Écouter le podcast de cet article :
Par Rachid Boufous
Je l’ai vue aussi juchée sur le capot d’une voiture haranguant les foules, lors de la marche blanche organisée à Nanterre alors qu’un minimum de décence de sa part, aurait été de rigueur en pareille circonstance.
Depuis le 27 juin, la France s’est embrasée, des émeutes urbaines voyant des jeunes venant des banlieues brûler des centaines de voitures, attaquer les forces de l’ordre à coups de feux d’artifices brûlant au passage des établissements publics et pillant des dizaines de commerces.
La France est malade. Et le mal qui l’agite est ancien. Depuis 1995 et les premières émeutes de banlieue qui reviendront en 2005.
La France ne sait pas comment gérer ses banlieues ni ses populations originaires d’Afrique du Nord et Subsaharienne.
Depuis la réussite du Front National à Dreux en 1983, le discours de l’extrême-droite droite n’a plus quitté la scène politique française porté par un certain Jean-Marie Le Pen durant plusieurs années avant que sa fille Marine ne reprenne le flambeau, concurrencée en cela par un ancien journaliste Eric Zemmour.
Le discours politique s’est radicalisé avec le temps, plaçant les problèmes liés à l’insécurité et à l’immigration au cœur du débat public, bien que les chiffres officiels disent le contraire.
Le problème lié au sort des citoyens issus de l’immigration et leur destin dans la société française fait depuis l’objet de programmes et de politiques publiques sans que cela puisse être résolu depuis une quarantaine d’années.
Durant longtemps, les politiciens français usèrent du terme « intégration » sans lui donner corps véritablement en société. Comment intégrer des populations nées en France pour ce qui est de la seconde et troisième générations d’immigrés, alors qu’elles sont françaises de naissance ?
Depuis que le discours politique s’est « droitisé », beaucoup de politiciens français voudraient plutôt une « assimilation » de ces populations quitte à les pousser à « franciser » leurs prénoms et noms Arabes et Africains comme l’ont fait beaucoup d’italiens de portugais, d’espagnols ou de polonais auparavant, quand ils sont arrivés en France.
Ils aimeraient même qu’ils changent de religion, tant ils considèrent que l’islam serait « insoluble » dans la République, sans que les revendications légitimes de ces citoyens ne soient prises en compte en matière d’exercice du culte par exemple. Tout est fait pour vilipender les populations immigrées, qui seraient responsables des multiples incivilités et de ne s’adapteraient pas aux lois de la république notamment en matière de laïcité.
Des manifestations identitaires comme le port du voile ou de la burqa sont de plus en plus combattues dans l’espace public par les autorités. Alors que d’autres pays européens comme l’Angleterre arrivent à intégrer ses populations d’origine indienne ou pakistanaises avec leurs fichus sur la tête et leurs hijabs et leur permet de construire mosquées et temples, en France la population dite de « souche » demeure allergique aux « minorités visibles » et voit toujours dans l’édification d’un lieu de prière musulman comme un signe des théories loufoques comme celle « grand remplacement » si chère à Renaud Camus et à Éric Zemmour.
Les populations françaises d’origine immigrées de leur côté se sentent ostracisées, voire rejetées. Dès qu’on affiche une tête d’arabe ou d’africain, l’accès au logement devient compliqué, l’emploi devient problématique, l’accès à des plages privées ou à des night-clubs leur est souvent interdit sous des arguments fallacieux et illégaux. Même l’école devient difficile et l’échec scolaire est courant comparativement aux autres populations.
Dans ce climat délétère et face à un avenir bouché, la jeunesse des banlieues françaises n’a d’autre choix que de s’adonner à des commerces illicites ou de stupéfiants.
C’est dans ce contexte que les forces de l’ordre, encouragées par des politiciens souvent démagogues, ont recours systématiquement à des contrôles au faciès et à une répression sans commune mesure avec les situations rencontrées.
Alors, à chaque fois qu’une bavure policière survient c’est l’embrasement. Aucune force d’interposition n’arrive à calmer la fureur des uns et des autres. Les voitures brûlent, les lieux publics sont détruits, des incivilités se multiplient et sont mêmes observées à l’intérieur des grandes villes, loin des banlieues.
Les forces de l’ordre répondent par une répression disproportionnée à coups de bombes lacrymogènes ou de Flash Ball.
Que faire alors ?
D’un autre côté le fait qu’un tiers des personnes interpellées soient des mineurs est tout aussi anormal.
Les parents sont sans doute dépassés par les agissements de leurs gamins, et le fait que la justice relaxe aussi facilement ces mineurs qui commettent des délits est une question majeure à se poser.
Devant cette impunité, des mineurs trouvent normal de conduire des voitures sans permis et refusent d’obtempérer à un contrôle de police, ils se disent que quoi qu’ils fassent ils ne seront pas poursuivis.
Alors quand survient une bavure contre un mineur, comme lors de ce triste jour de juin, tout part en vrille. Des incidents éclatent et on voit toute une société qui n’est plus maîtrisée.
Les jeunes par haine envers une société qui refuse ce qu’ils sont se met à saccager tout ce qui se trouve devant elle, dans une colère et une fureur sans noms. On détruit tout ce qui symbolise l’état ou la société : bâtiments publics, écoles, moyens de transport en commun, gymnases, commerces…
Mais les pires sont les jeunes qui brûlent sans raison les voitures d’honnêtes gens dans les rues et quartiers de banlieue, privant leurs semblables de leur moyen de transport et de travail. Attiser la haine par l’insurrection contre l’ordre public par des actes de destruction inutiles et coûteux.
