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Par Aziz Boucetta
En 2014, le chef de l’Etat marocain avait dit à Abidjan que « l’Afrique n’est plus un continent colonisé et que (…) il n’y a plus de terrain acquis, pas plus qu’il n’y a de chasse gardée ». En 2016, à Ryad, le roi avait surenchéri en lançant cette fameuse question « que veulent-ils de nous ? », le ‘nous’ renvoyant aux Occidentaux habitués « au double langage dans l’expression de l’amitié et de l’alliance ». Cela avait valu cette même année un article du Monde intitulé « le virage anti-occidental de Mohammed VI » et avait plus tard conduit un think tank allemand, en 2020, à préconiser de « freiner le développement et l’hégémonie du Maroc ». Entre autres réactions…
Alors que jusque-là, l’UE alternait les positions de ses institutions dans un sens d’équilibre maghrébin, aujourd’hui elle attaque en meute. Le vice-président de la Commission de Bruxelles Josep Borrell vient « sermonner » le Maroc à Rabat, la Cour de justice reste en embuscade pour les accords de pêche et le parlement européen adopte une résolution violemment à charge contre le Maroc, oubliant les principes les plus élémentaires de la diplomatie parlementaire et de la bienséance protocolaire.
Soit, mais en passant, cette résolution supposée défendre des cas de personnes condamnées n’a fait que compliquer leur sort car même si grâce il aurait pu y avoir (avec l’assentiment des parties civiles, car il y en a), cela sera désormais difficile. Mais était-ce là, véritablement, l’objectif des Européens ? La question mérite d’être posée car il semblerait que non.
On voit mal un pays comme le Maroc, fort de son histoire et plutôt confiant en son avenir, s’incliner devant les députés d’une Union européenne connue pour assurer une sereine prospérité à la corruption (de 180 à 990 milliards d’euros par... an au sein de l’UE, selon les critères retenus, et 120 milliards pour la seule France, d’après les calculs d’Attac et Agricor), et eux-mêmes gangrénés par la même corruption. Si le Maroc corrompt, donc, ce qui resterait à prouver, il ne serait pas le seul, ni le premier et encore moins le dernier. Alors la charge des Européens, Commission, parlement, cour de justice et certaines capitales, ne peut être que refusée car son motif est ailleurs.
Et après le rejet de cette résolution européenne par à peu près tout le monde au Maroc, c’est au tour du parlement marocain d’avoir réagi, avec ses deux Chambres et par la voix et les porte-voix de tous ses groupes, politiques, syndicaux ou corporatistes. La contre-charge est aussi violente que la charge, et annonce la quasi suspension des relations avec l’instance législative européenne, en plus d’une mention particulière pour « un pays considéré comme un partenaire historique du Maroc » qui, renseignements pris au parlement, est la France.
Toujours la France, dont le parti présidentiel a conduit l’attaque à Strasbourg, tout en s’en défendant…
Il appartient aujourd’hui au parlement du Maroc de se montrer à la hauteur de sa saine et ô combien justifiée et salutaire colère, en prenant effectivement « les décisions fermes et appropriées » qu’il a annoncées, et en cherchant et rapidement d’autres partenariats, partout dans le monde. Et pour apporter du crédit à cela, la CGEM, dont l’intervention fut également aussi forte au parlement, doit prolonger ses propos en actes, visiblement, rapidement et significativement, avec ses grandes entreprises, ses banques et ses organes institutionnels.
Cela étant, il y a toujours un mais… Pour que cette très louable colère parlementaire, qui reflète très certainement celle de la population, soit crédible, le Maroc gagnerait à nettoyer ses écuries d’Augias. Comme partout ailleurs, elles ont besoin d’un sérieux curage, qui prendra du temps, qui nécessitera des sacrifices et des compromis, mais qui doit être entrepris.
S’énerver, c’est bien quand on est attaqué, et riposter est encore mieux, mais que les choses soient soutenues dans la durée requise et faites avec le sérieux nécessaire. Il est ainsi plus que recommandé de faire la chasse en interne aux défaillances qui nous affaiblissent en externe, avec une justice « globale » et stricte, idéalement aveugle, et une éthique qui gagne du terrain à l’avenir…
En un mot, il faut bâtir au sein de notre société la confiance, comme socle sans lequel aucune colère, fût-elle saine, ne saurait convaincre ni durer. Ainsi, la réaction du parlement marocain serait crédible et efficace.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost