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Quelle nouvelle Syrie ?


Rédigé par le Lundi 30 Décembre 2024

L’un des évènements marquants de l’année 2024 qui s’achève est la chute du régime syrien, qui tient plus d’un accord entre puissances que d’une révolution. La carte du Moyen-Orient est redessinée, avec une Syrie dépecée et amoindrie.



La rapidité avec laquelle s’est effondrée le régime syrien, moins de deux semaines après le début de l’offensive lancée par les rebelles syriens le 27 novembre, a surpris nombre d’observateurs de la scène moyen-orientale.

Tout le monde savait la Syrie affaiblie par les années de sanctions internationales et la perte de contrôle des champs pétroliers et céréaliers au Nord-est du pays, sous occupation américaine.

L’armée du régime Al Assad avait, toutefois, réussi à résister aux assauts de l’opposition syrienne de 2011 à 2018, grâce au soutien de l’Iran, du Hezbollah libanais et autres milices chiites, ainsi que l’intervention militaire décisive de la Russie, en 2015.

Tout portait à croire que l’opération Tymber Sycamore, qui a vu la Cia armer et entraîner les rebelles syriens et autres jihadistes venus des quatre coins du monde, avec le financement de pays arabes du Golfe, essentiellement le Qatar, avait échoué.

De l’échec des tractations à la chute

Au cours des quatre dernières années, le président syrien déchu, Bachar Al Assad, a commis la bêtise de résister à toutes les tentatives russes de le pousser à trouver un terrain d’entente avec ses opposants, protégés par la Turquie dans la dernière zone dont ils ont gardé le contrôle, Idlib.

Le président turc, Tayep Erdogan, était particulièrement frustré de ne pas pouvoir renvoyer en Syrie les plus de 3 millions de réfugiés syriens présents dans son pays depuis le début de la guerre civile, dont une large frange de la population turque veut se débarrasser.

Malgré les demandes insistantes du président russe, Vladimir Poutine, Bachar Al Assad refusait mordicus de rencontrer Tayep Erdogan afin d’élaborer une solution négociée.

Israël, pour qui la Syrie de Bachar Al Assad ne représentait pas directement une menace, tenait, toutefois, à couper la voie d’approvisionnement en armes du Hezbollah libanais par l’Iran. 

L’aviation israélienne n’avait, d’ailleurs, pas cessé, des années durant, de bombarder les positions des Pasdarans iraniens et les milices chiites affiliées à l’Iran en Syrie.

Une fois apaisé le tumulte des batailles, le dessous des cartes commence enfin à apparaître.

Une défaite programmée

Dans un entretien accordé, le 13 décembre, à la chaîne de télévision allemande NTV, le ministre des affaires étrangères turques et ancien patron des services de renseignement, Hakan Fidan, a déclaré : « nous avons parlé aux Russes et aux Iraniens et leur avons dit que l’homme dans lequel ils avaient investi ne valait plus la peine d’être investi. Ils ont passé un coup de fil et, le soir même, Assad n’était plus là ».

Ces propos semblent crédibles dans le sens ou Moscou a indiqué être en contact avec les nouveaux tenants du pouvoir à Damas, qu’elle a pourtant longtemps combattu.
 
De son côté, Ahmed Al Sharaa, alias Abou Mohamed Al Joulani, le nouveau dirigeant de facto de la Syrie, a souligné, dans un entretien accordé, le 18 décembre, à la chaîne d’information britannique BBC, l’importance du partenariat stratégique avec la Russie.

Les deux bases militaires russes en Syrie ne semblent, donc, pas prêtes à être démantelée, au grand dam des pays européens, qui exigent cette mesure pour soutenir la reconstruction de ce pays arabe dévasté par plus d’une décennie de guerre civile et de sanctions internationales.

L’Iran, dont les exigences et ingérences politiques étaient particulièrement intolérables pour le président syrien déchu, Bachar Al Assad, semble être le principal perdant du changement de régime à Damas. 

