Les analyses factuelles du marché du travail montrent que ces inégalités sont fortement corrélées à la position occupée dans la hiérarchie des salaires et à de nombreux attributs individuels dont particulièrement le niveau d’éducation, l’expérience professionnelle, la catégorie socioprofessionnelle ou l’âge. A ces attributs individuels s’ajoutent des facteurs relatifs à la discrimination sexiste selon laquelle, à qualification égale, les femmes salariées perçoivent, en moyenne, un salaire systématiquement inférieur à celui des hommes.
Inégalité entre hommes et femmes devant le salariat
En 2019, la proportion de femmes au sein de la population urbaine salariée, âgée de 18 à 60 ans, s’établit à 32,2%, demeurant en deçà de celle des hommes, qui s’élève à 67,8%. Cet écart se traduit par un indice de parité de 2,1. Autrement dit, parmi trente-et-un salariés, dix sont des femmes et vingt-et-un sont des hommes. Cette parité sur le marché du travail fluctue nettement avec l’avancement en âge, passant de 1,8 pour la tranche d’âge 18-29 ans à 2,4 pour les 30-44 ans pour se fixer à 2,1 pour les 45-60 ans.
La sous-représentativité des femmes parmi les salariés est le reflet de leur faible participation à la vie active. Non seulement le taux d’activité des femmes demeure nettement inférieur à celui des hommes, mais il continue de décliner au fil des années, passant de 30,4% en 1999 à 21,5% en 2019. De plus, le chômage de longue durée, douze mois et plus, touche les femmes chômeuses plus que leurs pairs hommes, avec des proportions respectives de 76,3% et 63,8%, en raison notamment de la contraction de l’offre d’emploi et son corollaire, l’aggravation du chômage en milieu urbain.
En termes de dotation en capital humain, le niveau de formation des salariés reste limité, avec plus de la moitié d’entre eux (56,7%) n’ont aucun niveau scolaire ou n’ont pas poursuivi l’enseignement secondaire. Les hommes, avec une proportion de 59,2%, sont plus nombreux que les femmes (51,5%) dans cette catégorie de salariés. Ce niveau de qualification relativement bas s’explique, notamment, par l’effet de génération et les difficultés d’insertion des jeunes diplômés dans la vie active.
Dans ce contexte, avec une moyenne de 11 années d’études, les femmes salariées âgées de 18 à 29 ans sont mieux dotées en termes de capital scolaire que les hommes de la même tranche d'âge, qui ont suivi en moyenne 9,5 années d'études. Cet avantage cognitif des jeunes femmes tend cependant à s’estomper au fil des générations plus anciennes, marquées par un léger avantage masculin en termes de scolarisation. Cette tendance est également corroborée par la durée médiane des études.
Les inégalités dans les composantes du capital humain par sexe et tranche d’âge
Groupe d’âge | 18 – 29 ans | 30 – 44 ans | 45 – 60 ans | Ensemble | ||||||||
Sexe | Homme (H) | Femme (F) | Ecart H-F | H | F | Ecart H-F | H | F | Ecart H-F | H | F | Ecart H-F |
Nombre d’années d’études (moyenne) | 9,5 | 11 | -1,5 | 8,7 | 8,2 | 0,4 | 7,3 | 7,1 | 0,2 | 8,4 | 8,6 | -0,2 |
Expérience professionnelle (moyenne) | 3,2 | 2,8 | 0,4 | 8,9 | 6,9 | 2 | 17,4 | 14,9 | 2,5 | 10,6 | 8,9 | 1,7 |
En revanche, en termes de durée d’expérience professionnelle, la différence hommes-femmes affiche un net avantage en faveur des hommes et s'accroît avec l’âge.
Au plan de parité, à niveau d’étude équivalent, les salariés masculins dominent encore la scène, bien que leur prépondérance diminue significativement à mesure que le niveau de scolarisation s'améliore. A titre d’illustration, le rapport de parité, tout en restant nettement supérieur à l’unité, tend à baisser de 3,4 pour les salariés ayant un niveau d’enseignement primaire à 1,5 pour ceux ayant un niveau d'enseignement supérieur.
Caractéristiques socioéconomiques / Hommes (en%)/ Femmes (en%) et Indice de parité Catégorie socioprofessionnelle
Caractéristiques socioéconomiques | Hommes (en%) | Femmes (en%) | Indice de parité |
Catégorie socioprofessionnelle | |||
Responsables hiérarchiques et cadres supérieurs | 62,5 | 37,5 | 1,7 |
Cadres moyens et employés | 60,3 | 39,7 | 1,5 |
Artisans et ouvriers qualifiés non agricoles | 77,2 | 22,8 | 3,4 |
Manœuvres non agricoles | 66,3 | 33,7 | 2 |
Classes de salaires | |||
1er quintile : 20% des salariés les moins bien rémunérés | 53,3 | 46,7 | 1,1 |
2ème quintile : les 20% suivants | 69,3 | 30,7 | 2,3 |
3ème quintile : les 20% suivants | 70,8 | 29,2 | 2,4 |
4ème quintile : les 20% suivants | 74,6 | 25,4 | 2,9 |
5ème quintile : les 20% des salariés les plus bien rémunérés | 72 | 28 | 2,6 |
L’examen de la relation genre-salariat-profession révèle également des différences de parité bien établies selon les groupes de profession.
