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Chronique d’un économiste marocain fatigué : Encore un rapport de la Banque mondiale. Et après ?




Par Adnane Benchakroun

Le dernier rapport hivernal de la Banque mondiale sur l’économie marocaine vient de tomber. Comme à chaque parution, il salue les efforts du Royaume, souligne sa résilience face aux chocs, félicite la maîtrise de l’inflation, puis — sans surprise — pointe du doigt les mêmes goulets d’étranglement : emploi insuffisant, faible inclusion des femmes, lenteur des réformes, climat des affaires perfectible. Rien de neuf sous le soleil... ou plutôt sous la sécheresse persistante qui étrangle l’agriculture et asphyxie nos campagnes.

Oui, le Maroc a fait mieux que prévu sur certains indicateurs. Une croissance de 3,2 % malgré la crise climatique, des IDE en hausse, un secteur industriel qui redémarre, une inflation jugulée… C’est vrai. Mais combien de fois va-t-on encore nous dire que la croissance "non agricole" progresse alors même que le chômage structurel s’enracine ? Qu’on se rassure : même la Banque mondiale finit par l’admettre, du bout des lèvres — plus de 10 % d’augmentation de la population en âge de travailler en une décennie, pour seulement 1,5 % de progression de l’emploi. Une tragédie silencieuse que les tableaux Excel n’expriment jamais vraiment.

Le document consacre de longues pages à expliquer pourquoi notre secteur privé reste atone : manque d’entreprises à forte croissance, poids de l’informel, justice économique défaillante, procédures d’insolvabilité lentes et peu numériques. Des observations justes… mais depuis combien de rapports les entendons-nous ? Et surtout : pourquoi ces constats, répétés ad nauseam, ne débouchent-ils jamais sur une dynamique de transformation effective ?

La question de la participation féminine au marché du travail, elle aussi, revient comme un refrain : taux d’activité des femmes à 19 %, l’un des plus bas au monde. On évoque les normes sociales, le manque de crèches, les transports. Mais rien n’est dit sur le fait que cette réalité sert aussi un modèle économique où la précarité féminine est tolérée, sinon exploitée.

Et puis il y a ce ton policé, cette bienveillance institutionnelle : « Les perspectives restent positives », « la consolidation budgétaire est progressive », « les risques sont équilibrés ». On se croirait dans un comité d’audit. Mais de quelle "positivité" parle-t-on, lorsque les jeunes de Tinghir, Taounate ou Safi désertent le pays faute d’avenir ? Lorsque les microentreprises croulent sous l’administration sans jamais voir la couleur d’un marché public ?

Oui, le rapport mentionne l’outil B-Ready, censé guider les réformes. Oui, il compare le Maroc aux bons élèves. Mais au fond, ce que ce rapport dit sans le dire, c’est que les diagnostics sont faits, les données connues, les solutions identifiées — et que ce qui manque désormais, ce n’est pas une nouvelle étude, mais du courage politique, une vision claire et un contrat social renouvelé.

Je n’attends plus de ces documents qu’ils changent les choses. Mais je rêve du jour où nous cesserons de les lire comme des bulletins de santé abstraits, pour les transformer en leviers de rupture. En attendant, le temps passe, les jeunes partent, les terres s’assèchent, et les réformes — elles — s’éternisent dans les notes de bas de page.

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Jeudi 27 Mars 2025


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