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Le droit à la santé en question


Le Roi Mohammed VI a dès son avènement marqué sa préoccupation pour le secteur de la Santé. Pourtant, l’intendance n’a pas été au rendez-vous. Aujourd’hui, le rapport du CNDH propose plus de 100 recommandations pour favoriser un accès effectif au droit à la santé. Elles s'articulent autour de deux lots : celles à caractère législatif intéressant une meilleure gouvernance du secteur de la santé et celles relatives au renforcement d'une politique préventive.



Par Mustapha Sehimi

Il faut prendre bonne note tout de même du rapport que vient de publier le CNDH sur : "L'effectivité du droit à la santé - défis, enjeux et voies de renforcement". 

Le résumé en français d'une vingtaine de pages - en arabe, il compte au total 70 pages - aide à mieux appréhender malgré tout la problématique de ce secteur. L'on regrettera que celle-ci, engagée en octobre 2019, suivie par de larges consultations dans des régions, n'ait été finalisée qu'en ce mois d'avril 2022 quelque trente mois plus tard…

L'hypothèse de base de cette enquête est celle-ci : comment renforcer la nécessaire effectivité du droit à la Santé ? Elle se prolonge en tentant d'insérer de multiples questionnements visant la place de la santé dans le développement. Une approche allant au-delà de ce seul secteur embrassant de multiples pans : le défi de la durabilité, la garantie de la sécurité humaine, enfin la réduction des disparités sociales et spatiales. De l'intégration donc. Du multisectoriel aussi. 

Rhétorique et postures
Cela dit, force est de faire ce constat pour commencer : l'état des lieux est passablement préoccupant. Une situation qui a été mise à nu depuis deux ans, avec la crise sanitaire liée à la pandémie Covid -19.

Tout le monde savait : les citoyens et les patients, victimes en "première ligne", si l'on ose dire ; les élus aussi ; sans oublier les décideurs publics - la santé n'était pas vraiment une priorité : tant s'en faut. Les différents cabinets qui se sont succédé depuis une bonne vingtaine d'années n'ont pas fait grand- chose dans ce domaine. De la bonne foi souvent, une sincère volonté de réformer - chez deux ou trois ministres au plus - oui, sans doute ; mais surtout une rhétorique convenue parfois ponctuée par des postures et des coups de menton médiatiques. 

Les dysfonctionnements existants sont patents. L'un d'entre eux a trait à "l'absence d'un parcours de soin coordonné " couplée à "une gestion inadéquate des ressources humaines". C'est ici le processus de soin qui est en cause : diagnostic, prise en charge, suivi,... Un autre regarde un financement insuffisant du secteur de la société. Le budget du ministère de la Santé se situe dans une fourchette de 6-7 % au plus - il est bien en-deçà des 12 % recommandés par l'OMS. Autre insuffisance : celle des effectifs des professionnels les normes de santé.

Le Maroc compte 2300 médecins - la moitié d'ailleurs dans deux régions (Casablanca Settat, Rabat Salé-Kénitra) alors que ses besoins dépassent les 32.000, sans oublier 65.000 infirmiers, selon les mêmes normes de l'OMS relatives aux besoins des populations. Il faut y ajouter la sous-exploitation des ressources humaines. Enfin, l'exode des médecins estimé à 10.000 et 14.000 ainsi que celui des cadres de santé.

Cohérence et efficience
Autant d'indicateurs qui nécessitent une stratégie nationale de santé marquée du sceau de la cohérence et de l'efficience. Le rapport propose à cet égard quatre axes : le droit à la santé consacré dans la Constitution (article 31), une approche multisectorielle pour garantir le droit à la santé, le défi de la durabilité à relever pour assurer la sécurité humaine, enfin la réduction des disparités sociales et territoriales.

Mais il y a plus. Ainsi, le rapport du CNDH propose plus de 100 recommandations pour favoriser un accès effectif au droit à la santé. Elles s'articulent autour de deux lots : celles à caractère législatif intéressant une meilleure gouvernance du secteur de la santé et celles relatives au renforcement d'une politique préventive. 

Des recommandations particulières retiennent l'intérêt en ce qui concerne en particulier les termes de l'équation du secteur privé à intégrer dans un système national de santé en tant que service public.

C'est là sans doute la partie la plus innovante. Elle vise à "traiter les secteurs public et privé sur un pied d'égalité" pour ce qui est de leurs responsabilités respectives en tant que prestataires de services (prévention, diagnostic, traitement, réhabilitation). Elle doit se prolonger par le développement du partenariat public / privé, facteur de mobilisation de ressources financières, techniques et humaines.

Elle peut également se traduire par un élargissement des attributions de la commission nationale de coordination public/privé, instituée par la loi-cadre 34-09 (art.30). Celle-ci ne doit plus être une instance à caractère consultatif mais décisionnel. De quoi associer pleinement les deux secteurs à la définition et à la mise en œuvre des nouvelles orientations stratégiques du système national de santé.

Le rapport reste cependant bien elliptique à propos d'un secteur : celui du médicament : c’est une composante de la politique de la santé. L'industrie pharmaceutique nationale a pourtant bien besoin d'une mise au net. Elle doit en effet tourner le dos à des intérêts et à des lobbies que le département de la santé n'arrive pas- encore ?- à réguler ni à maîtriser. Ce dossier, bien opaque, ne relève-t-il pas aussi de l'effectivité du droit à la santé ?

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid 



Vendredi 29 Avril 2022


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