95 % des travailleurs informels sans diplôme : un défi pour l’économie marocaine
Le travail informel, qui englobe toutes les activités économiques non déclarées ou échappant à la réglementation, représente une part importante de l’économie marocaine. Bien qu’il permette à des millions de personnes de subvenir à leurs besoins, il reste synonyme de précarité, d’absence de protection sociale et d’exclusion des mécanismes de développement économique formel. Cette étude soulève donc des questions cruciales sur la nécessité de réformes structurelles pour intégrer ces travailleurs dans une économie plus inclusive.
L’absence de diplôme parmi les travailleurs informels est à la fois une cause et une conséquence de leur situation. Sans formation ou qualification, ces individus se retrouvent souvent cantonnés à des emplois peu qualifiés, mal rémunérés et dépourvus de toute sécurité sociale. Par ailleurs, l’informalité les prive des opportunités de formation continue ou d’accès à des programmes gouvernementaux de soutien à l’emploi.
Un exemple typique est celui des ouvriers du bâtiment ou des vendeurs ambulants, pour qui l’absence de diplôme limite les perspectives d’évolution. Selon l’étude, cette situation est exacerbée dans les zones rurales, où les opportunités d’éducation et d’emploi formel sont encore plus rares. "Le travail informel est devenu une échappatoire pour des millions de Marocains, mais il les enferme dans un cycle de pauvreté et d’exclusion", explique un sociologue interrogé dans le cadre de l’étude.
Le poids du travail informel dans l’économie marocaine est considérable. Selon les estimations, ce secteur représente environ 30 % du PIB national, mais il échappe largement à la fiscalité et aux régulations. Cette situation prive l’État de revenus importants, tout en maintenant une grande partie de la population dans une situation d’insécurité économique.
En outre, l’informalité contribue à creuser les inégalités. Les travailleurs informels n’ont pas accès à des droits fondamentaux tels que la retraite, l’assurance maladie ou les congés payés. Cette précarité a également des répercussions intergénérationnelles, car les enfants des travailleurs informels sont souvent contraints d’abandonner leurs études pour contribuer aux revenus familiaux, perpétuant ainsi le cycle de pauvreté.
Le Maroc n’est pas un cas isolé. Dans de nombreux pays en développement, le travail informel constitue une part importante de l’économie. En Afrique subsaharienne, par exemple, plus de 85 % des travailleurs sont employés dans le secteur informel. Cependant, certains pays, comme le Rwanda, ont réussi à réduire cette proportion grâce à des politiques éducatives ambitieuses et à des programmes d’intégration économique. Ces exemples montrent qu’il est possible de transformer le travail informel en une opportunité de développement, à condition de mettre en place des réformes adaptées.
Pour remédier à cette situation, plusieurs pistes sont envisageables. Tout d’abord, il est crucial d’améliorer l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle, en particulier dans les zones rurales. Ensuite, des incitations fiscales et des programmes de formalisation pourraient encourager les petites entreprises informelles à s’enregistrer et à bénéficier des avantages du secteur formel. Enfin, des politiques de protection sociale adaptées aux travailleurs informels pourraient réduire leur vulnérabilité.
Cependant, ces réformes nécessitent une coordination étroite entre les différentes institutions publiques et une volonté politique forte. À court terme, des campagnes de sensibilisation pourraient également aider à changer les mentalités et à promouvoir la valeur de l’éducation et de la formation.
L’étude de l’AJEBI met en lumière un défi majeur pour le Maroc : intégrer les travailleurs informels dans une économie plus juste et inclusive. Si des efforts significatifs sont déployés pour améliorer l’éducation, la formation et la formalisation, cette transition pourrait non seulement réduire la précarité, mais aussi stimuler la croissance économique à long terme. Toutefois, cette évolution dépendra de la capacité du gouvernement à mettre en œuvre des réformes structurelles ambitieuses, tout en prenant en compte les besoins spécifiques des populations vulnérables.