Propos receuillis par Maha RACHID
Dans un entretien à la MAP à l’occasion de la Journée internationale des forêts, le directeur de la planification, du système d’information et de la coopération au département des Eaux et forêts, Isam Ahabri, revient sur les objectifs et les ambitions de cette stratégie ainsi que sur les fonctions écologiques des forêts dans l’écosystème naturel.
1) Quels sont les objectifs et les réalisations de la nouvelle stratégie nationale de développement du domaine forestier “Forêts du Maroc 2020-2030” ?
La nouvelle stratégie «Forêts du Maroc 2020-2030» a été conçue dans le but de rendre le secteur plus compétitif et moderne, grâce à un modèle de gestion intégré, durable et créateur de richesse. L’originalité de cette vision est de placer la population usagère des zones forestières au cœur de la gestion des forêts.
La stratégie vient également répondre à un certain nombre de problématiques, principalement la dégradation du couvert forestier sur une superficie de 17.000 hectares par an et la faible capacité de production du bois à hauteur de seulement 20 à 30%, par rapport au potentiel des forêts productives.
Le nombre de poursuites judiciaires liées au domaine forestier, qui sont de 12.000 par an, montre clairement qu’il existe un dysfonctionnement dans la gestion des conflits avec la population riveraine de la forêt.
Ce sont autant de contraintes qui appellent une intervention urgente afin d’améliorer la situation de la forêt marocaine et de préserver ses multiples fonctions. Concrètement, la nouvelle stratégie s’assigne trois ambitions majeures à l’horizon 2030 :
– Rattraper 30 années de dégradation en récupérant 133.000 ha de forêts ;
– Créer plus de 27.500 emplois directs supplémentaires ;
– et enfin générer près 5 milliards de Dh de valeur annuelle par les filières productives et écotouristiques au lieu de 2 milliards de DH actuellement.
En termes de réalisations, la stratégie “Forêts du Maroc 2020-2030” vise à réinventer et à structurer l’approche participative et à assurer la réconciliation des marocains avec leur espace forestier. Cette approche tend à faire de la population usagère le premier partenaire dans la gestion forestière pour changer sa perception vis-à-vis de la forêt et marquer ainsi une rupture avec le passé.
Elle permettra d’asseoir une gouvernance locale basée sur des structures de terrains dédiées sous la forme d’Organismes de Développement Forestier (ODF) qui regrouperont toutes les structures actuelles d’usagers et constitueront une interface avec la Commune et l’Administration des eaux et forêts. Cinq ODF sont actuellement en cours de constitution au niveau de 5 communes forestières pilotes.
L’approche permettra aussi la création d’un nouveau corps d’animateurs territoriaux appelés à jouer un rôle de médiation entre ces ODF et l’Administration des eaux et forêts. A l’heure actuelle, 21 animateurs suivent des formations théoriques et pratiques au niveau des 5 communes pilotes.
Et enfin elle permettra de contractualiser la protection participative des reboisements avec ces organismes à travers une incitation de mise en défense revalorisée à 1.000 dh/ha/an au lieu des 250 dh /ha/an en cours actuellement.
A travers cette stratégie, il est question de différencier et de développer les différents espaces forestiers selon leur vocation. Il s’agira de valoriser le réseau des 10 Parcs nationaux et d’amorcer la filière écotouristique pour atteindre 1 million d’ éco-touristes en 2030.
Pour ce qui est du réseau des 10 parcs nationaux, ils seront reclassés selon une approche plus concrète leur permettant de bénéficier de modes de gestion spécifiques pour maximiser l’efficacité en termes de valorisation et de préservation des ressources forestières. Chaque Parc sera doté de deux principales zones : la 1ère dite «cœur du parc» sera dédiée à la préservation et la conservation et la seconde “zone d’adhésion” comprendra des installations d’accueil et des activités touristiques. Il est à signaler que le Parc national d’Ifrane constitue le pilote où cette approche est amorcée.
En adéquation avec la thématique de la Journée internationale des forêts, à savoir la restauration des forêts, la stratégie “Forêt du Maroc” vise la reconstitution des espaces forestiers pour rattraper l’équivalent de 30 ans de dégradation du couvert forestier et en récupérant une superficie de plus de 133.000 hectares.
Dans ce cadre, il est prévu un programme de plantations forestières au niveau des douze régions du Royaume, sur une superficie de 600.000 ha, à raison de 50.000 hectares par an au début du programme pour atteindre les 100.000 hectares par an à l’horizon 2030.
