Dans la série suédoise “Real Humans”, des humanoïdes presque indifférenciables des humains naissent dans une société qui les exploite et les maltraite. ©Sveriges Television/Matador Film AB
Des robots tueurs dans Terminator : les chroniques de Sarah Connor ; des drones létaux qui agissent sans intervention humaine en Libye ; des humanoïdes qui prennent conscience de leur propre existence et de leur libre arbitre dans Westworld ; des IA (intelligences artificielles) qui communiquent dans une langue indéchiffrable par les humains dans le cadre d’un programme de recherche de Google ; des robots qui remplacent les humains dans certains emplois dans Better Than Us ; McDonald’s qui expérimente la prise de commande automatisée dans ses drives de Chicago ; des objets intelligents indifférenciables de vraies personnes ; l’entreprise Lumi Dolls qui promet de bientôt ouvrir une maison close de poupées dotées d’une IA… La liste est longue, et non exhaustive. Les robots envahissent les séries dans des scénarios qui, parfois, ne relèvent déjà plus de la science-fiction.
Se rebeller contre son créateur ou le dépasser
Pourtant, le genre a mis en scène ces objets intelligents bien avant que le premier robot ne voie le jour, comme le rappelle Natacha Vas-Deyres, chercheuse associée de l’université Bordeaux Montaigne et présidente du festival Hypermondes. « La thématique de la robotique ou de la création d’un être artificiel est quasiment l’acte fondateur [du genre], avec en 1818 le Frankenstein de Mary Shelley », explique-t-elle. Le monstre de Frankenstein n’est pas un robot : c’est un être artificiel créé par le docteur Frankenstein à partir de morceaux de cadavres dans lesquels il fait passer du courant électrique.
Mais, selon la spécialiste de la science-fiction, l’idée est déjà là. « On parle de créer un être artificiel grâce à la science. La science-fiction est apparue en même temps que la société technique au XIXe siècle, et elle va suivre son évolution, et même la précéder », précise-t-elle. C’est ainsi qu’en 1920 apparaît pour la première fois le mot « robot », dans une pièce de théâtre de Karel Čapek, R. U. R. (Rossum’s Universal Robots).
Mais, selon la spécialiste de la science-fiction, l’idée est déjà là. « On parle de créer un être artificiel grâce à la science. La science-fiction est apparue en même temps que la société technique au XIXe siècle, et elle va suivre son évolution, et même la précéder », précise-t-elle. C’est ainsi qu’en 1920 apparaît pour la première fois le mot « robot », dans une pièce de théâtre de Karel Čapek, R. U. R. (Rossum’s Universal Robots).
Better Than Us dépeint un avenir dans lequel des androïdes remplacent les humains dans certains emplois et élèvent même les enfants à leur place.©Netflix
Après cela, les robots deviennent des personnages incontournables du genre, puis de la pop culture. Éléments narratifs parfaits – chaque histoire a besoin d’un méchant –, ils ont aussi l’avantage de pouvoir être représentés différemment dans chaque création. « Les robots fascinent parce qu’ils permettent de montrer différentes altérités, confirme Natacha Vas-Deyres. L’intelligence artificielle dans un corps synthétique comme dans Westworld ; le cyborg à la Terminator, inaltérable et invulnérable ; mais aussi le petit robot mignon, comme Baymax ou Astroboy… »
Une diversité d’androïdes qui rappelle la pluralité des êtres humains existant sur la planète. Et qui, la plupart du temps, est dotée d’une apparence proche de celle de notre espèce. « Ils nous ressemblent parce que cela nous rassure, affirme Jean-Christophe Bonis, conférencier TED et expert en IA et robotique. On comprend mieux ce qui est comme nous. » Et si l’esthétique humanoïde des robots dans les séries est encore assez éloignée de la réalité, les scénarios sont, eux, « ultracrédibles » selon le passionné de nouvelles technologies.
En réalité, deux visions façonnent les histoires de robots depuis leur apparition. « Il existe une représentation assez terrifiante qu’Isaac Asimov a appelé le Complexe de Frankenstein, où la créature se rebelle contre son créateur, détaille Natacha Vas-Deyres. C’est un peu un avertissement divin : nous avons pris la place de Dieu en tant que créateur… Mais l’humain n’est pas Dieu ! Il faut donc qu’il soit puni. » La chercheuse poursuit : « De l’autre côté, il y a “l’empathie machinique” : les robots sont là pour nous aider, mais les humains sont représentés comme terrifiés à l’idée d’être dépassés par leur propre création ».
Une diversité d’androïdes qui rappelle la pluralité des êtres humains existant sur la planète. Et qui, la plupart du temps, est dotée d’une apparence proche de celle de notre espèce. « Ils nous ressemblent parce que cela nous rassure, affirme Jean-Christophe Bonis, conférencier TED et expert en IA et robotique. On comprend mieux ce qui est comme nous. » Et si l’esthétique humanoïde des robots dans les séries est encore assez éloignée de la réalité, les scénarios sont, eux, « ultracrédibles » selon le passionné de nouvelles technologies.
