La récente reconfiguration des alliances halieutiques au Maroc marque un tournant stratégique, tant pour le Royaume que pour ses partenaires internationaux. Avec l'annulation de l'accord de pêche entre le Maroc et l'Union européenne, la Chine et la Russie se positionnent comme les nouveaux acteurs majeurs dans ce secteur clé. Cette évolution, bien que porteuse d'opportunités pour le Maroc, soulève des interrogations sur l'avenir des relations avec l'Europe et les implications économiques et environnementales de cette transition.

En octobre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a invalidé l'accord de pêche UE-Maroc, invoquant le non-respect du consentement du peuple du Sahara occidental. Cette décision a provoqué un vide juridique qui a affaibli l'Europe dans ses relations économiques avec le Maroc. Pourtant, des pays comme l’Espagne et la France, malgré leur soutien affirmé à la souveraineté marocaine sur le Sahara, n'ont pu empêcher cette rupture, un coup dur pour l'industrie de la pêche européenne, notamment pour les flottes espagnoles historiquement présentes dans les eaux marocaines.
La montée en puissance des acteurs asiatiques et russes

Profitant de ce vide, la Chine et la Russie renforcent leur présence dans les eaux marocaines. Déjà active depuis plusieurs années, la Chine consolide son influence grâce à des partenariats stratégiques. En 2023, six navires chinois, opérant sous pavillon marocain, exploitaient les richesses halieutiques locales. De plus, un mémorandum d’entente signé en juillet 2023 élargit la coopération sino-marocaine dans des domaines tels que l’aquaculture et les technologies de transformation.

De son côté, la Russie s’inscrit dans une dynamique similaire. Après avoir prorogé son précédent contrat, elle prépare un nouvel accord de pêche de quatre ans. Ces initiatives confirment une diversification active des partenariats internationaux par le Maroc, visant à maximiser la valorisation de ses ressources tout en consolidant son influence géopolitique.

L’émergence de ces nouveaux acteurs inquiète l’Union européenne, qui voit son influence s’éroder dans une région historiquement dominée par ses flottes. Selon The Outlaw Ocean Project, la montée en puissance de la Chine et de la Russie pourrait représenter une menace à long terme pour les intérêts économiques européens. Alors que l’Europe peine à définir une stratégie claire face à ces évolutions, le Maroc semble tirer parti de cette recomposition pour diversifier ses partenariats et renforcer son autonomie.

Cette réorganisation offre au Maroc une opportunité unique de mieux exploiter ses ressources halieutiques tout en diversifiant ses sources de revenus. Cependant, des questions subsistent : comment le Royaume pourra-t-il garantir une exploitation durable de ses ressources face à des partenaires aux ambitions parfois controversées ? Cette stratégie de diversification pourrait-elle fragiliser certaines relations historiques avec l’Europe ? Dans un contexte géopolitique tendu, le Maroc est confronté au défi de trouver un équilibre entre maximisation économique et durabilité environnementale.

Si le retrait de l'Europe marque une perte stratégique pour cette dernière, il ouvre pour le Maroc une nouvelle ère d’opportunités. Toutefois, les autorités marocaines devront rester vigilantes pour éviter une exploitation excessive de leurs ressources et s'assurer que ces nouveaux accords s’inscrivent dans une vision de développement durable et équilibré.