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Par Aziz Boucetta
Et le gouvernement français de décider de réduire les délivrances (et pas octrois) de visas de 50% pour le Maroc et l’Algérie, de 30% pour la Tunisie, qui a droit à un « traitement de faveur », donc. Il faut le dire, ce type de décisions est d’abord vexatoire, ensuite résolument humiliant pour des gens, réduits à présenter des « dossiers », à quémander un rendez-vous auprès d’une entreprise privée chargée de recevoir les demandeurs et leurs dossiers, lesquels doivent comprendre tout un ensemble de documents privés (relevés bancaires, réservations d’hôtels vérifiées par les consulats, et éventuellement les états CNSS, les titres de propriétés, les copies d’état-civil…).
Médecins, juristes, ingénieurs, enseignants, entrepreneurs, étudiants, retraités, hommes femmes, âgés ou jeunes… tout le monde y passe, tout le monde doit montrer patte blanche pour entrer sur le territoire français. Au terme du circuit, qui dure quelques jours ou quelques semaines (passeports remis à l’entreprise privée), on vous « octroie » un visa de 15 jours ou de quatre ans, avec une seule entrée ou des entrées multiples… sans explication ni possibilité de recours.
Et depuis, on entend circuler des noms de personnes physiques, connues et reconnues, qui se sont vu refuser un visa, ou des personnes morales voire même des institutions publiques dont des cadres ont également été déboutés. Et tout récemment encore, la consule générale de France à Rabat a confirmé le « chantage » aux réadmissions ou aux visas. Consternant.
Par ailleurs, et selon un article de notre confrère Medias24, les mesures de rétorsion se prolongent dans la finance, par des entraves de plus en plus importantes créées en France, en Belgique et aux Pays-Bas, avec une insistance sur le premier pays qui a pris des mesures encore plus dures, pour les MRE qui transfèrent leur argent au Maroc. Selon deux experts, marocain et étranger, la mesure est surtout vexatoire, illégitime, de nature essentiellement politique.
Et de fait, durant la campagne présidentielle française, la plupart des candidats « importants », surtout de la droite extrême, avaient agité l’épouvantail de limiter, voire d’interdire, les transferts des migrants vers leurs pays, puis le dépôt d’une caution avant toute délivrance d’un visa ! Et aujourd’hui, la France abrite près d’une centaine de députés de cette même droite extrême, avec laquelle, et au vu des résultats des législatives – tout gouvernement devra composer.
ll est, donc, temps de sortir d’une certaine naïveté dans le regard porté sur la France par le Maroc, pour reprendre (en l’adaptant) le titre d’un éditorial du Monde en date du 21 mai 2021. Que cherchait donc, que cherche encore, le gouvernement français ? Pense-t-il sérieusement que les Marocains exerceront une pression sur leur gouvernement pour céder à ce chantage élyséen (car une telle décision ne peut avoir été prise sans l’accord du président Macron) ?
Et bien non, c’est l’inverse qui se produit, et l’estime, souvent l’affection, parfois la passion affichées par le public marocain à l’égard de la France s’estompent…
Il est important que les Marocains comprennent qu’il ne faut plus rien attendre de positif de ce pays supposé être notre ami, notre partenaire, notre allié. Que peut-on espérer d’un Etat qui traite de cette manière les ressortissants d’un autre Etat, présumé proche ? Les Marocains désireux de se rendre en Europe devraient maintenant sérieusement envisager de boycotter les consulats français et de se diriger vers les Espagnols, plus enclins à tirer profit de l’opportunité qui se présente de recevoir les Marocains, eux qui se souviennent du coût du boycott de 2021.
Un boycott clair d’Etat à Etat, totalement assumé par Rabat, contrairement aux tracasseries imposées à de simples citoyens, pris en otage par le refus de Paris de considérer qu’un pays, même ex-Protectorat, même ex-colonie, peut décider d’enrichir ses partenariats et de commercer avec d’autres.
Oui, et c’est bien malheureux, « il est temps de sortir d’une certaine naïveté dans le regard porté sur la France ». Pour l’Etat, c’est fait, il reste la population.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post