Attaquer les forces de l’ordre et les bâtiments publics à coups de feux d’artifices ou même d’armes de combat et de feux de poubelles est le sommet de la bêtise humaine. Un cercle vicieux de violences et d’incompréhensions qui s’installe dans la durée.
Il est primordial que la société française s’apaise. Et après, il faudra bien revoir le pacte social qui unit les citoyens à leurs gouvernants. Car ce que l’on observe actuellement, nous l’avons déjà vu avec le mouvement des gilets jaunes, mais en moins destructeur.
Le malaise doublé d’un mal-être est là et il touche les franges de la société française les plus fragiles et les plus marginalisées.
Le monde a changé, les idéologies aussi, mais le discours politique en France est resté immuable pointant du doigts toujours les mêmes communautés sans apporter de solutions concrètes à ce profond malaise societal.
On ne peut plus gérer les peuples avec des discours de déflagration ou de promesses creuses. Il faut du concret : offrir de l’emploi, des opportunités de création d’entreprises, briser les plafonds de verre et réactiver l’ascenseur social. Les jeunes français aujourd’hui préfèrent aller prospérer à Londres, aux États-Unis au Qatar ou à Dubaï plutôt que d’enrichir leur pays. Cette réalité il faut la voir en face. La France a besoin de tous ses enfants, car elle vieillit de plus en plus.
Il faut donc permettre aux enfants issus de l’immigration d’accéder aux postes les plus hauts possibles dans l’échelle sociale.
Tant qu’on ne verra pas de patron du Medef ou un premier ministre ou un ministre de l’intérieur ou un président de l’assemblée nationale, du sénat ou du conseil constitutionnel ou maires de grandes villes issus de l’immigration, les choses ne s’arrangeront pas.
Une nation a besoin de symboles forts illustrant la possibilité de croire en un espoir réel de s’en sortir en dehors du sport, de la chanson ou du spectacle humoristique.
Sous d’autres contrées cela a été testé et ça marche : le premier ministre anglais et le maire de Londres sont d’origine pakistanaise, le maire de Rotterdam est d’origine marocaine, le maire de Westminster aussi.
Ils sont musulmans et cela ne semble pas gêner les pays où ils vivent, pourtant chrétiens ou protestants.
Le patron de Microsoft est d’origine indienne et des dizaines d’exemples similaires sont à la tête d’entreprises prestigieuses, partout à travers le monde.
D’un autre côté la pression fiscale mise sur une grande partie de la société fait très mal, alors que les nantis ne payent pas solidairement ce qu’il faut, hébergeant leurs fortunes à l’étranger, dans des paradis fiscaux, laissant les couches moyennes et précaires aux prises avec des baisses de pouvoir d’achat de plus en plus criantes.
Il faut permettre aux enfants de la république quelle que soit l’origine de leurs parents de trouver pleinement leur place au sein de la société française. Voir l’intégration ou même l’assimilation que sous l’angle de la religion est une erreur, car c’est dans la différence que la richesse des nations s’établît.
Parmi les 60 millions de français, à peine 5 millions sont étrangers et ce nombre ne varie pas beaucoup depuis 30 ans. Donc il n’y a pas de risque de remplacement possible de la population « souche » par une population « exogène ».
C’est une vue de l’esprit qui n’a aucune espèce de réalité sur le terrain. Ce travail d’apaisement, ce sont les politiciens français qui doivent l’entreprendre en premier. Il faut arrêter d’attiser la haine et la peur chez les gens. Cela ne fait l’affaire de personne, car même l’extrême droite sera incapable de mettre en route son programme s’il elle arrivait au pouvoir et devra mettre de l’eau dans son vin tant la réalité sociale en France est complexe.
Il est toutefois urgent de procéder à des états généraux de la nation française. Cela prendra du temps pour rétablir la confiance entre toutes les franges de la société tant la colère et le ressentiment sont grands envers l’État et tous ses symboles à commencer par la police et la justice.
Mais ce travail de catharsis est primordial et doit être fait. Il faut se parler, réactiver les associations de quartier, écouter les gens, écouter les parents mais aussi les jeunes, écouter la police et les gendarmes, écouter les instituteurs et les travailleurs sociaux, écouter les détenus et les juges, écouter toute la société dans toutes ses composantes.
Il est urgent de réinventer une nouvelle façon de gouverner et d’administrer les citoyens en France. Cela passera certainement par un encadrement plus étroit des populations. De nouveaux rapports devront être trouvés, basés sur la confiance réciproque et non sur la vindicte ou la vengeance.
Le moment est à l’apaisement et non à la répression. La fermeté est nécessaire aussi pour rétablir l’ordre et la loi.
Le moment est au bâton. À un moment il faudra user de la carotte, mais pas forcément en injectant de l’argent dans du béton. Il faut redonner de l’espoir à une nation qui semble ne plus croire dans ses élites…
Le monde est un village et les problèmes sont identiques, partout où la patience s’estompe à cause d’une aveuglante absence d’espoir…
À méditer chez nous aussi..!
Rédigé par Rachid Boufous