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Éducation : quand parviendra-t-on à l'égalité des sexes ?


Rédigé par le Jeudi 2 Novembre 2023

La question de l'intégration de la pédagogie féministe dans l'éducation suscite un débat animé au Maroc en raison des inégalités de genre persistantes et des stéréotypes enracinés. Bien que des efforts de modernisation aient été déployés, l'atteinte de l'égalité des sexes à l'école demeure une préoccupation majeure. Il est donc pertinent de réfléchir à l'adoption d'une approche pédagogique plus orientée vers la promotion de l'égalité des genres. Voici quelques points à considérer.



Le Maroc, comme de nombreux autres pays à travers le monde, est confronté à des défis majeurs en matière d'égalité des genres, particulièrement au sein de son système éducatif. Ces défis se manifestent à travers les expériences quotidiennes des élèves.

Durant les pauses, il est fréquent que les filles fassent l'objet de critiques et de jugements basés sur leur apparence. Les taquineries et les moqueries sexistes émanant des garçons contribuent à créer un environnement peu favorable à l'apprentissage et à la confiance en soi.

De plus, les manuels scolaires continuent de perpétuer des stéréotypes de genre en présentant des exemples de métiers et de professions associés à un sexe spécifique. Les filles sont souvent dépeintes dans des rôles tels que infirmières ou enseignantes, tandis que les garçons sont représentés comme des médecins ou des ingénieurs.

Néanmoins, l'éducation, en tant que moteur du changement social, détient le potentiel de briser les chaînes de l'oppression et d'accélérer le progrès. Dans cette optique, la pédagogie féministe se profile comme un élément central. Elle affirme catégoriquement que l'éducation n'est en aucun cas neutre.

Les méthodes pédagogiques, les programmes d'études et les interactions en classe ont le pouvoir de renforcer ou de remettre en question les normes de genre en vigueur. Cette perspective a incité de nombreux chercheurs à réfléchir profondément à la nécessité de repenser le système éducatif marocain pour le faire évoluer vers une perspective plus ancrée dans la promotion de l'égalité des sexes.

Une éducation axée sur l’égalité

L'éducation féministe, aussi désignée sous le nom d'éducation basée sur le genre, se définit comme une approche pédagogique visant à favoriser l'égalité entre les sexes, à déconstruire les préjugés liés au genre, et à reconnaître et mettre en valeur les contributions des femmes dans tous les secteurs de la société.

Apparue initialement au début des années 1980 en Amérique du Nord, dans le sillage des mouvements des 'groupes de conscience' féministes, la pédagogie féministe partage des points communs avec la pédagogie humaniste en mettant l'accent sur les aspects émotionnels, tout en s'approchant de la pédagogie critique en remettant en question la transmission des connaissances traditionnelles.

Ce qui la distingue, c'est son attention particulière à la diversité, en encourageant l'expression de cette diversité et en valorisant les caractéristiques généralement associées aux femmes selon les recherches. De plus, elle peut servir de cadre adapté pour les élèves marginalisés sur d'autres aspects. En cherchant à promouvoir l'égalité des sexes, le Maroc a-t-il mis en place des initiatives ou des programmes éducatifs intégrant les principes de la pédagogie féministe ?

Récemment, l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a initié le projet citoyen "Pour une école de l'égalité" avec le soutien de nombreuses associations féministes, de droits de l'homme, et de développement, ainsi que des syndicats de l'enseignement, des organismes représentant les inspecteurs pédagogiques, des associations de professeurs de diverses disciplines, et des fédérations d'associations de parents d'élèves.

Cette initiative a été lancée un an après la présentation d'un mémorandum au ministère de l'Éducation nationale, de la Préscolarisation, et des Sports. Aatifa Timjerdine, vice-présidente du bureau de Rabat de l'ADFM et membre du groupe de travail pour la promotion de la culture de l'égalité dans le système éducatif, avait souligné que "les stéréotypes sexistes ont un impact sur les individus et leur avenir. Ils ont des conséquences considérables à grande échelle et expliquent en grande partie les inégalités entre hommes et femmes, en défaveur de ces dernières, dans notre pays, et ce, dans tous les domaines."

