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Funérailles d’un Accord d’Alger mort-né


Rédigé par le Vendredi 26 Janvier 2024

Le Mali a définitivement enterré l’Accord d’Alger, conclu avec les rebelles du Nord, qui n’avait jamais été appliqué.



A travers deux communiqués signés et lus à la télévision nationale malienne par le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, le Colonel Abdoulaye Maïga, datés tous deux du 25 janvier, le Mali a dénoncé les « actes d’hostilités » des autorités algériennes à son encontre et décidé de mettre fin à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, dit aussi Accord d’Alger.

Pour rappel, l’Accord d’Alger, qui était censé mettre fin au conflit armé entre les autorités maliennes et les groupes armés du Nord du Mali, formés par les indépendantistes Touaregs de l’Azawad, a été signé en deux temps. C’est d’abord le gouvernement malien et les mouvements loyalistes qui l’ont paraphé le 15 mai 2015, à Bamako.
 
Ce texte a été contresigné par l'ONU, l'Union africaine, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), l'Union européenne, ainsi que l'Algérie, la France, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Nigeria.

Un accord qui ne satisfait personne

La Coordination des mouvements de l'Azawad (Cma), qui regroupe plusieurs factions armées touaregs, avait alors estimé que ledit texte ne répondait pas à ses attentes en matière d’autonomie, a d’abord refusé de le signer. Ce que n’est que sous la pression internationale qu’elle a été amené à le faire, le 20 juin 2015.

En réalité, aucune des deux parties en conflit n’était satisfaite par cet accord, qui était de fait, mort-né. Les autorités maliennes ont considéré qu’une large autonomie accordée au Nord du Mali, telle que prévue par l’accord, ouvrait la voie à la sécession.

L’armée malienne a, par ailleurs, refusé d’intégrer les combattants rebelles aux grades dont ils jouissaient au sein de leurs mouvements armés.

Les groupes armés touaregs du Cma ont refusé, de leur côté, de déposer les armes. Tous les ingrédients d’une poursuite du conflit, entamé en 2012, étaient, donc, réunis.

Des retraits en cascade

Avec le déploiement, début 2022, des mercenaires russes du groupe Wagner au Mali, appelé à la rescousse par la junte, au pouvoir depuis août 2020 à Bamako, la « Task Force Takuba » (mars 2020-juillet 2022) composée de la France et de pays européens a décidé de se retirer.

Le 2 mai 2022, le gouvernement de transition malien décide de rompre son accord de défense avec la France et l’UE. 
Les troupes françaises, déployées dans le cadre de l’opération Barkhane depuis août 2014, dans la suite de l’opération Serval (janvier 2013- août 2014), se retirent définitivement du Mali, en novembre 2022.

Même si les troupes françaises ont effectivement réussi à stopper l’avance des jihadistes maliens vers Bamako, en janvier 2013, elles n’ont jamais réussi à rétablir l’autorité du gouvernement malien sur le Nord du pays.

En juin 2023, c’est au tour de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) de se retirer également du Mali.

Une guerre qui n’en finit pas

Au terme de plusieurs offensives de l’armée malienne, soutenue par les mercenaires russes de Wagner, après la reprise des combats fin août 2023 dans le Nord du pays, qui ont entraîné de lourdes pertes dans les deux camps en conflit, la ville de Kidal, à l’Est du Mali, est reprise à la mi-novembre.

Malgré ce succès, les affrontements sanglants entre l’armée malienne et les groupes armés de l’Azawad, soit sous la bannière d’Al Qaïda (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), soit sous celle de Daech (L’État islamique dans le Grand Sahara), n’ont pas cessé.

Les exactions commises sur les populations civiles constituent l’une des plus terribles conséquences de l’interminable guerre du Mali.

Alger jette de l’huile sur le feu

C’est dans ce contexte que l’Algérie a reçu, le 19 décembre, l’Imam Mahmoud Dicko, un leader politico-religieux et opposant malien, après d’autres réunions avec des représentants des mouvements séparatistes touaregs, et ce sans chercher à obtenir l’accord préalable de Bamako.

Il va sans dire que l’autorité de transition malienne, dirigée depuis mai 2021 par le Colonel Assimi Goïta, n’a pas du tout apprécié ces manœuvres algériennes, qu’elle a dénoncés comme autant d’ingérences d’Alger dans les affaires intérieures maliennes.

