Par Dr Anwar CHERKAOUI
Dans chaque foyer, chaque café, chaque recoin du pays, des millions d'âmes vibraient au rythme des dribbles et des frappes de leur équipe nationale.
La minute 52 du match, c’est le but marocain de la qualification.
Mais, cette minute, peut être l’instant de l’attaque cardiaque pour Ahmed devant son téléviseur.
Ahmed, 62 ans, passionné de football depuis son enfance, attendait ce match de qualification avec une fébrilité qu’il n’avait plus ressentie depuis longtemps.
Devant son écran, il était prêt à vivre 90 minutes d’extase ou de détresse.
Ce qu’il ignorait, c’est que ce match risquait de jouer avec sa propre vie.
Le stress, cet ennemi sournois
Le football, au-delà du spectacle, est une émotion brute.
Il accélère les cœurs, tend les nerfs, déclenche des explosions de joie comme des gouffres de détresse.
Pour une personne en bonne santé, ces montagnes russes émotionnelles restent anodines.
Mais pour un passionné au terrain de santé fragilisé par des maladies chroniques, chaque minute peut être un coup de sifflet fatal.
Ahmed était hypertendu, diabétique et avait des antécédents d’angine de poitrine.
Son cardiologue lui avait recommandé d’éviter les émotions fortes.
Mais comment ne pas vibrer quand son équipe nationale joue la confirmation de sa place pour la coupe du monde de football 2026 ?
Alors, il s’installa, café en main, en promettant à sa femme de rester calme.
Une minute fatale , le but de la qualification
Tout allait bien jusqu’à la 51 mn minute. Score nul.
Le suspense était insoutenable.
Puis, l’attaquant s’élança, fais une passe et son coéquipier marqua le but de la victoire
Le stade hurla.
Le pays s’embrasa.
Ahmed bondit de son fauteuil, hurlant de joie.
Mais soudain, son cri se coupa net.
Une douleur fulgurante lui transperça la poitrine. Il s’effondra.
Transporté d’urgence à la clinique la plus proche, les médecins diagnostiquèrent un infarctus du myocarde ( attaque cardiaque).
Le stress émotionnel intense avait provoqué un spasme coronarien fatal.
Heureusement, l’intervention rapide, avant le sifflet final du match, lui sauva la vie.
Des cas qui se répètent, un phénomène médical bien réel
L’histoire d’Ahmed n’est pas unique.
Lors de la Coupe du Monde 1998, des cardiologues français avaient déjà observé une recrudescence des infarctus pendant les matchs à enjeu.
En 2006, une étude allemande avait révélé que le risque d’arrêt cardiaque était multiplié par trois lors des rencontres de la Mannschaft.
En 2022, un fan argentin de 50 ans succomba à un arrêt cardiaque après le but de Lionel Messi en finale.
Quand le football devient un facteur de risque
Le stress intense libère des catécholamines, augmentant la pression artérielle, la fréquence cardiaque et le risque d’arythmie.
Pour les diabétiques, l’émotion forte peut causer une hyperglycémie ou une hypoglycémie soudaine.
Pour les insuffisants respiratoires, l’excitation peut déclencher une crise d’asthme sévère.
Le football est un jeu, mais ses conséquences sont bien réelles.
Faut-il alors s’interdire de vivre sa passion ? Non.
Mais il est impératif d’adopter des stratégies pour canaliser l’émotion :
Éviter l’excès de caféine et de tabac, qui aggravent le stress cardiaque.
Ne pas regarder seul : un proche peut intervenir en cas de malaise.
Pratiquer une respiration contrôlée pour limiter l’emballement du cœur.
Consulter son médecin avant une compétition à haute intensité émotionnelle.
Ce soir-là, Ahmed a survécu. Il est en salle d’observation. Il va rentrer chez lui.
Mais il faut qu’il promette de suivre son prochain match autrement.
Peut-être assis, peut-être avec un léger détachement… mais toujours avec passion.
Car après tout, le football est une fête.
Et pour en profiter pleinement, encore faut-il rester en vie et sans sequelles cardiaques ou neurologiques pour célébrer la victoire de son équipe nationale.