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Arrestations et autocensure en Tunisie


Rédigé par le Lundi 21 Octobre 2024

Alors que la répression s'intensifie en Tunisie, les arrestations d'avocats et de journalistes pour avoir critiqué la situation politique ravivent les craintes d'une dérive autoritaire. Face à la pression, l'autocensure gagne du terrain, menaçant gravement la liberté d'expression et les acquis démocratiques du pays.



Quand la critique politique devient un danger

La Tunisie, longtemps saluée comme le modèle de la transition démocratique post-printemps arabe, semble désormais s’enfoncer dans une spirale inquiétante de répression politique. Ces dernières semaines, plusieurs avocats et journalistes ont été arrêtés pour avoir osé critiquer la situation politique du pays, marquée par une concentration toujours plus grande du pouvoir entre les mains du président Kais Saied. Cette vague d'arrestations a ravivé les craintes d'un retour à un régime autoritaire, et un phénomène d'autocensure se propage peu à peu, minant les bases mêmes de la liberté d'expression en Tunisie.

Un climat de peur et d’incertitude

La situation actuelle en Tunisie est marquée par un climat de peur grandissant, où la simple expression d'une opinion critique envers le régime peut entraîner des représailles judiciaires. Depuis que le président Kais Saied a renforcé ses pouvoirs en 2021, notamment en dissolvant le parlement et en s’octroyant des prérogatives quasi illimitées, la marge de manœuvre pour les opposants politiques, les journalistes et les activistes n’a cessé de se réduire.

Les récentes arrestations de deux avocats et deux journalistes, accusés de "diffusion de fausses nouvelles", sont un signal fort envoyé par les autorités : toute critique sera sévèrement réprimée. Ces accusations, formulées sous le couvert d'une loi anti-fake news signée par Saied, sont perçues par de nombreux observateurs comme un outil de répression politique visant à museler la liberté de la presse et à dissuader toute opposition.

"Il est désormais impossible de critiquer le régime sans risquer d’être arrêté", déclare un journaliste tunisien, qui préfère garder l'anonymat. "Beaucoup d'entre nous ont commencé à s'autocensurer pour éviter des ennuis. C'est la mort lente de la liberté d'expression."

Le retour insidieux de l’autocensure

Alors que la répression s’intensifie, l’autocensure s’installe progressivement dans les rédactions tunisiennes. Journalistes, écrivains et activistes politiques sont confrontés à un dilemme cornélien : continuer à dénoncer les dérives du pouvoir, au risque d’être emprisonnés, ou se taire pour préserver leur liberté. Cette autocensure, parfois invisible, s’infiltre dans les choix éditoriaux, les angles des articles, et même dans les discussions privées. Le simple fait d’évoquer certains sujets devient un acte dangereux.

"Nous vivons un retour à des pratiques d’un autre temps", s’inquiète un membre de l’Association tunisienne des journalistes. "La peur d’être arrêté pousse beaucoup de nos confrères à éviter les sujets sensibles, comme la politique du président ou la gestion de la crise économique. L’autocensure, c’est l’outil le plus puissant des régimes autoritaires, car elle tue l’esprit critique à la racine."

Cette situation est d’autant plus inquiétante que la Tunisie, depuis la révolution de 2011, avait été vue comme une lueur d’espoir pour la démocratie en Afrique du Nord. Le pays s’était doté de mécanismes solides pour garantir la liberté de la presse et la pluralité d’opinion. Pourtant, en seulement quelques années, ce fragile équilibre est en train de s'effondrer sous le poids d’un régime qui cherche de plus en plus à contrôler l’information.

Le prix à payer pour la démocratie

Les conséquences de cette répression ne se limitent pas aux professionnels des médias. La société civile dans son ensemble est en danger. La liberté d'expression, un pilier fondamental de toute démocratie, est en train de s'éroder en Tunisie. Les arrestations récentes envoient un message clair à la population : toute critique envers le pouvoir sera traitée comme une attaque contre l'État, et donc passible de sanctions.

Cette dérive autoritaire a provoqué une onde de choc chez ceux qui, en Tunisie, avaient l’espoir d’une démocratie durable. De nombreuses organisations internationales de défense des droits de l'homme, dont Reporters Sans Frontières (RSF), ont exprimé leur inquiétude face à la montée de la répression et au climat de peur qui règne dans le pays. "La Tunisie est en train de perdre l’un de ses acquis les plus précieux : la liberté d’expression", a averti un responsable de RSF.

Malgré les risques, certains journalistes et militants continuent de se battre pour leurs droits. Mais la répression, toujours plus féroce, laisse de moins en moins de place à l’expression de la dissidence. Ceux qui résistent le font dans des conditions de plus en plus précaires, parfois sous la menace constante d’une arrestation.

Vers une société sous contrôle ?

Le décret signé par le président Kais Saied en 2021, qui interdit la "diffusion de fausses nouvelles", est considéré par ses opposants comme un prétexte pour réprimer la liberté de la presse et empêcher toute forme de critique. Ce qui était présenté comme une mesure visant à réguler l'information devient de plus en plus un outil de contrôle politique.

Face à cette répression croissante, de nombreux Tunisiens craignent que le pays ne replonge dans une forme d’autoritarisme similaire à celle de l’ère Ben Ali. L’espoir d’une démocratie vibrante, née des cendres de la révolution de 2011, semble s'éloigner de jour en jour. L'autocensure est désormais omniprésente, et avec elle, l'idée même de liberté d'expression s'effrite.

La question qui se pose désormais est de savoir si la Tunisie pourra un jour retrouver sa liberté perdue ou si le contrôle de l’information par le régime actuel deviendra la norme. Pour l’instant, les perspectives semblent sombres, et la voix des Tunisiens, autrefois si vive, est en train de s’éteindre peu à peu sous la pression de la répression.

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Mamoune ACHARKI
Journaliste junior passionné par l'écriture, la communication, les relations internationales et la... En savoir plus sur cet auteur
Lundi 21 Octobre 2024

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