Sur fond de mésentente à propos de la question migratoire, le clivage ne cesse de s’approfondir entre l’Etat fédéré du Texas et le gouvernement fédéral de Washington.

Depuis que la Cour suprême des Etats-Unis a rendu sa décision, le 22 janvier, relative au droit du gouvernement fédéral de supprimer les barrières en fils de fer barbelés installés par l’Etat du Texas à la frontière avec le Mexique, pour empêcher le passage des migrants irréguliers, une tension croissante oppose le gouverneur du Texas, Greg Abbott, à l’administration Biden.

Face au flux massif de migrants en provenance d’Amérique latine, qui traverse illégalement la frontière qui sépare le Mexique des Etats-Unis, l’Etat du Texas a lancé, en mars 2021, une opération baptisée « Lone star », consistant à le stopper, ou du moins en réduire le volume.

10.000 membres de la Garde nationale du Texas, un corps d’armée placé sous les ordres du gouverneur, ont été déployés dans le cadre de cette opération, qui coûte 2,5 millions de dollars par semaine.

Même si les mesures déployées par le Texas n’ont pas rendu pour autant la frontière avec le Mexique totalement hermétique, le flux des migrants latino-américain n’a augmenté dans cet Etat du Sud des Etats-Unis que de 9%, un an après le lancement de l’opération, contre 62% de hausse, durant la même période, dans les Etats de l’Arizona, du Nouveau Mexique et de la Californie.

Après la fermeté de l’administration Trump envers la migration irrégulière passant par le Mexique, plus de six millions de migrants clandestins ont traversé la frontière Mexique-Etats-Unis, longue de 3.145 kms, depuis que Joe Biden est devenu président. 15% des habitants des Etats-Unis sont nés à l’étranger.

En réponse au laxisme de l’administration présidentielle face aux vagues de migration irrégulière en provenance d’Amérique latine, le gouverneur du Texas a envoyé par bus et en avion, depuis avril 2022, plus de 100.000 migrants clandestins vers les villes de Washington DC et New York, dirigées par des Démocrates.

Ces derniers semblent très enthousiastes envers l’accroissement des flux migratoires, renforçant les rangs des électeurs qui votent en leur faveur, pourvu qu’ils n’aillent pas à les accueillir.

En juillet 2022, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a déclaré l’invasion du Texas, en vertu de l’article 1, section 10, clause 3 de la constitution des Etats-Unis.

Cette disposition permet au gouverneur Abbott de prendre les dispositions nécessaires pour agir contre les flux migratoires clandestins, sans en référer au gouvernement fédéral, normalement le seul habilité à décider de la politique migratoire des Etats-Unis.

Dans une démarche qui relève du défi aux autorités fédérales, le gouverneur Abbott, en réaction à la récente décision de la Cour suprême, prise à 5 voix contre 4, a publié, le 24 janvier, une déclaration sur « le droit constitutionnel du Texas à l'autodéfense ».

25 Etats fédérés, dirigés par des Républicains, ont signifié leur soutien au gouverneur du Texas, alimentant, de la sorte, des rumeurs grandissantes dans les réseaux sociaux quant au risque de voir les Etats-Unis sombrer dans une guerre civile, dans une sorte de remake de la guerre de sécession (1861-1865).

Il y a même eu des vidéos de déploiement de véhicules blindés qui ont circulé sur les réseaux sociaux, mais il s’est avéré qu’elles ont été détournées de leurs réels contextes (l’une est relative à des chars M1 Abrams de la Garde nationale de l’Arkansas envoyés au Texas pour des exercices, l’autre montre des exercices militaires au Chili).

L’Etat du Texas est le 2ème plus peuplé et plus étendu des Etats-Unis, après, respectivement, ceux de Californie et de l’Alaska. Il a d’abord existé en tant que une république indépendante, de 1836 à 1845, suite à la révolution texane de 1835 contre le Mexique dont il faisait partie, avant de demander son rattachement aux Etats-Unis.

Avec un Pib 2335 milliards de dollars (2022), pour une population de 30 millions d’habitants, c’est le 2ème Etat le plus riche des Etats-Unis, après la Californie et, si c’était un Etat indépendant, ce serait la 8ème économie mondiale.

Les tensions entre le Texas et le gouvernement fédéral de Washington à propos de la question migratoire est le reflet d’une crise plus étendue qui voit la société américaine divisée en deux camps farouchement opposés.

D’une part les Démocrates, gavés d’idéologie « woke » et grands promoteurs de l’accueil sans limites des migrants irréguliers débarquant aux Etats-Unis, et de l’autre, les Républicains, qui veulent, au contraire, lutter activement pour juguler les flux migratoires.

L’ex-président Donald Trump et actuel candidat républicain aux élections présidentielles du 5 novembre prochain a, d’ailleurs, profité de la tension entre le Texas et l’administration Biden pour dénigrer son concurrent.

Le gouffre idéologique entre les deux camps, républicains et démocrates, est tel, et ce à plusieurs sujets, que les perspectives d’une sécession du Texas (Texit) ou d’une guerre civile opposant les nationalistes aux progressistes ne semblent plus fantasmagoriques.

Il va sans dire que les adversaires géopolitiques des Etats-Unis se régalent à l’idée de voir les Américains s’entretuer.