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D’Ukraine à Gaza, un affrontement géopolitique de dimension planétaire


Rédigé par le Jeudi 13 Juin 2024



La guerre entre la Russie et l’Ukraine dure depuis 27 mois, celle entre Israël et le Hamas, depuis huit mois. Dans les deux cas, le conflit armé dépasse les intérêts et objectifs des protagonistes directs, pour englober tout le reste des pays du monde, qui en subissent, d’une manière ou d’une autre, les effets.

Des plaines ukrainiennes d’Europe orientale à la bande de Gaza, deux conceptions des relations internationales s’entrechoquent pour décider du destin de la planète au XXIème siècle.

La Russie avance la « responsabilité de protéger » (R2P), déjà invoquée par les pays membres de l’Otan lors de leurs interventions militaires en ex-Yougoslavie, lors de la guerre de Bosnie, en 1995, et celle du Kosovo, en 1999, pour lancer ses troupes, en 2022, à l’assaut de l’Ukraine.

C’est le choc entre deux principes, le respect de l’intégrité territoriale des Etats et le droit d’ingérence, Russes et Occidentaux interprétant le droit international en fonction de leurs intérêts et objectifs géopolitiques.

Règles ou droit ?

Les Etats-Unis et d’autres pays de l’Otan apportent un soutien militaire et financier décisif à Israël dans sa guerre contre le Hamas palestinien dans la bande de Gaza, feignant d’ignorer qu’une puissance occupante ne peut prétendre au droit de se défendre contre un mouvement de résistance.

Washington se plaît à mettre en avant un certain « ordre mondial régi par des règles », dont les Américains sont les seuls à décider, et accuse la Russie, la Chine et l’Iran, entre autres pays opposés à son hégémonie, de ne pas s’y plier.

Il est devenu évident pour une large frange de l’opinion publique internationale que les Etats-Unis ont sacrifié l’Ukraine pour affaiblir la Russie, avant de passer à son pire concurrent économique, la Chine.

Aussi est-il quelque peu amusant de voir les Américains et leurs alliés européens tenter de mettre la pression sur la Chine pour qu’elle cesse d’alimenter l’appareil industriel militaire russe.

Il sera ainsi question, lors du sommet du G7 en Italie, des nouvelles sanctions américaines contre Moscou, dont les principales cibles sont les entreprises chinoises traitant avec la Russie.

On s’imagine le leader chinois, XI Jinping, pouffé de rire en se demandant si les dirigeants occidentaux ne le prennent pas pour un imbécile. Pourquoi laisser tomber l’allié russe quand c’est la Chine qui est la prochaine cible des Etats-Unis ?

Il n’y a de pire aveugle…

Pas plus les dernières sanctions que celles qui les ont précédées n’auront le moindre impact sur la situation militaire sur le front, la défaite de l’Ukraine étant maintenant une évidence. 
Kiev, amené à mobiliser même des vieux et des gamins, a, actuellement, plus besoin de bottes sur le terrain que d’armes.

Les quelques soldats que peuvent envoyer les Français où d’autres pays européens en Ukraine (certains y sont déjà déguisés en mercenaires) ne feront que retarder l’issue du conflit, voir aggraver la tension entre la Russie et l’Otan, mais sûrement pas renverser le cours de la guerre.

Au Moyen Orient, les Etats-Unis brûlent leurs dernières cartes en appuyant un Israël sombrant corps et âme dans les crimes de guerre dans la bande de Gaza, alors que leur influence dans cette partie du monde, à l’importance géostratégique indéniable, était en déclin bien avant le 7 octobre 2023.

Israël veux, à tout prix, éliminer le Hamas dans la bande de Gaza, voir en chasser les habitants pour y installer des colons. Non seulement elle n’y est pas parvenu et n’est pas prête d’y arriver, mais en outre, chacune de ses frappes contre les civils gazaouis ne fait que renforcer le Hamas.

Le moins perspicace des observateurs du conflit israélo-palestinien peut aisément s’en rendre compte, alors que les dirigeants politiques et militaires israéliens semblent totalement aveugles.

Contradictions fondamentales

Confrontés aux décisions de la Cour internationale de justice, les Etats-Unis et Israël cherchent à imposer leurs propres règles, en totale contradiction avec le droit international, qui n’est évoqué que pour dénoncer l’opération militaire russe en Ukraine.

Washington fait, actuellement, des pieds et des mains pour faire accepter un cessez-le-feu par les deux protagonistes, qui n’en ont pas la même conception.

Pour les Israéliens, il ne saurait qu’être provisoire, le temps de libérer les otages détenus par le Hamas. Pour ce dernier, par contre, l’arrêt des hostilités doit être permanent, avec le retrait définitif des troupes israéliennes de la bande de Gaza.

Quant à la solution des deux Etats, seuls les utopistes s’évertuent à ne pas voir qu’elle est catégoriquement rejetée par la majorité des Israéliens. Qui est prêt à envoyer des troupes déloger les colons israéliens de Cisjordanie pour que puisse se constituer un Etat palestinien avec une continuité géographique pouvant en faire une entité viable ?

L’autre cible avouée d’Israël, l’Iran, lui a tapé, symboliquement, si fort sur les doigts, à la mi-avril 2024, que Tel-Aviv fait maintenant semblant de ne pas avoir pris conscience que sa force de dissuasion au Moyen-Orient ne vaut plus un shekel, mis à part son arsenal nucléaire.

Fuite en avant

Il ne reste plus à Israël, pour arracher une quelconque victoire dont son gouvernement a tellement besoin, que le Hezbollah libanais, avec lequel la tension aux frontières vient encore de s’élever de plusieurs crans.
 
Là encore, les dirigeants politiques et militaires israéliens doivent vraiment souffrir d’une grave cécité pour ne pas se rendre compte qu’ils sont en train de se fourrer dans un sale guêpier.

Avec un arsenal dépassant les 100.000 de roquettes et missiles de différentes portées, le Hezbollah libanais, qui peut prétendre affronter légitimement Israël pour la libération des fermes de Chebaa, outre le soutien aux Palestiniens dans la bande de Gaza, a largement de quoi faire pleuvoir feu et flammes sur les villes israéliennes et y rendre la vie infernale.

Israël ne s’est jamais montré gêné pour fouler au pied le droit international. Mais elle perd sa raison d’être même si elle ne parvient pas à assurer la sécurité des juifs dans leur « foyer national », promesse fondatrice de l’Etat sioniste.

Accouchement dans la douleur

Pendant ce temps, le Sud global observe, constate et tire ses propres conclusions. Le deux poids deux mesures des pays occidentaux, leurs discours creux sur les droits humains, sont désormais largement et ouvertement dénoncés.

De plus en plus, les promesses d’un nouvel ordre international multilatéral, porté par les Brics, trouvent un écho favorable auprès des pays du Sud global.

L’Occident ne peut plus que constater le déclin irréversible de son influence sur les affaires mondiales.

Au vu de toutes ces discordances géopolitiques et positions irréconciliables entre Russes et Ukrainiens, Israéliens et Palestiniens, et de l’incapacité des pays occidentaux à se remettre en question, la saison estivale 2024 promet d’être encore plus chaude que ne sauraient l’être les conséquences du réchauffement climatique.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 13 Juin 2024

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