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Spinoza…entre nature et béatitude !




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Baruch Spinoza est philosophe hollandais du 17 siècle (1632-1677). Né dans une famille juive portugaise ayant fuit l’inquisition, il a été frappé d’ostracisme par sa communauté pour ses prises de conscience et ses remises en question des ordres religieux de manière générale. En juillet 1656, les autorités rabbiniques de la ville d’Amsterdam lui affligent un « Herem » l’excluant à jamais de la communauté juive et de la « Nation d’Israël ». Le Herem est un châtiment semblable à l’Anathème chez les catholiques et au Takfirisme chez les musulmans.

Il faut rappeler que le Herem punissait les déviances comme l’adultère, l’expression d’opinions hérétiques, le manque d’assiduité à la synagogue…Le Herem affligé à Spinoza lui reprochait ses « horribles hérésies » et ses « actes monstrueux » sans plus de précisions. Il a été maudit à cause des ses vues sur Dieu, l’âme et la Loi.


Pourquoi une telle violence à l’égard de ce jeune juif « révolté » de 23 ans qui s’intéresse aussi bien à la philosophie qu’au dessin et à la science ?


Les raisons principales viennent de ses fréquentations et les influences qu’elles ont eues sur son regard porté sur son époque. Il s’est ouvert sur le protestantisme. De ce fait, il a été compagnon de route de protestants adeptes de la tolérance et de la liberté d’expression.


Il a été notamment l’élève d’un philosophe égalitaire, libertin, défenseur d’une république démocratique, Franciscus Van Den Enden connu sous le nom d’Affinius. Ce philosophe iconoclaste a été exécuté par pendaison dans la cour de la Bastille à Paris en 1602 car plusieurs de ses disciples avaient préparé un soulèvement contre Louis XIV. Grâce à Affinius, Spinoza a été initié à Machiavel, Hobbes et Descartes.


Je noterai au passage que Spinoza a enfoncé le clou dans le Traité Théologico-Politique, le seul livre publié de son vivant qualifié par ses congénères (dont Leibniz) d’«ouvrage effrayant », en disant : « les juifs ne détiennent aucun privilège qu’ils puissent s’attribuer au dessus des autres nations ».


C’est comme si Spinoza cherchait absolument la rupture avec sa tradition de naissance. Il ne cachait pas son mépris envers les religieux juifs et leur asservissement au Livre de la Loi. Ceux-là même qui l’ont maudit le jour, maudit la nuit, maudit pendant son sommeil et pendant qu’il veille. Ceux-là même qui ont imploré Dieu de ne jamais lui pardonner, qu’il allume contre lui toute sa colère et déverser sur lui tous les maux mentionnés dans le livre sacré. Ils ne se sont pas arrêtés à ce niveau là. Ils ont ordonné à la communauté de n’avoir aucune relation ni écrite ni verbale avec Spinoza, qu’il ne soit rendu aucun service et que personne ne l’approche à moins de quatre coudées (4 x 50 cm) !


Lorsque Spinoza dit : « C'est aux esclaves, et non aux hommes libres, que l'on fait un cadeau pour les récompenser de s'être bien conduits » n’est qu’une émanation du regard de Spinoza sur ces clercs et ces censeurs. Cette réflexion provient du chef d’œuvre de Spinoza, « l’Ethique » commencé en 1661 et achevé en 1675 deux ans avant sa mort (Spinoza est à l’image de ses grands génies de l’histoire de l’humanité qui se sont consumés pendant l’élaboration de leur œuvre).


Dans cette réflexion, Spinoza fait allusion aux indulgences accordées après des péchés avérés. Cette rémission des péchés intervient en général après un acte de piété, censé ouvrir les portes du paradis.


L’Ethique est l’expression manifeste du penchant de Spinoza envers la philosophie de Descartes à la différence près que Spinoza fait preuve de panthéisme (doctrine voyant Dieu comme manifestation de la nature) alors que la doctrine de Descartes tient plus du théisme (doctrine qui admet l’unicité de Dieu).

Curieusement, La réflexion précitée pourrait aussi émaner de l’œuvre première de Spinoza à savoir « le Traité Théologico-Politique ». Dans l’Ethique, Spinoza condamne principalement l’asservissement religieux alors que dans le Traité il attaquerait plutôt l’asservissement politique.


L’Ethique est une œuvre qui se présente comme une série ordonnée de théorèmes ou de propositions suivies de démonstrations, corollaires et autres scholies telle un livre de mathématiques alors que c’est bel et bien une œuvre 

qui traite de la philosophie morale.


Spinoza a fait ses démonstrations selon la méthode géométrique de Descartes. Comme Descartes, Spinoza tâche de donner une façon générale et simple pour résoudre tous les problèmes qui ne l’ont jamais encore été auparavant.


Sa méthode va de propositions en propositions, déduites les unes des autres, jusqu’à arriver à la vérité à démontrer.


