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Quand la formation médicale continue devient un marché : entre industrie pharmaceutique et silence complice de l’État


Rédigé par Salma Chaoui le Mercredi 16 Avril 2025

Dans les salles feutrés des congrès médicaux, sous les dorures des hôtels cinq étoiles ou à l’ombre des amphithéâtres universitaires désertés par l’éthique, la formation médicale continue au Maroc semble prise en otage.



Par Dr Anwar CHERKAOUI

Non pas par les médecins eux-mêmes, ni par les patients, mais par une alliance implicite entre l’industrie pharmaceutique et un État qui observe, muet et absent, ce glissement lent mais certain vers une marchandisation du savoir médical.

Autrefois noble démarche de mise à jour des connaissances, la formation médicale continue s’est transformée en vitrine clinquante pour les laboratoires. 

Les « leaders d’opinion » – ces médecins dits référents, promus conférenciers à répétition – sont devenus les relais zélés des messages marketing. 

Leurs interventions ne sont plus toujours fondées sur une lecture critique de la littérature scientifique indépendante, mais sur des présentations calibrées, sponsorisées, voire dictées par les départements de communication des laboratoires.

Pendant ce temps, l’armée des médecins prescripteurs – généralistes comme spécialistes – assiste, écoute, et parfois applique sans recul. 

Non par manque d’intelligence, mais parce que le système les y pousse : absence d’alternatives indépendantes, coût élevé de la formation continue non sponsorisée, et rareté des sources de mise à jour non biaisées.

Le problème n’est pas que les laboratoires participent au financement de l’effort éducatif post-universitaire.

 Le problème, c’est qu’ils le monopolisent. 
Et que personne ne les régule.

Car l’État, dans cette équation, brille par son absence. 

Pas de comité d’éthique indépendant sur les contenus des formations. 

Pas de normes strictes sur les conflits d’intérêts. 

Pas de plateforme publique ou universitaire de formation continue obligatoire, déconnectée des intérêts commerciaux. 

Même l’Ordre des médecins semble démuni, ou complice par inertie.

Les conséquences sont lourdes : prescriptions orientées, surmédicalisation, mise à l’écart de molécules anciennes mais efficaces, marginalisation des génériques, méfiance croissante des patients face aux décisions thérapeutiques, et surtout, perte de l’indépendance intellectuelle du corps médical.

Le Maroc a besoin d’un sursaut. 

D’une politique nationale de la formation médicale continue, encadrée, financée en partie par l’État, et ouverte à la critique scientifique. 

Il faut redonner aux médecins le goût du savoir libre, les outils pour penser par eux-mêmes, et la liberté de dire non à ce qui n’est pas prouvé, même si cela vient dans une jolie boîte avec un logo doré.

L’éthique ne devrait jamais être une option. 

Elle devrait être la colonne vertébrale de la médecine. 

Il est temps que l’État marocain le comprenne. Avant que la confiance – déjà fragilisée – ne s’effondre définitivement entre le médecin et le malade.

Un débat national sur la formation médicale continue s’impose.

Rédigé par Dr Anwar Cherkaoui





Mercredi 16 Avril 2025

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