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Par Farida Moha
Ce constat présent dans les thématiques abordées lors de la rencontre témoigne de l’évolution de la place du bassin méditerranéen. Une place qui n’a cessé de « rétrograder ».
Dans la décennie 90, cette région faisait l’objet d’un investissement politique prometteur des pays du Nord comme du sud, traduit en termes de « convergences » de « centralité » d’une région qui s’affirmait face aux grands blocs mondiaux et s’inscrivait dans les objectifs de la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone de Novembre 1995 ; un quart de siècle plus tard et au-delà des questions de décrochage de croissance , le décryptage des discours des politiques du Nord tourne majoritairement autour d’une préoccupation quasi obsessionnelle , celle de la migration.
A l’heure des conflits, des crises économiques, la question migratoire entravée dans un contexte de mondialisation a provoqué selon Habib Malki « une nouvelle rupture très profonde entre le Nord et le Sud qui rappelle la rupture coloniale ».
Les pays du sud devant en sus les subir les dégâts collatéraux du conflit de l’Ukraine et des conséquences du changement climatique que subissent les pays du sud en terme de pression sur les ressources hydriques, de perte de biodiversité, de pollution de CO2 et d’instauration de différentes taxes carbone et autres aux frontières de l’Europe du Nord et de la captation des cerveaux .Dans un tel contexte, les projets d’antan d’intégration méditerranéenne de destin commun ou de convergence produite grâce aux transferts technologiques ou à la cotraitance industrielle sont reportés aux calendes grecques .
Sortir du Trou noir
Ce scenario pessimiste de marginalisation des pays du sud ne sera pas démenti par Miguel Angel Moratinos. Pour l’ancien ministre espagnol des affaires étrangères président de l’Alliance des civilisations invité de la rencontre du GERM, la hiérarchie des priorités de l’Union européenne passe par l’Europe de l’Est.
La Méditerranée n’est plus dans les radars et nous avons besoin d’analyser où nous en sommes. Pour lui, la grande tendance qui menace le monde et qui aura des conséquences dans notre région, ce sont les nouveaux totalitarismes incarnés par la Chine et les Etats Unis. La chine organise son futur avec un modèle technologique qui permet de contrôler la société et qui élimine la capacité du citoyen à décider par lui-même.
Aux Etats Unis les corporations privées des GAFA et Metavers veulent imposer un capitalisme de surveillance ou les citoyens seront des consommateurs et non des acteurs. Face à ces deux totalitarismes un monde multipolaire se construit. Dans cette nouvelle configuration et selon ce diplomate, la région Afrique Méditerranée Europe doit retrouver sa centralité et la centralité de la Méditerranée c’est le Maroc et l’Espagne qui peuvent réussir à relancer une dynamique volontariste de convergence, de solidarité et conclut-il de partage de valeurs.
Des valeurs spirituelles, culturelles, patrimoniales qui peuvent faire face aux totalitarismes technologiques qui se développent et qui broient nos civilisations. Mais pour cela nous avons besoins que les politiques, les universitaires, les experts, les penseurs proposent des solutions. C’est là, un immense chantier qu’il faut prendre à bras le corps pour sortir comme l’a résumé Jean Peul Chagnollaud invité président de l’Institut de recherche et d’Etude Méditerranée Moyen Orient IREMMO , du « trou noir » dans lequel la Méditerranée a été englouti à cause de la crise du Moyen Orient .
Une crise structurelle qui provoquent dans toute la région des tremblements de terre et des failles et qui, faute de bifurcation politique et sous le poids des identités meurtrières et du fardeau très lourd de l’histoire et de la mémoire met en jeu l’existence même des peuples de la région .