Le nouveau président iranien, Massoud Pezechkian, est, cependant, plus préoccupé à débarrasser son pays des lourdes sanctions qui étouffent son économie et de parer la menace de frappes américano-israéliennes contre ses installations nucléaires que du sort de la Syrie.

Le festin des vautours

Washington et Tel-Aviv voient en la chute du régime syrien une opportunité de retracer la carte du Moyen-Orient, en modifiant de manière radicale l’ordre régional tel qu’issu des accords de Sykes-Picot de 1916, mais sont forts déçus que Moscou a évité le piège de l’embourbement dans une guerre en Syrie.

Le plan des Etats-Unis pour la Syrie est clair depuis longtemps. « La Syrie, compte tenu de sa taille, de sa situation stratégique et de son importance historique, est le point pivot qui permettra de déterminer si un système de sécurité géré par les États-Unis peut exister dans la région » a expliqué James Jeffrey, ancien ambassadeur des États-Unis en Irak et en Turquie, dans une interview accordée à PBS Frontline, en 2021.

Tout l’avantage pour les Etats-Unis d’avoir à la tête de la Syrie un terroriste « repenti » comme Ahmed Sharaa, qui vient d’annoncer qu’il n’y aura pas d’élections présidentielles en Syrie avant quatre ans, est de l’obliger à consentir un maximum de concessions.

Suite à une rencontre à Damas, le 20 décembre, entre Barbara Leaf, responsable du Moyen-Orient au sein du département d'État américain, et le nouvel dirigeant syrien, Ahmed Al Sharaa, Washington a annoncé que sa tête a cessé d’être mise à prix pour 10 millions de dollars.

Ahmed Al Sharaa, pour sa part, crie à qui veut l’entendre, que le nouveau pouvoir en Syrie  « ne constituait pas une menace pour ses voisins ou pour l'Occident ».

Le nouveau gouverneur de Damas, Maher Marwan, est allé encore plus loin pour montrer patte blanche à Washington et Tel-Aviv. Dans un entretien diffusé, le 26 décembre, par la chaîne d’information américaine NPR, il a été on ne peut plus clair : « Nous n’avons aucune crainte envers Israël et notre problème n’est pas avec Israël. (…) Nous ne voulons pas nous mêler de quoi que ce soit qui puisse menacer la sécurité d’Israël ».

Il fût une fois, la Syrie…

Le double jeu de Washington n’est même pas caché. « Il était important pour nous que HTS (Hayat Tahrir Sham, organisation terroriste dirigée par Ahmed Sharaa) ne se désintègre pas », a indiqué James Jeffrey, en 2021, dans l’entretien précité. « Notre politique était de laisser HTS tranquille »

Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ne cache pas non plus sa satisfaction de réduire à néant les capacités militaires de la Syrie, de sécuriser l’annexion du Golan en occupant la zone tampon et de rompre la chaîne logistique du Hezbollah. Tel-Aviv s’est même dit prête à entretenir des « liens corrects » avec le nouveau régime syrien.

Le grand gagnant de la chute du régime Assad demeure, cependant, incontestablement le président turc Erdogan, qui voit enfin commencer à se concrétiser son ambition néo-ottoman. Alep est tombée, le Nord de la Syrie est sous son contrôle et les miliciens kurdes du Ypg sont férocement combattu par les éléments de l’Armée nationale syrienne, qui opèrent directement et ouvertement sous les ordres d’Ankara.

Les entreprises de construction turques, dont le secteur d’activités traverse actuellement une grave crise, se frottent déjà les mains dans la perspective d’arracher de juteux contrats de reconstruction en Syrie. 

Et dans tous les pays ou les plus de six millions de réfugiés syriens se sont installés, l’opportunité de les renvoyer chez eux est favorablement perçue.

Il fût, une fois, la République arabe syrienne, passée de la sanglante dictature de la famille Al Assad, qui a duré 54 ans, au démembrement sous régime islamiste.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Lundi 30 Décembre 2024

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