Analysée sous le prisme de la distribution sociale des salaires, la parité devant le salariat s’avère plus tangible parmi les 20% des salariés les moins bien rémunérés, avec un indice de parité de 1,1. Au-delà de cette tranche de salaires, l’indice de parité affiche d’importantes disparités, atteignant 2,3 pour les salariés du deuxième quintile inférieur de la distribution salariale, puis 2,6 pour ceux du quintile supérieur, et culminant au quatrième quintile avec un indice de parité de 2,9.
En somme, il apparaît que l’inégalité hommes-femmes face au salariat est une réalité bien ancrée dans le marché du travail. Les sources de cette inégalité montrent dans quelle mesure les attributs individuels des femmes déterminent leur position sur le marché du travail, ce qui, à son tour, ne manquerait pas à alimenter les écarts salariaux entre les deux sexes.
Portrait de l’écart de salaire moyen entre hommes et femmes
En 2019, le salaire mensuel moyen s’élève à 3 800 DH par salarié au niveau national, avec une différence notable entre les milieux urbain et rural, où il s’établit respectivement à 4 500 DH et 2 200 DH. En moyenne, les hommes perçoivent un salaire mensuel de 3 900 DH, contre 3 700 DH pour les femmes.
Par rapport à la population salariée urbaine âgée de 18 à 60 ans, le salaire moyen des hommes s’élève à 4 900 DH, ce qui représente une augmentation de 23 % par rapport au salaire moyen des femmes, établi à 3 900 DH. En termes de salaire médian, évalué à 3 400 DH pour les hommes, contre 2 800 DH pour les femmes, cet écart est de 20% en faveur des hommes.
Par groupe d’âge, l'écart du salaire moyen suit une tendance en forme de U inversé, avec une période où les femmes âgées de 18 à 29 ans gagnent un salaire moyen supérieur de 10 % à celui de leurs homologues masculins. Cependant, au-delà de cette tranche d'âge, l'écart salarial se creuse, montrant un désavantage en faveur des femmes. Il atteint son niveau le plus marqué, avec un écart de 41,4 %, chez les salariés âgés de 30 à 44 ans. Malgré une atténuation de cet écart pour les salariés âgés de 45 à 60 ans, il persiste toujours en faveur des hommes et se maintient à des niveaux élevés, approchant la moyenne globale de l'écart salarial, quelle que soit la tranche d'âge.
Appréhendé par niveau scolaire, l’écart salarial, en faveur des hommes, atteint son niveau le plus élevé (42,4%) parmi les salariés sans niveau scolaire. Cependant, cet écart se réduit à 30% parmi les salariés ayant suivi une formation scolaire fondamentale et se fixe à 37% parmi ceux ayant atteint un niveau d'éducation supérieur. Sans surprise, l’étendue de l’écart salarial parmi ces derniers provient principalement des écarts salariaux hommes-femmes dans le secteur privé qui s’élèvent à 82%, contre 13% dans le secteur public. En d’autres termes, le salariat dans le secteur privé contribue à hauteur de 79% à l’écart salarial entre les hommes et les femmes ayant poursuivi des études supérieures.
Moyenne mensuelle des salaires (en DH) et écart salarial entre hommes et femmes (en%)
Critère de différenciation | Homme (H) | Femme (F) | Ensemble | Ecart H/F |
(en % du salaire moyen des femmes) | ||||
Salaire moyen | 4 880 | 3 970 | 4 590 | 22,90% |
Salaire médian | 3 360 | 2 800 | 3 160 | 20,00% |
Salaire mensuel moyen et écart salarial Homme-femme | ||||
selon quelques caractéristiques socioéconomiques | ||||
Niveau scolaire | ||||
Sans niveau | 2 850 | 2 000 | 2 440 | 42,50% |
Fondamental | 3 190 | 2 430 | 3 020 | 31,30% |
Secondaire | 4 620 | 3 510 | 4 270 | 31,60% |
Supérieur | 9 820 | 7 180 | 8 770 | 36,70% |
Catégorie socioprofessionnelle | ||||
Responsables hiérarchiques et cadres supérieurs | 12 400 | 8 980 | 11 120 | 38,10% |
Cadres moyens et employés | 4 970 | 3 590 | 4 420 | 38,40% |
Artisans et ouvriers qualifiés non agricoles | 3 190 | 2 880 | 3 120 | 10,80% |
Manœuvres non agricoles | 2 630 | 2 020 | 2 430 | 30,20% |
Secteur d’emploi | ||||
Public | 8 500 | 8 300 | 8 440 | 2,40% |
Privé | 5 400 | 3 780 | 4 820 | 42,80% |
Ménage ou unité informelle | 2 700 | 2 020 | 2 540 | 33,70% |
Décomposition de l’écart salarial hommes-femmes
Composantes de l’écart | Niveau | Poids (en %) |
Avantage masculin (1) | 0,099 | 45,83 |
Désavantage féminin (2) | 0,097 | 44,74 |
Discrimination sexiste (1) + (2) | 0,196 | 90,57 |
Ecart expliqué | 0,02 | 9,43 |
Ecart salarial hommes – femmes | 0,216 | 100 |