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Par Mustapha Sehimi
Ce sont des législatives anticipées convoquées par Pedro Sanchez, premier ministre socialiste. Une décision qui fait suite à l'échec de sa formation, aux élections régionales du 28 mai dernier. Un scrutin qui a vu s’affronter le PSOE, le Parti populaire (libéral conservateur), Sumar (Extrême gauche) et Vox (extrême droite).
Le PP s'est classé en tête avec 136 sièges (33,05% des voix) en forte progression de 48 sièges. Le PSOE, lui, a remporté 122 sièges (31,9%) et a progressé de 2 sièges.
Les sondages n'ont pas été, de nouveau, d'une grande précision. S’ils ont bien donné 12,6% pour Vox- ce parti en a obtenu 12,3%, mais ils avaient donné 35% des votes pour le PP et quelque 150 sièges.
Ce qui avait conduit même à avancer que ce parti pourrait alors gouverner avec une majorité absolue (176 sièges). Pedro Sanchez a bien pris un risque avec un passage à l'offensive des élections anticipées pour essayer de maintenir sa majorité au pouvoir.
I1 voulait profiter de sa présidence semestrielle à l’UE depuis le 1er juillet et valoriser ainsi sa visibilité internationale. Il entendait également ne pas laisser son cabinet connaître une sorte de purgatoire d'ici décembre prochain, échéance normale de la présente législature ; enfin, i1 ne laissait pas le temps au PP de s'organiser et de se relancer durant des mois et ce dans le foulée de son succès aux élections régionales de la fin mai dernier.
Clivage gauche-droite
En 1'état, le PP n'a pas la majorité absolue. Et nul doute qu'il y aura plusieurs semaines de discussions avec Vox pour un accord. Ces deux partis ne totalisent que 169 sièges, soit sept en -dessous de la majorité absolue. Comment faire ? Avec qui ?
En tout état de cause, une entrée d'un parti d'extrême droite comme Vox au gouvernement serait inédite. C'est dire que cette coalition est bien potentielle. Celle du PSOE de Pedro Sanchez l'est moins. Les partis régionalistes et nationalistes seront de nouveau les arbitres décisifs pour la formation du futur cabinet espagnol.
Quelles autres observations tirer de ce scrutin du 23 juillet ? La prégnance du clivage gauche-droite, surtout en dehors des territoires tels que la Catalogne ou le Pays-Basque au sein desquels le clivage nationaliste est déterminant. Des études affinées ont identifié 16 segments idéologiques de l’électorat espagnol (clusters).
10 d’entre eux sont pratiquement homogénéisés ou par la gauche ou par la droite ; trois autres sont faiblement concurrentiels ; et il s’en suit que seuls 3 segments font l’objet d’une réelle concurrence entre les partis de gauche d’un côté et ceux de droite de l’autre. Une faible porosité entre la gauche et la droite qui tient assez largement à la forte superposition des clivages en Espagne : les enjeux sociétaux, institutionnels et économiques.
Ainsi, plus un électeur est favorable à la République, progressiste sur les questions culturelles et redistriutif- voire anti-libéral-, plus il sera de gauche.
A l’inverse, plus il sera monarchiste, conservateur et libéral et plus il sera de droite. Il faut ajouter que ce n'est pas le positionnement des grands clivages mais son intensité qui sépare la gauche modérée de la gauche radicale ; il en va de même pour les droites.
Dans ce scrutin, le vote contre a été sans doute le moteur du vote utile. Il paraît reposer largement sur le rejet de la coalition adverse. Les coalitions probables ( PSOE/ SUMAR et PP/VOX) pâtissent de cet état d'esprit.
C'est encore plus vrai pour la coalition éventuelle PP/VOX qui est rejetée par 65% des électeurs espagnols, dont 51 % "totalement".
L'on comprend mieux pourquoi le PSOE de Pedro Sanchez a brandi le "risque" de voir Vox accéder au pouvoir. Il active ainsi le vote utile au détriment de SUMAR dans les segments plus à gauche.
A droite, à noter que cette logique du vote utile a opéré de manière symétrique avec pour levier principal 1'alliance du PSOE avec SUMAR. Vote utile et mobilisation de l'électorat ont pesé sur les résultats de ces élections. La participation électorale qui a été de 70,3% s'est améliorée de 4,1% par rapport à 2019.
Pedro Sanchez et son parti, le PSOE, ont résisté à la vague de droite de la fin mai dernier. Reste à pouvoir mettre sur pied une majorité. Faute de quoi après quatre élections législatives entre 2015 et 2019, il faudra s'attendre à un autre scrutin sans doute tout aussi problématique...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur QUID