De plus, l'élaboration de la feuille de route 2022-2026 pour la réforme de l'éducation représente une initiative majeure pour le Maroc. Cette nouvelle feuille de route, structurée en trois axes, a pour objectif de promouvoir l'égalité des sexes en mettant l'accent sur les élèves, les enseignants et les établissements scolaires. Il est important de noter que cette charte est devenue une référence au sein du système éducatif marocain, et un consensus s'est formé autour de son contenu, démontrant une adhésion commune. Cependant, ces intentions politiques, bien qu'elles représentent un progrès significatif, sont parfois critiquées en raison de leur incohérence avec les pratiques pédagogiques actuelles. Cette incohérence est en grande partie attribuable à la persistance d'une mentalité patriarcale qui peine à s'adapter au rythme de l'évolution politique.

Un désir de changement freiné

En réalité, malgré les nombreux débats sur le sujet, il semble y avoir un manque d'actions concrètes. D'un côté, la mise en place de telles initiatives est entravée par divers défis et obstacles.

Ces difficultés entravent la concrétisation de la volonté politique de progrès. Ces obstacles comprennent la résistance culturelle ou traditionnelle, les préjugés négatifs envers les femmes, le manque de ressources et de formations spécifiques, ainsi que les contraintes institutionnelles et structurelles.

D'un autre côté, la persistance de l'enseignement des principes islamiques fondés sur la domination masculine joue un rôle majeur. Cette dynamique transforme les écoles et les universités en des lieux ambigus où coexistent de manière schizophrénique deux logiques contradictoires : celle de la supériorité de l'homme d'une part et celle de l'égalité.

Ce constat n'est pas propre au Maroc, mais se retrouve dans de nombreux pays, y compris parmi les nations les plus avancées, où persistent des comportements dominants qui perpétuent les inégalités de genre.

Même si la coéducation est en vigueur depuis longtemps, les garçons et les filles ont souvent tendance à former des groupes distincts. Cependant, dans des pays comme le Maroc, cette situation est plus complexe, car les filles doivent faire face à des discriminations sexistes dès leur plus jeune âge, parfois même de la part de leurs enseignants et du personnel éducatif.Cette réalité peut grandement affecter leur estime de soi.

Par conséquent, assurer la qualité de l'éducation est une préoccupation primordiale : il ne suffit pas que les filles fréquentent l'école, elles doivent également avoir accès à un enseignement inclusif et de qualité au sein d'un environnement propice. Pour de nombreuses jeunes filles, les perspectives sont malheureusement limitées en raison des attentes familiales liées aux tâches domestiques et aux mariages précoces, ainsi que des pressions inimaginables auxquelles elles sont confrontées à l'école et lors de leurs transitions entre ces deux sphères complémentaires.

En outre, il est noté que les manuels scolaires continuent de présenter des images de la femme dans le rôle traditionnel de reproductrice, dévouée à son rôle de mère, prenant soin de ses enfants et veillant au bien-être de son époux. Ces idées sont diffusées à la fois parmi les élèves et les enseignants, ce qui va à l'encontre des principes égalitaires promus par la pédagogie féministe. 

Pour réaliser un changement significatif, il est donc impératif de favoriser une transformation profonde des mentalités et d'intégrer activement ces valeurs d'égalité dans les pratiques éducatives quotidiennes. En embrassant la diversité et en mettant l'accent sur l'égalité, la pédagogie féministe peut jouer un rôle clé dans la transformation du paysage éducatif marocain.

Cela offre ainsi aux générations futures une voie vers une société équilibrée et épanouissante. En alignant les aspirations politiques sur les pratiques éducatives, il devient possible d'instaurer une culture d'égalité authentique et durable au sein du système éducatif.
 





Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 2 Novembre 2023

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