Par Adnane Benchakroun
Je demeure, hélas, dans un silence inhabituel.
Sans l'oreille pour ces chants, doux ou bien acerbes,
Je navigue seul, un navire sans rituel.
De l'art musical, je ne perçois la quintessence,
Comme si mon esprit à ses charmes était sourd.
Exclu de la chorale, sans aucune clémence,
Je vis sans cette muse qui guide tant de parcours.
Le folklore pour moi n'est qu'une lourde sentence,
Un bruit qui dans la nuit éveille mon courroux.
Même le joyeux fracas d'une noce dense
Semble à mon cœur battant un tumulte bien trop doux.
D'aucuns disent que c'est l'âme qui, à la musique,
Se lie, s'envole, vibre en harmonie profonde.
Mais la mienne, de marbre, à ce langage unique,
Reste muette, en retrait, dans son coin du monde.
On m'a dit qu'il existe une condition rare,
Un silence imposé par le destin, sans choix :
L'amusie, qui rend le musicien avare
De mélodies qu'il ne saisit, qu'il ne voit.
Peut-être est-ce mon cas, ou peut-être encore,
Est-ce l'écho d'une enfance sans notes ni portées ?
Sans l'initiation précoce qui transporte,
Suis-je destiné à rester à quai, isolé ?
On dit aussi que l'exposition, la découverte
De genres multiples ouvre l'âme à la beauté.
Mais enfermé dans mon monde, la porte entrouverte,
Je n'ai su franchir le seuil de la diversité.
Culture, souvenirs, traits de mon caractère,
Ont façonné un être à l'écart de la danse.
Dans un monde vibratoire, je suis étranger,
Cherchant ma voie, sans la trouver, en silence.
Certains trouvent dans la musique une échappée,
Un refuge, un souffle, une émotion partagée.
Pour moi, elle reste une énigme non élucidée,
Un livre en langue morte, jamais déchiffré.
Peut-être qu'un jour, au détour d'une mélodie,
Mon cœur s'éveillera, rompant son long sommeil.
Jusqu'à ce jour, je marche, une ombre parmi la vie,
Un spectateur silencieux sous le même soleil.
La musique, pour certains, est une porte ouverte
Sur un monde de sensations, d'émois, de couleurs.
Mais pour moi, elle est un chemin qui déserte,
Un jardin où je ne goûte pas les fleurs.
Néanmoins, dans le respect de chaque art et muse,
Je reconnais leur valeur, leur éclat, leur vertu.
Même si à leurs appels, mon âme s'excuse,
Je sais qu'ils portent en eux un monde inconnu.
En attendant, je suis une île dans l'océan,
Entouré de musique, touché mais non conquis.
La beauté réside dans la diversité des gens,
Et dans ce vaste univers, chacun trouve son cri.