A lire ou à écouter en podcast :
Par Abdeslam Seddiki.
Bien sûr, une décision stratégique de cette ampleur ne s’improvise pas. C’est une décision réfléchie ayant fait l’objet d’études préalables et de concertations multiples pendant au moins deux années. Il faut rappeler, à cet égard, la tenue d’une séance de travail présidée par le Roi le 22 novembre 2022, consacrée aux énergies renouvelables qui ouvrent de « nouvelles perspectives prometteuses pour le Royaume, en particulier dans les domaines de dessalement de l’eau de mer et de la filière émergente de l’hydrogène vert et de ses usages ». Au cours de cette rencontre, le Roi a donné ses Hautes instructions au gouvernement pour procéder à l’élaboration dans les meilleurs délais de « l’offre Maroc ».
Aussi, le Souverain, suivant de près l’évolution de ce projet stratégique pour le pays, a tenu à lui consacrer une bonne partie dans Son discours adressé à la Nation à l’occasion de la célébration du 24ème anniversaire de la fête du Trône : « … Nous avons lancé le Programme d’Investissement Vert du Groupe OCP et Nous avons donné un coup d’accélérateur au plan de déploiement des énergies renouvelables. Faisant suite à la réunion que Nous avons présidée à cette fin, le gouvernement a élaboré le projet «Offre Maroc» pour l’hydrogène vert. À cet égard, Nous engageons le gouvernement à entreprendre la mise en œuvre rapide et qualitative de ce projet, de manière à valoriser les atouts dont dispose Notre pays en la matière et à répondre au mieux aux projets portés par les investisseurs mondiaux dans cette filière prometteuse. » (Extraits du Discours de SM le Roi du 29 juillet 2023).
En application de ces instructions royales, le chef du gouvernement vient d’émettre la circulaire de mise en œuvre de « l’Offre Maroc » pour le développement de la filière de l’hydrogène vert précisant les étapes opérationnelles pour la mise en œuvre de « l’Offre Maroc », les moyens mis en œuvre par l’Etat pour assurer le succès de cette opération, ainsi que les rôles des différents intervenants. Cette offre se base sur la mise en œuvre d’une démarche holistique, pragmatique et transparente donnant toute la visibilité nécessaire aux investisseurs. Elle comprend six parties : le champ d’application de l’Offre Maroc ; le foncier mobilisé pour la mise en œuvre de l'Offre Maroc ; les infrastructures nécessaires au développement de la filière de l’hydrogène vert ; Les mesures incitatives de l’Offre Maroc ; le processus de sélection des investisseurs et de contractualisation avec l’Etat ; la gouvernance de la filière de l’hydrogène vert.
« L’Offre Maroc » s’applique aux projets intégrés de l’amont, depuis la génération d’électricité à partir d’énergies renouvelables et l’électrolyse, jusqu’à l’aval avec la transformation de l’hydrogène vert en ammoniaque, méthanol, carburants synthétiques, etc., ainsi que la logistique y afférente.
D’ores et déjà, une centaine d’investisseurs potentiels, à la fois nationaux et étrangers, ont exprimé leur intérêt pour la production de l’hydrogène vert. L’Europe est particulièrement intéressée. Elle cherche à dupliquer ce que fait déjà le Japon avec l'Australie en produisant de l’hydrogène moléculaire (H2) vert australien exportable vers le Japon. Mais si « l’offre Maroc » table sur l’exportation, elle n’ignore pas pour autant le marché domestique.
Pour l’heure, on s’attend à ce que les premiers contrats préliminaires avec les investisseurs interviendraient à partir du troisième trimestre de cette année, déclare le Ministre Jazouli dans un long entretien accordé à Médias-24, précisant que la production de l’hydrogène vert constitue un « rendez-vous avec l’histoire » et que de ce fait « nous n’avons pas droit à l’erreur ». Ce qui suppose nécessairement que toutes les précautions soient prises et toutes les conditions de la réussite de ce projet stratégique soient réunies. Sachant bien entendu, que le « risque zéro » n’existe nulle part.
Parmi les investisseurs qui ont affiché leur intérêt, il faut sélectionner les meilleurs, ceux qui disposent d’une robustesse financière et qui ont des expériences avérées sur les différents métiers de la chaîne de valeurs de la filière (énergies renouvelables, chimie, logistique etc.), leurs clients potentiels ainsi que leurs capacités à créer des externalités positives pour le Maroc, notamment en termes de création d’emplois, d’intégration industrielle, de développement local des territoires et de recettes pour l’Etat marocain. Le processus de sélection des investissements est décrit avec précision dans la circulaire afin de savoir au juste qui fait quoi. MASEN (Moroccan Agency for Sustainable Energy) joue le rôle de post office. C’est le « point focal » pour les investisseurs. Il est prévu un comité de pilotage et un comité d’investissement.
Toutefois, le secteur privé marocain, doit prendre sa part dans ce processus. La CGEM, par le biais de son Président, vient d’exprimer son engagement dans ce sens. La confédération patronale souhaite que le secteur privé national bénéficie en priorité de cette offre, notamment en prévoyant des clauses de compensation industrielle avec les acteurs internationaux. Il s’agit aussi de satisfaire en priorité la demande énergétique nationale avant d’évaluer les projets destinés à l’exportation, moyennant un renforcement du réseau national par le secteur privé.
Avec la publication de l’offre Maroc, une première étape est franchie. On a pris le temps qu’il fallait. Ce qui est tout à fait compréhensible au regard de la nature de la filière de l’hydrogène qui nécessite une technologie appropriée et délicate. Il vaudrait mieux avancer sur des bases sûres et solides pour éviter des faux pas qui risqueraient de nous coûter cher.
Nous sommes devant un chantier d’une ampleur considérable qui, s’il est conduit à terme avec sérieux et opiniâtreté, transformera profondément le paysage économique de notre pays et améliorera, in fine, la qualité de notre vie quotidienne.
Une énergie propre au moindre coût ? Quelle chance !