Pour faire ses démonstrations, Spinoza a usé des différentes formes de raisonnement par déduction à savoir le raisonnement direct, le raisonnement par disjonction de cas, le raisonnement par contraposée, le raisonnement par l’absurde, le raisonnement par l’utilisation d’un contre-exemple et le raisonnement par récurrence.


Ces propositions traitent des choses de la vie, du bonheur, du malheur, de la vertu, du désir et des passions, de la politique, bref de la place de l’homme dans la Nature qui l’entoure ; et qui lui permettent, dans une certaine mesure, de parvenir à la joie parfaite appelée par Spinoza « béatitude ».


Il faut rappeler au passage qu’un débat a eu lieu après la mort de Spinoza sur sa relation à Dieu et sur son éventuel athéisme alors que de son vivant celui-ci se défendait d’être athée.


D’ailleurs, le mot Dieu revient sans cesse dans son œuvre, ce qui est chose paradoxale de la part d’un présumé athée, avec une certitude malgré tout, le Dieu de Spinoza n’est pas palpable, il n’a rien d’humain ni de concret comme celui des autres philosophes et autres religions. Ces mêmes religions qui entravent Dieu selon Spinoza.


Pour se rapprocher de Dieu, il faut l’imaginer en dehors des hommes et des religions.


Pour Spinoza, Dieu est une substance infinie constituée d’une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle. C’est sa proposition pour affirmer que Dieu existe. Et pour le démontrer, Spinoza use d’un raisonnement par l’absurde simple : Si vous niez Dieu, concevez, s'il est possible, que Dieu n'existe pas. Son essence n'envelopperait donc pas l'existence. Mais cela est absurde. Donc Dieu existe nécessairement. Dieu est donc reconnu comme substance de tout ce qui est. Il est le Tout de la Nature c.à.d. de tout être fini. Dieu n’attend rien de personne. Il se suffit à lui-même par le seul fait d’exister. La pensée est un attribut de Dieu ; en d'autres termes, Dieu est chose pensante. L'étendue est un attribut de Dieu, en d'autres termes, Dieu est chose étendue. L'idée de Dieu, de laquelle découle une infinité de choses infiniment modifiées, ne peut être qu'unique. Dieu agit par les seules lois de la nature et sans être contraint par personne. L'existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose puisque la puissance de Dieu est son essence.

Cela m’amène à me poser la question suivante : « est ce vivre conformément à la Nature que de bien se conduire ? »


J’aurai tendance à jouer au logicien comme le fût Spinoza dans l’Ethique à savoir user d’un type de raisonnement pour aborder cette réflexion. J’utiliserai pour ma part un raisonnement par contraposée. La réflexion deviendrait alors : Mal se conduire implique ne pas vivre conformément à la Nature ou à la puissance de la Nature !


Spinoza est connu pour son identification de Dieu et la Nature (et ce malgré son penchant cartésien) ce que Spinoza décrit Deus Sive Natura? La formule susmentionnée signifierait alors, selon Spinoza, « mal se conduire implique ne pas vivre conformément à Dieu » !


Pour Spinoza, Dieu est Nature, Dieu est feu, Dieu est terre, Dieu est mer, Dieu est air, Dieu est soleil, Dieu est bois…mais Dieu est également vertu et en effet si l’on se comporte mal c’est qu’on s’éloigne de la vertu. Pour Spinoza, le fondement de la vertu est le fait d’agir d’après les propres lois de sa nature, pour ainsi conserver son être propre.


La virtuosité de l’être devrait rester la même à tout moment. Le bien et la vérité que l’on désire pour soi-même doivent l’être pour autrui. Spinoza dit, à l’homme rien de plus utile que l’homme.

Tout ce qui tend à réunir les êtres humains en d'autres termes, tout ce qui les fait vivre dans la concorde et la fraternité est utile et au contraire tout ce qui introduit la discorde parmi eux va l’encontre de l’égrégore de l’humanité.


La raison devrait être notre conduite. Les sentiments de haine, de colère, de mépris, etc., ainsi que tout sentiment contraire à la générosité et l’amour sont à proscrire. Ce que Spinoza appelle les affects et qui surpassent la vertu de l’homme et que l’homme doit absolument contrer pour conquérir sa liberté et écrire ainsi un meilleur prochain chapitre de l’humanité.


Pour Spinoza, l’amour d’autrui est indissociable de l’amour de la Nature donc de Dieu. Lorsqu’on aime quelqu’un, on aime le monde entier. L’amour est accroissement de soi nous dit Spinoza. C’est le meilleur enseignement de son œuvre.

Pour finir, tout être humain se doit de viser le développement de l’Esprit qui procure joie et perfection de l’âme. Cela s’appelle chez Spinoza « Béatitude ».


Ali Bouallou




Dimanche 8 Novembre 2020


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