En réalité, deux visions façonnent les histoires de robots depuis leur apparition. « Il existe une représentation assez terrifiante qu’Isaac Asimov a appelé le Complexe de Frankenstein, où la créature se rebelle contre son créateur, détaille Natacha Vas-Deyres. C’est un peu un avertissement divin : nous avons pris la place de Dieu en tant que créateur… Mais l’humain n’est pas Dieu ! Il faut donc qu’il soit puni. » La chercheuse poursuit : « De l’autre côté, il y a “l’empathie machinique” : les robots sont là pour nous aider, mais les humains sont représentés comme terrifiés à l’idée d’être dépassés par leur propre création ».
Quand la réalité dépasse la fiction
Des intrigues qui captivent le public, mi-effrayé, mi-fasciné. « La réalité va même plus vite que certains scénarios ! J’ai vu des technologies qui m’ont fait froid dans le dos… », assure Jean-Christophe Bonis. Effectivement, la frontière entre fiction et réalité devient floue. Algorithmes, intelligences artificielles… La robotique prend de plus en plus de place dans nos sociétés. « Les gens ont vraiment l’impression que tout ce qui touche à l’univers du robot va arriver, ajoute le conférencier. Ces séries nous projettent dans le futur, et c’est cela qui intéresse énormément. »
Ces innovations technologiques risquent de provoquer de nombreux changements dans nos vies, et interrogent notre notion de l’éthique. Dans Real Humans, des robots sexuels programmés pour être des femmes douces, dociles et, bien sûr, construits sur la base de canons de beauté pornographiques, sont créés pour assouvir tous les fantasmes sexuels possibles et imaginables. Dans Westworld, les « hôtes » sont le défouloir des violences déviantes des humains. La solution pour éviter que ces pulsions destructrices ne soient perpétuées sur de véritables humains, diront certains ou certaines. Mais est-ce vraiment le cas ?
« Est-ce qu’on a le droit de violer un robot ? De le maltraiter, de l’insulter ? Est-ce qu’on a le droit de les considérer comme de nouveaux esclaves ? », s’interroge Jean-Christophe Bonis. À l’inverse, « demain, certaines personnes pourront considérer que des robots qui nous ressemblent et qui nous aident peuvent faire partie de la famille, de la même manière qu’un chien », développe-t-il.
Pour Natacha Vas-Deyres, la véritable question posée par les scénaristes et réalisateurs est celle de la nature humaine : « Est-ce que l’être artificiel que nous avons créé ne serait pas plus pur que nous, dans son fonctionnement, dans son éthique ? » C’est le cas dans Real Humans, où les robots sont présentés comme beaucoup plus moraux que les humains.
« Est-ce qu’on a le droit de violer un robot ? De le maltraiter, de l’insulter ? Est-ce qu’on a le droit de les considérer comme de nouveaux esclaves ? », s’interroge Jean-Christophe Bonis. À l’inverse, « demain, certaines personnes pourront considérer que des robots qui nous ressemblent et qui nous aident peuvent faire partie de la famille, de la même manière qu’un chien », développe-t-il.
Pour Natacha Vas-Deyres, la véritable question posée par les scénaristes et réalisateurs est celle de la nature humaine : « Est-ce que l’être artificiel que nous avons créé ne serait pas plus pur que nous, dans son fonctionnement, dans son éthique ? » C’est le cas dans Real Humans, où les robots sont présentés comme beaucoup plus moraux que les humains.
« On a créé ces machines pour qu’elles nous ressemblent, mais quand elles prennent leur autonomie, elles ne souhaitent pas être humaines ! Elles veulent être ce qu’elles sont », souligne la professeure agrégée.
Une quête de liberté presque toujours cause de révolte, voire de guerre, entre l’humanité et les automates.
La pop culture comme lanceuse d’alerte
Des risques sur lesquels se penchent les séries, et plus largement la science-fiction, depuis presque 150 ans. « La science-fiction est un laboratoire, un lieu d’expérimentation de scénarios issus du présent pour nous parler du futur, indique Natacha Vas-Deyres. On a toujours eu des mythes pour réfléchir sur les grandes questions et les grandes progressions ou régressions de l’humanité. Dans le cas de la science-fiction, on parle de “mythologisation de l’avenir”. »
Pour Jean-Christophe Bonis, c’est même un travail de « lanceurs d’alerte » que réalisent les scénaristes et réalisateurs. « Je considère que l’IA est extrêmement dangereuse dans les aspects dans lesquels on l’utilise aujourd’hui : elle peut être un danger pour la démocratie, par exemple. Il est donc totalement logique que les artistes puissent avertir, à leur manière. » Et peut-être nous faire réfléchir, par exemple, sur la façon – pas toujours très cordiale – dont nous nous adressons à nos assistants vocaux, de plus en plus présents dans nos quotidiens.
Rédigé par Héloïse Decarre, repris et adapté par la Fondation Tamkine Pour Jean-Christophe Bonis, c’est même un travail de « lanceurs d’alerte » que réalisent les scénaristes et réalisateurs. « Je considère que l’IA est extrêmement dangereuse dans les aspects dans lesquels on l’utilise aujourd’hui : elle peut être un danger pour la démocratie, par exemple. Il est donc totalement logique que les artistes puissent avertir, à leur manière. » Et peut-être nous faire réfléchir, par exemple, sur la façon – pas toujours très cordiale – dont nous nous adressons à nos assistants vocaux, de plus en plus présents dans nos quotidiens.
#Tamkine_ensemble_nous_reussirons