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On constate ces temps derniers un engouement particulier pour le départ… chacun, dans son entourage familial, personnel ou professionnel, a appris la grande bascule de quelqu’un vers… ailleurs. Et cette émigration est de moins en moins économique, de plus en plus « culturelle psychologique ». C’était déjà le cas avant la crise Covid, c’est plus marqué depuis.
Ingénieurs, médecins, juristes, gens d’affaires, et étudiants en groupe aussi compacts que massifs, partent avec la ferme intention de ne pas revenir. Et cela va sans même compter toutes celles, tous ceux, qui veulent s’en aller mais qui ne le peuvent pas, et qui fait dire aux mauvaises langues qu’au Maroc vivent deux catégories de gens : ceux en partance et ceux qui aimeraient l’être. Et tous ces partants ne sont pas nécessairement en situation économique difficile… et au vu des profils qui annoncent, ou dont on a appris, le grand départ, c’est même l’inverse. Pour eux, le ras-le-bol n’est pas d’ordre professionnel ou financier, mais politique, culturel, psychologique.
Naguère, c’était le continent européen qui attirait les nôtres, avant que l’Europe ne plonge dans la crise économique, puis sociale, puis nerveuse, et avant que la France ne devienne plutôt inhospitalière pour des populations qui l’aiment, pourtant. L’Espagne et l’Italie sont toujours des destinations souhaitées, mais de plus en plus mollement. Les Marocains désireux de s’en aller, ayant gagné en liberté (toutes choses étant bien évidemment perfectibles) apprécient moins la condescendance muette mais bien réelle des uns et la marginalisation discrète mais tout aussi réelle chez les autres. Quadragénaires instruits et bien formés, souvent expérimentés aussi, ils perçoivent parfaitement que la vie sur le Vieux continent est meilleure que sur leurs terres, mais demeure en-deçà de leurs aspirations.
Bien que l’Europe reste encore largement la première destination d’émigration des Marocains, ainsi qu’il ressort d’une récente enquête du HCP, l’ouverture de la société sur le monde a entraîné un regain d’intérêt pour d’autres régions du globe.
Avec l’émergence d’une nouvelle génération, connectée et informée, les jeunes Marocains vont (ou souhaitent, ou envisagent, ou se préparent à aller) de plus en plus en Chine, en Asie du Sud-est, au Moyen-Orient (ce qui, en matière de libertés, est quand même un comble !), en Turquie et même en Europe de l’Est. Mais il reste le rêve américain, nord-américain pour être géographiquement plus précis. Aller aux Etats-Unis, malgré une certaine propension à la violence et à l’incertitude dans ce pays, est un objectif pour un nombre croissant de nos gens. S’installer au Canada est de plus en plus prisé et envisagé par de plus en plus de cadres, jeunes et moins jeunes.
Le royaume comptait environ 1,8 million d’émigrés en 2000 ; ils sont aujourd’hui près de 5 millions. 3,2 millions de personnes ont décidé de vivre hors du royaume. En 20 ans, une génération nouvelle a été formée au Maroc, plus exigeante, et les conditions d’accueil de migrants ont radicalement évolué dans le monde, des régions devenant moins accueillantes, d’autres plus.
Le fait d’entendre la volonté de partir ou d’apprendre le départ d’un nombre croissant de personnes devrait susciter des questionnements sur les raisons... Pourquoi des gens instruits, exerçant des métiers nécessitant de hautes qualifications et procurant des salaires très confortables, souhaitent-ils partir ? Et qui, que laisseront-ils derrière eux, si cette tendance se confirme ?
La Commission Benmoussa, qui compte tant d’expatriés de renom, pourrait interroger cette problématique, et même y répondre. Clairement.
Publié le 20 octobre 2020 par Aziz Boucetta sur www.panorapost.com