Plusieurs actions spécifiques accompagneront ce programme, notamment l’internalisation, la professionnalisation et la sécurisation des activités du domaine semence et pépinières, spécialement pour les espèces autochtones (Chêne-liège, cèdre, thuya, arganier et chêne vert…). Ces actions permettront d’une part de disposer d’une pépinière publique moderne, au niveau de la forêt de la Mâamora, selon les standards internationaux pour en faire un modèle à l’échelle continentale et d’autre part, la mise en place près de 54 pépinières d’espèces forestières qui pourraient progressivement être confiées au secteur privé.
Pour assurer la réussite de ce programme de reboisement, il est également prévu la digitalisation du cœur de métier ainsi que l’utilisation de nouvelles technologies telles que les drones, le martelage digital et l’imagerie satellitaire.
2) Le thème choisi par l’ONU pour cette journée au titre de l’année 2021 est “la restauration des forêts : une voie vers la reprise et le bien-être”. Quelles sont les mesures déployées par le Royaume pour restaurer ses forêts ?
Le patrimoine forestier subit chaque année une dégradation estimée à 17.000 ha, due à de multiples facteurs dont la surexploitation des ressources forestières qui dépasse largement les potentialités des écosystèmes forestiers, conjugués aux effets des changements climatiques.
Compte tenu de cette situation alarmante et l’importance indéniable de la forêt marocaine, la stratégie «Forêts du Maroc 2020-2030» ambitionne, à l’horizon 2030, de rattraper 30 ans de dégradation de forêts et table sur une reconstitution des espaces forestiers (600.000 ha en 10 ans) à une cadence de 50.000ha/an dans les premières années pour arriver à 100.000ha/an à l’horizon 2030. Pour réussir ce pari, la stratégie forestière prévoit :
-Une modernisation des pépinières forestières en s’ouvrant sur le privé pour assurer un approvisionnement constant et de qualité car l’utilisation des plants de qualité dans les programmes nationaux de reboisement a un impact majeur sur la survie, l’établissement et la croissance des plants, et par conséquent sur la réussite des plantations forestières;
-Des mesures incitatives pour garantir le respect des périmètres de reboisement par la population locale;
-Une modernisation du cœur de métier et la promotion de la recherche et développement pour gagner en efficacité et en efficience.
3) Les forêts sont le poumon de la planète. Concrètement, quelles sont leurs fonctions écologiques et en quoi les forêts sont-elles essentielle pour la biodiversité ?
Les forêts abritent 80 % de la faune et de la flore terrestres. Elles procurent un lieu de vie, des moyens de subsistance, de l’eau, du combustible et de la nourriture, tout en participant à la régulation du climat dont bénéficie l’humanité tout entière.
Les forêts, auxquelles une journée internationale est consacrée tous les 21 mars, sont au cœur de la lutte contre le changement climatique et du développement durable. Il s’agit de l’un des réservoirs de carbone les plus importants de la planète. En effet, les forêts jouent un rôle central contre le changement climatique, en absorbant les gaz à effets de serre (GES) et en renforçant la résilience des paysages : régulation des flux, maintien et enrichissement des sols pour l’agriculture, protection des communautés côtières contre les phénomènes climatiques extrêmes et l’élévation du niveau de la mer, ou encore la création de couloirs migratoires pour les espèces animales et végétales.
Le Maroc dispose de 9 millions ha de forêts, y compris les steppes d’alfa, dont 5,8 millions ha de forêts naturelles. 154 Sites d’Intérêt biologique et écologique (S.I.B.E.), couvrant une superficie de 2,5 millions d’hectares, constituent des espaces privilégiés pour la conservation, le développement et la valorisation de cette biodiversité. Ces espaces forestiers sont le principal réceptacle de l’essentiel de la faune et de la flore naturelle puisqu’elle abrite les deux tiers des plantes et un tiers des espèces animales.
Au niveau méditerranéen, le Maroc occupe la deuxième place en matière de biodiversité et la première place pour ce qui est de l’endémisme c’est-à-dire les espèces exclusivement marocaines.
La forêt représente un véritable rempart contre la désertification et un garant des grands équilibres environnementaux, notamment la conservation des terres pastorales et agricoles, la lutte contre l’ensablement, la protection des barrages et des infrastructures, etc.
Elle s’agit d’un véritable réceptacle de la biodiversité en ce sens qu’elle contribue à l’adaptation et à l’atténuation des effets des changements climatiques et des phénomènes extrêmes et à la régulation des cycles de l’eau par l’approvisionnement de la nappe phréatique, des sources et des rivières.
Avec la MAP