Par Aziz Boucetta
Or, selon la constitution et la pratique politique, les partis sont en charge de l’encadrement des populations pour, entre autres, les sensibiliser aux changements majeurs initiés dans le pays. Comment le pourraient-ils donc, alors qu’ils ne sont pas eux-mêmes mobilisés autour de ces mutations ? La question du Sahara… C’est le seul domaine où l’ensemble des partis s’impliquent, et encore… quand ils parlent de cette question, qui est pourtant celle de tous les Marocains et qui fait unanimité, c’est avec des éléments de langage convenus et des postures bien entretenues. En cause, la présence tutélaire de la diplomatie officielle, toujours.
La diplomatie marocaine connaît un autre problème, en l’occurrence sa fermeture hermétique. Le ministère fonctionne en interne, en entre-soi. Les diplomates sont, au Maroc, une caste bien différenciée des autres fonctionnaires, et même ceux qui réussissent à rejoindre ce corps, par nomination royale ou adoubement quelconque de quelque grand, ne sont jamais vraiment intégrés dans l’appareil, ni admis par ses caciques.
Nasser Bourita, très largement considéré comme l’un des meilleurs ministres des Affaires étrangères que ce pays ait jamais eu, présente néanmoins l’inconvénient de ne pas être ouvert sur la société ou même sur la classe politique, et encore moins sur les médias. Travaillant seul, de l’aveu même de ceux qui le connaissent bien, il est peu partageur dans un domaine qui, pourtant, ne peut rayonner que s’il...est mutualisé.
La diplomatie médiatique, car elle existe, ou pourrait exister, a aussi un rôle à tenir, mais pour cela, elle doit être nourrie d’informations pour qu’elle puisse à son tour alimenter ses différents relais internationaux, dans toutes les langues. Et il en va de même pour la diplomatie économique, dont la CGEM pourrait être le fer de lance, si tant de ses membres n’avaient tant d’intérêts à défendre, d’abord.
Quant au gouvernement, supposé porter dans son ensemble la politique du pays, y compris la diplomatique, il s’en retient prudemment, craintivement… politiques publiques économique, énergétique, agricole, industrielle…, ne sont pas destinées à asseoir une nouvelle posture internationale, mais la géopolitique étant la somme de tout cela, certes non directement, une cohérence et une convergence gouvernementales la fonderait, l’appuierait et la renforcerait.
Une vision géopolitique, certes conçue par le haut, ne peut donc être si elle n’est pas relayée par ces différents corps, gouvernement, partis, diplomates, médias, entrepreneurs de tous bords. Pour infuser là où elle doit être comprise et surtout admise, c’est un travail de tous les instants, partout, sans relâche qu’il faut mener.
Observons les Turcs, les Iraniens, les Israéliens, et bien évidemment les Chinois… Leur présence mondiale doit beaucoup à la mutualisation des efforts et à la convergence des actions. Aussi contestée soit cette présence – et une émergence géopolitique se faisant en grignotant l’influence des grands ne peut qu’être contestée, voire combattue – elle requiert une multitude de relais, en plus des médias.
Dans cette phase de mutation géopolitique, ou de volonté de mutation, que connaît le royaume, et sans en rien diminuer le talent du palais ou l’allant de la diplomatie, des résultats significatifs ne pourraient être atteints que par une plus grande implication de tous, puis par une convergence de leurs actions. Comme le veut le dicton marocain, « une seule main n’applaudit pas »…
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost