Par Naim kamal
Panne d’imagination
Lorsqu’à la fin des années quatre-vingt et des débuts quatre-vingt-dix la mécanique s’est cassée dans le sillage de la chute du mur de Berlin, outre les dirigeants, la partie encartée des élites algériennes que l’on peut qualifier d’organique selon le concept gramscien, seule à avoir droit au chapitre, n’a pas trouvé en elle suffisamment d’imagination et d’autonomie pour concevoir une Algérie nouvelle post-guerre-froide. Si bien que l’on peut dire que de tous les pays qui gravitaient autour de l’Union soviétique, notamment les « démocraties populaires » d’Europe, seule la République Algérienne Démocratique et Populaire est restée à l’Est.
A la ‘’décharge’’ de cette Algérie, son entrée, concomitamment à l’implosion de l’URSS, dans une longue guerre civile de 10 ans qui a fait entre 100 mille et 200 mille morts. Elle ne lui a pas laissé le loisir de trop réfléchir sur son devenir dans la nouvelle configuration mondiale, l’heure étant à la survie du régime et de son système en dehors de ses repères habituels.
L’ère Bouteflika qui en est sortie en 1999, prometteuse au début, paralysante par la suite, n’a pas non plus, et c’est peu dire, contribué à l’émergence de nouvelles élites au diapason des rapides mutations d’un monde qui obéissait au seul mot d’ordre de la globalisation. Affrontements sourds des clans, lutte de survie, entrechocs des intérêts, télescopages des loyautés au gré des rapports de force, terrorisme résiduel, comme ils disent, ont distrait les dirigeants de l’essentiel : les Algériens.
Ce sont ces Algériens qui dans un hirak surprenant à plus d’un titre, sont venus subitement bousculer le régime jusque dans ses assises, l’armée. Profitant d’une brèche créée dans le système par la prétention du clan Bouteflika, ‘Issaba disait le général Gaïd Saleh qui en faisait pourtant partie, à un cinquième mandat, ils ont osé ‘’l’impensable’’, l’exigence d’un pouvoir civil. Pour des raisons multiples, dont son manque d’organisation et d’homogénéité, l’absence de leaderships charismatiques, son refus d’aller à l’affrontement, la place prépondérante qu’occupe l’armée aussi bien dans le système que dans l’esprit des Algériens, la pandémie aidant, le hirak pour grandiose et imaginatif qu’il fut, n’a pas été en mesure d’induire dans l’immédiat des transformations majeures dans la pensée et les comportements du régime.
Acculés mais pas à terre, les hiérarques de l’armée ont entamé une reprise en main de la situation par la seule voie qu’ils maitrisent, musclée. Une voie qui ne peut fonctionner, du moins temporairement, que si elle est adossée à la désignation d’ennemis intérieurs et extérieurs que l’on croit pouvoir amalgamer à volonté. Ils sont tout trouvés : les indépendantistes du MAK et les islamistes du Rachad à l’intérieur, le Maroc à l’extérieur. A l’international, les tenants du pouvoir en Algérie croient qu’il suffirait de renouer avec la logorrhée agressive d’autrefois, s’agiter à droite et à gauche, bomber le torse pour retrouver la dynamique enivrante d’antan.
Mais chaque jour qui passe montre que la communauté internationale n’est pas dupe. Ici et là, elle donne des signes d’agacement. La récente sortie du président français, Emmanuel Macron, contre un « système politico-militaire dur » qui a tant ému à Alger, s’inscrit dans cette lignée d’irritations. La dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara et le peu d’empressement de Moscou à la contrecarrer corroborent ces impatiences.
Les réactions algériennes intempestives dont le Maroc accuse réception avec un sang-froid à toute épreuve, indiquent que dans les allées fébriles du pouvoir, on se refuse encore à regarder en face ces nouvelles réalités. Or, la fébrilité n’est ni bonne conseillère ni jamais bon signe.
Rédigé par Naïm Kamal sur https://quid.ma