Quand la rhétorique politique s'arme des idées polarisantes
En février 2022, Vladimir Poutine a déclenché une guerre en Ukraine sous prétexte de « dénazification ».
Selon le Kremlin, cette opération visait à éradiquer l’influence néonazie prétendument omniprésente dans le pays. Une assertion fortement contestée par les historiens et les institutions internationales, qui y voient un prétexte géopolitique masquant une volonté expansionniste.
Ce discours s’est révélé efficace sur une partie de l’opinion publique russe, éveillant les souvenirs de la Seconde Guerre mondiale et capitalisant sur le sentiment nationaliste. En Occident, cependant, il a suscité l’incrédulité et renforcé l’unité des démocraties contre Moscou. En fin de compte, cette rhétorique a davantage isolé la Russie sur la scène internationale qu’elle ne l’a renforcée.
De son côté, Donald Trump, emblème du populisme américain, semble prêt à relancer sa croisade contre le « wokisme ». Ce terme, initialement utilisé pour désigner une prise de conscience des inégalités raciales et sociales, a été détourné par les conservateurs pour englober tout ce qu’ils jugent excessif dans les idées progressistes.
Le discours de Trump sur la « dewookinisation » pourrait être interprété comme une tentative de recentrer l’Amérique sur des valeurs dites traditionnelles. Cette posture vise à séduire une base électorale frustrée par les évolutions sociales perçues comme rapides et imposées par une élite urbaine. Cependant, cette approche soulève des inquiétudes sur son potentiel à intensifier les divisions idéologiques au sein du pays.
Malgré des contextes radicalement différents, la « dénazification » de Poutine et la « dewookinisation » de Trump reposent sur une même logique : simplifier des problèmes complexes pour en faire des luttes existentielles. Dans les deux cas, ces récits polarisants jouent sur les émotions, qu’il s’agisse de nostalgie nationaliste ou de peur d’un changement culturel imposé.
Cependant, les risques sont multiples. De telles rhétoriques renforcent les clivages internes et minent le dialogue démocratique, qu’il s’agisse d’une société russe déjà étouffée par la propagande ou d’une Amérique fracturée entre progressistes et conservateurs.
Les discours populistes, qu’ils soient géopolitiques ou culturels, ont en commun de détourner l’attention des véritables défis. Dans le cas de la Russie, la question d’un État de droit et de libertés fondamentales est éclipsée par un récit militariste. Aux États-Unis, la rhétorique anti-woke détourne des enjeux plus urgents comme les inégalités économiques ou le changement climatique.
Face à ces stratégies, la vigilance des citoyens et des médias est cruciale. La manipulation des peurs et des fractures idéologiques, bien qu’efficace à court terme, fragilise les sociétés à long terme, posant un défi majeur pour la démocratie.