Le 20 décembre, le ministère des affaires étrangères malien convoque l’ambassadeur d’Algérie à Bamako pour « pour élever une vive protestation » de l’autorité de transition malienne contre ce qu’elle a qualifié « d’actes inamicaux posés par les autorités algériennes, sous le couvert du processus de paix au Mali ». Alger s’empresse, alors, de rappeler son ambassadeur pour « consultations ».

En application du « principe de réciprocité », le Mali rappelle, le 22 décembre, son ambassadeur à Alger.

Coup bas à Kampala

Comme pour confirmer les accusations du Mali, l’Algérie n’a rien trouvé de mieux que de tenter d’inclure, sans en référer au gouvernement de transition malien, dans le communiqué final du 19ème Sommet du Mouvement des Non Alignés, qui s’est déroulé du 15 au 20 janvier à Kampala (Ougnada), un paragraphe faisant référence à l’Accord d’Alger et qui somme les deux parties en conflit à le respecter.

Le Mali, qui avait exprimé, en novembre 2023, son intention de renégocier l’Accord d’Alger, en incluant dans les discussions les populations locales et les pays voisins, a vite fait de réagir à la manœuvre algérienne.

Le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, a expliqué aux 120 pays participants, dont 53 pays africains, que ce n’est pas à l’Algérie de se mêler des affaires intérieures de son pays, ce qui représente une atteinte flagrante à sa souveraineté.

Le ras-le-bol malien

Dans son communiqué n°64, le gouvernement de transition du Mali a dénoncé une « multiplication d’actes inamicaux, de cas d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali de la part des autorités de la République algérienne démocratique et populaire, toute choses portant atteinte à la sécurité et à la souveraineté du Mali ».

Dans une énumération desdits actes d’ingérence de l’Algérie envers le Mali, il est question de l’imposition d’un délai de transition aux autorités maliennes, l’accueil de citoyens maliens subversifs ou poursuivis par la justice pour des actes de terrorisme, de l’existence de bureaux sur le territoire algérien représentant des groupes qualifiés par le Mali de terroristes, outre le maintien des sanctions onusiennes, au moment où les pays non-alignés et la Russie demandent leur abrogation.

Dans une menace à peine voilée, le gouvernement de transition malienne demande à Alger ce qu’elle pourrait penser si Bamako devait accueillir des représentants du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie.

Communiqués en tir groupé

Bamako a tenu, également, à rappeler à Alger sa responsabilité dans la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel, quand l’armée algérienne a repoussé le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) vers le Nord du Mali, pour s’en débarrasser.

Le communiqué acerbe du gouvernement de transition malienne rappelle à l’Algérie que le Mali n’est ni son « arrière-cour », ni « un Etat paillasson ».

Le communiqué suivant, n°65, plus bref, souligne son rejet par l’Algérie de l’instrumentalisation de l’Accord d’Alger, que Bamako considère, désormais, comme étant caduc.

Les groupes signataires de l’Accord d’Alger, qui ne sont pas considérés par Bamako comme terroristes, sont invités à prendre part au dialogue inter-malien, auquel a appelé le président de la transition, Assimi Goïta, le 31 décembre 2023.

A jouer avec le feu, on finit par se brûler

Le Mali et l’Algérie partagent une frontière commune de 1329 kms, la plus longue avec les pays voisins dans les deux cas. D’autre part, il n’y a pas que le Mali qui souffre d’une rébellion sécessionniste des Touaregs.

Les affrontements armés, en juin 2023, entre l’armée algérienne et des combattants séparatistes touaregs du « Mouvement pour la libération de Tamanrasset et Adrar » (MLTA), connu aussi sous le nom de « Mouvement pour la Libération du Sud Algérien » (MLSA), sont là pour prouver que même le Sud algérien est menacé.

Cerise sur le gâteau, les mouvements indépendantistes de la Kabylie et de l’Azawad se sont réunis, au mois de novembre, à Paris, afin de coordonner leurs actions.

Outre son isolement régional croissant, l’Algérie ayant de mauvaises relations avec le Maroc, à l’Ouest, la Libye, à l’Est, et maintenant le Mali, au Sud, Alger ne semble pas se rendre compte de la fragilité de sa propre unité nationale.

A force de souffler sur les braises du séparatisme dans les pays voisins, l’Algérie pourrait bien finir par se brûler.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 26 Janvier 2024

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