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Par Aziz Boucetta
Que fait ce gouvernement depuis sa formation donc, en octobre 2021 ? Il fait de la technocratie. Et qu’est-ce que la technocratie ? C’est mettre en œuvre et en musique les grands chantiers, le plus souvent, voire toujours, venant d’ailleurs, venant de haut.
Protection sociale, et bien évidemment médicale, reconstruction dans l’Atlas, chantier de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, santé pour tous, idéalement avec équité, aides financières directes pour décompenser tranquillement, grosses compétitions de football… Des chantiers où la maîtrise de l’outil Excel prédomine sur l’excellence politique.
Dans sa démocratie en perpétuelle transition, le Maroc aura auparavant tenté l’approche exclusivement politique, mais face à l’indigence constatée (et un peu voulue), on avait alors souhaité une dose de technocratie ; puis le Maroc a introduit cette technocratie triomphante et on s’aperçoit que sans politique, rien de bon ne saurait être fait. Alors ?
Alors le dosage s’impose, un meilleur dosage. Ainsi par exemple de cette présente équipe gouvernementale, formée en grande partie d’excellents profils, mais qui pâtit d’un manque de leadership politique, M. Akhannouch ne pouvant considérer la politique que comme une arène dans laquelle on ne partage pas, on ne coexiste pas, dans laquelle on intimide et on liquide. Combien de ministres qui, deux ans et demi après leur arrivée, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, se reconnaîtront-ils dans cette « liquidation » politique ? Beaucoup.
Alors pourquoi remanier ? Pour reconstituer la chair fraîche à liquider ? Rien d’utile à cela. Sauf à remanier pour insuffler une âme à un exécutif qui n’en a point. Comme tout être humain, en principe du moins, un gouvernement a en effet besoin d’une âme, car il représente et est supposé gouverner un peuple qui en attend beaucoup et que pour faire vivre la flamme d’un pays, son gouvernement doit vivre lui-même.
Treize ans après la promulgation de la constitution, le Maroc attend toujours sa mise en œuvre dans son volet sociétal....
Egalité des chances et parité de genre, droits humains et libertés individuelles, indépendance et équité de la justice, Marocains d’ici et d’ailleurs… autant de chantiers sociétaux laissés en jachère par un gouvernement qui semble n’en avoir cure et par un chef de gouvernement qui n’a pas d’idées sur ces sujets.
Bien au contraire…
Les mesures prises en faveur des citoyens dans leur vie sociale sont pratiquement inexistantes. Ainsi de la justice ; si les juges sont indépendants (en principe) et qu’ils ne relèvent pas de l’autorité gouvernementale, il n’en va pas de même de la justice dont le fonctionnement, le cadre éthique, le fondement légal est l’apanage du gouvernement, lequel ne fait rien à ce sujet. Par ailleurs, et alors que les rumeurs de conflits d’intérêts, avérées (affaire des hydrocarbures) ou supposées (affaire Leila Benali) courent et enflent, les mesures contre l’enrichissement illicite s’appauvrissent singulièrement.
Le ministre Ouahbi semble animé des meilleures intentions en matière de libertés, mais ces intentions restent au niveau du verbe et de l’envolée oratoire. Quant aux peines alternatives, elles alternent entre l’annonce et le renoncement. Les Marocains à l’étranger restent étrangers à toute préoccupation gouvernementale et la politique africaine de notre gouvernement, et bien elle tourne le dos à l’Afrique.
Alors, en dehors d’un effet d’annonce, de la promotion de quelques-un(e)s et de la sanction de quelques autres, à quoi servirait vraiment un remaniement de l’équipe Akhannouch ? A pas grand-chose, surtout qu’on sait maintenant la propension du chef du gouvernement à ne s’entourer que d’un cercle très restreint de proches, à ne se fier qu’à un effectif encore plus restreint et à ne se confier qu’à un seul, qui se reconnaîtra…
Et tout cela est bien dommage car si naguère, on avait craint les ravages du PJD sur la politique nationale, on est aujourd’hui confronté aux dommages que le RNI et l’Etat qu’il a formé occasionnent au pays, à son économie désormais ultralibérale, surendettée, progressivement (et dangereusement) ploutocratique, non convergente, ou alors très peu, à sa politique fermée et enfermée, à sa société désabusée et à ses jeunes qui n’aspirent qu’à partir. Sous des cieux certes moins accueillants que jadis mais bien plus offreurs d’opportunités que chez eux.
Dans la grande culture arabe, on dit que إذا أسند الأمر إلى غير أهله فانتظر الساعة. Attendons… attendons ce que dans la grande culture latine, on appelle le deux ex machina.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost