Depuis la présidence Trump, les décrets instaurant ou modifiant brutalement les taxes et sur-taxes à l’importation sont devenus une arme économique. Ce qui relevait auparavant de longues négociations multilatérales est désormais décidé en quelques heures depuis le Bureau ovale. Résultat : l’incertitude réglementaire devient insoutenable pour les investisseurs étrangers, surtout ceux qui ciblent le marché américain à partir des pays émergents.

Prenons le cas d’un investisseur souhaitant implanter une usine de production de composants électroniques au Maroc, au Vietnam ou au Mexique. Son modèle économique repose sur la compétitivité des coûts locaux, et l’accès sans barrières au marché américain. Or, avec un décret présidentiel, Trump (ou tout autre président suivant sa logique) peut imposer en 48h une taxe de 25 % sur ces produits, sous prétexte de sécurité nationale ou de protection de l’emploi américain. Cela suffit à faire basculer un projet de rentable à déficitaire, du jour au lendemain.

L’investissement industriel repose sur une visibilité à long terme. Les investisseurs calculent le "risque pays", le coût de production, la fiscalité, mais aussi l’accès aux marchés. Or, les pays émergents, bien que séduisants pour leur main-d'œuvre bon marché et leurs accords de libre-échange, sont désormais confrontés à un "risque Trump" qui surplombe tout. Ce risque n’est pas seulement économique, il est politique et unilatéral. Il n’existe aucun mécanisme prévisible, aucun recours international rapide : le décret fait loi.

Ainsi, les États-Unis, plus grand marché d’exportation au monde, deviennent une destination à haut risque pour tout projet basé dans un pays émergent. Et cela change la donne. Les investisseurs ne veulent plus s’engager dans un jeu où les règles changent en cours de partie, selon l’humeur d’un dirigeant ou les intérêts électoraux du moment.

À moyen terme, cette instabilité réglementaire aura un effet glacial sur les investissements directs étrangers (IDE). Les projets industriels destinés à l’export vers les États-Unis seront tout simplement suspendus ou relocalisés vers des zones jugées plus stables, voire directement sur le sol américain pour éviter les décrets surprises. Les pays émergents, eux, paient le prix fort d’une guerre commerciale dont ils ne sont que les dommages collatéraux.

Pour ces économies, les IDE sont vitaux : ils génèrent des emplois, transfèrent des technologies, développent les infrastructures. Les mettre en péril, c’est freiner leur développement. Et à plus long terme, c’est creuser un fossé entre les nations industrialisées et celles qui tentent de le devenir.

Le retour des sur-taxes présidentielles et la personnalisation extrême de la politique économique américaine représentent un danger non seulement pour les pays émergents, mais pour l’ordre économique mondial. En rendant imprévisibles les règles du commerce international, Trump pousse les investisseurs à l’attentisme, voire au désengagement. Une arme à double tranchant, car à terme, même l’économie américaine pourrait souffrir du repli des chaînes d’approvisionnement mondialisées dont elle profite encore.