'évolution économique prévue en 2023 et d'en fixer des objectifs à appuyer par d’éventuelles mesures à programmer dans le cadre de la prochaine loi de Finances.

Et comme à l'accoutumée aussi, le déchiffrage des données, leur réelle portée et surtout leur contextualisation est l'œuvre du Haut Commissaire au Plan qui, égal à lui-même, livre le fond de sa pensée qui, des fois, pour ne pas dire souvent, fait tiquer plus d'un.

Cette fois, il s'agit essentiellement de morale et de règles de bonnes conduites.
Assurément, les concernés se reconnaîtront.


Solidarité et exemplarité morale des valeurs sûres

Cette fois, M. Ahmed Lahlimi partant du contexte actuel qualifié d'inédit, et du fait qu'une collectivité nationale ne peut être interpellée, aujourd'hui, qu'en tant que telle, qu'en tant que corps, appelle à faire prévaloir une toute autre nature de notions, telles que la solidarité et tout particulièrement, l'exemplarité morale, conditionnée par une sorte d'égalité, non des revenus, mais des chances en termes de support des coûts et gain des bénéfices.

D'autant plus que, de l'avis de M. Lahlimi, "2022 et 2023 sont, quelque part, l'illustration de ce que nous aurons probablement à retrouver comme nature de questions que nous allons retrouver en embryon ou d'une façon plus éclatante dans la situation de 2022 et 2023".

Inflexion de la politique agricole au grand profit du petit fellah

Pour le Haut Commissaire au Plan, il est temps, de par le fait que le Maroc est fort dépendant des aléas climatiques et des précipitations pluviométriques, d'opérer une inflexion de la politique agricole, une sorte de rupture en faveur du petit fellah.

Laquelle rupture "doit se faire par la montée en gamme et en vitesse de nos produits non-agricoles et par une inflexion de notre politique agricole. Nous avons beaucoup développé l'agriculture dite moderne et de grandes exploitations. Toujours est-il que dans le monde, tel qu'il est aujourd'hui, ou la sécurité alimentaire est devenue stratégique, il faut commencer à nous poser la question quant au devenir de l'exploitation familiale et au risque de dilapidation de ce patrimoine qui a fait ses preuves en termes de gestion de la rareté et de capacité d'intégration des cultures et de l'élevage."
Bref, tout un savoir-faire ancestral que " les jeunes ruraux qui aujourd'hui quittent leur famille et vont dans les villes ne peuvent reconduire".

Pour Lahlimi, "il faut que l'Etat opère une action résolue pour sauvegarder ce genre d'activité. Ce qui ne signifie nullement qu'il faut éliminer ou renoncer à l'agriculture dite moderne. Il faut plutôt se rendre compte que les grands agriculteurs se débrouillent bien et accumulent un taux de valeur ajoutée extrêmement élevé".

Opérationnalisation active des institutions de la morale publique

Abordant, la problématique de l'investissement à l'aune de son rendement, M. Lahlimi dresse un constat des plus significatif : "L'investissement que nous opérons est extrêmement important, nous sommes à plus de 30 % du PIB et, en même temps, nous sommes à des rendements faibles".
Comment se fait -il que le rendement ne suive pas ? S'interroge M. Lahlimi qui estime que "cela veut dire qu'il y a des dilapidations quelque part, , que c'est mal géré, que nous investissons là où il ne faut pas, qu'une bonne partie de ce que nous investissons fuit quelque part
".

Ce qui fait redire au Haut Commissaire au Plan qu'il nous "faut un retour à l'exemplarité morale, qui est un des facteurs de production de premier niveau".

Et  "qui dit exemplarité morale, dit lutte contre la corruption, lutte contre les cartels et ententes et l'opérationnalisation active des institutions de la morale publique.
Sans oublier l’allègement des procédures administratives, un problème qui au vu des structures en silo et/ou hiérarchiques de l'administration, ne peut être résolu par la seule numérisation digitalisation, ajoute M. Lahlimi, qui se déclare satisfait de l’adoption du projet de la loi-cadre formant Charte de l’Investissement qui permettra d’accroître l’attractivité de l’économie nationale.

Que d'effort perdu

D'autant plus que de l'avis de M. Lahlimi, durant ces trois dernières années, la pandémie, la sécheresse et l'inflation galopante, ont fait perdre au Maroc l’équivalent de 2 années et demie de croissance et trois années d’efforts de lutte contre la pauvreté. Sans parler du fait que l'inflation de l'ordre de 5 % du PIB cache d'énormes disparités.

Pire encore, M. Lahlimi révèle qu'en termes de réduction des inégalités, ces trois années ont effacé tous les gains réalisés entre 2000 et 2019. Soit dix-neuf années d'effort et de lutte contre les inégalités.


Les disparités que cache l'inflation

En attendant de voir plus clair sur l'impact de cette inflation sur les différentes catégories de l'économie et de la société, M.Lahlimi livre quelques chiffres : "Partant de ces 5 % d'inflation, certes supportée par toute la collectivité, les entreprises ont perdu 24 % de leur revenu disponible, les importateurs en ont perdu 14 % et les exportateurs en ont gagné 37% de plus.

Les ménages ont perdu 6 %. Mais quand on ramène l'inflation au niveau de la consommation, les plus pauvre subissent une inflation de 7,5 % dans la mesure où leur consommation est essentiellement alimentaire. Les 20 % les plus pauvres rognent même sur leur alimentation pour financer les dépenses de télécoms et de santé. En revanche, l'impact sur les 20 % les plus riches a été très faible ou parfois en dessous de la moyenne nationale.

Les préalables au rattrapage

Face à toutes ces pertes subies, un effort de rattrapage est à opérer, si nous voulons rester dans les horizons des Objectifs de développement durable et de ceux fixés par le Nouveau Modèle de Développement, estime M. Lahlimi qui juge qu’il faudrait certainement "passer à un nouveau palier de croissance pour les cinq années à venir en accélérant le rythme des réformes structurelles prévues, justement, dans ce Nouveau modèle de développement et en faisant face aux chocs de la durabilité dont ceux de la sècheresse, de l'énergie, du cout de l'énergie de l'inflation et de la problématique des revenus et de la répartition   qui en découle".

En plus du "cout de la sécurité du pays qui devra faire face à un contexte régional de plus en plus tendu et qui aura à subir les changements climatiques et les exodes qui vont avec".

De la morale à la rescousse

En conclusion, et face à toutes ces pertes subies et au renchérissement du coût des capitaux, M. Lahlimi appelle, pour une meilleure récupération et remise sur les rails, à une solidarité nationale, et veiller à ne surcharger ni l’Etat, ni les entreprises, ni les ménages.

Pour ce faire, "nous attendons de nos gouvernants un langage de vérité" et de l'honnêteté de ceux qui procèdent à l'évaluation des politiques publiques conclut M. Lahlimi estimant qu'il "n'est plus acceptable de la part de nos gouvernants de dire, j'ai le pouvoir, j'ai le savoir".

A ce stade, M. Lahlimi renvoie à de "l'humilité qui passe par dire la vérité, accepter le débat, travailler dans la transparence dans la mesure où aucune réalité ne doit être cachée et avoir un sens de l'exemplarité morale de la part et des gouvernants et des gouvernés".
 





Vendredi 15 Juillet 2022

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