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Promesses utopiques et comédie électorale de Abdelmajid Tebboune


Abdelmajid Tebboune, ce prestidigitateur des discours électoraux, ce grand visionnaire, cet architecte de l’impossible, nous gratifie une fois de plus d’un spectacle digne des mille et une nuits, un festival de promesses plus irréalistes les unes que les autres.



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Par Souad Mekkaoui

Dimanche 25 août, Oran a été le théâtre d’un show grandiose, où le président-candidat a révélé au monde sa nouvelle recette pour faire de l’Algérie le jardin d’Éden qu’elle n’a jamais été – et ne sera probablement jamais sous son mandat. L’Algérie, pays aux ressources inépuisables d’imaginaire politique, se voit à nouveau bercée par les douces mélodies d’un futur radieux, chanté par celui qui a su, à maintes reprises, prouver qu’entre l’intention et l’action, il y a un désert que même le Sahara n’oserait envier.

Ainsi face à une foule médusée, Tebboune, dans son costume d’illusionniste politique, a déroulé un tapis rouge de promesses, chacune plus étincelante que la précédente. Le président-candidat s’est présenté comme l’homme providentiel, le messie du peuple algérien, jurant sur l’honneur – si tant est que le mot ait encore un sens pour lui – de faire de son deuxième mandat un paradis économique. « Quand je m’engage, j’exécute. L’homme se tient par la langue », a-t-il déclaré. Ah, quelle ironie ! L’homme se tient par la langue, certes, mais de là à tenir ses promesses, il y a un fossé aussi large que le Sahara. Un aveu qui, pour ceux qui ont survécu aux promesses précédentes, sonne plus comme une blague que comme un engagement.

Parlons-en, de ces promesses. Une nouvelle augmentation de l’allocation chômage à 20.000 dinars en 2025 ? Voilà une annonce qui ferait frémir d’envie même les plus grands acrobates. Mais ne nous y trompons pas, cette hausse s’accompagnera sûrement d’une autre augmentation : celle de l’inflation galopante et le désespoir croissant de ceux qui peinent à joindre les deux bouts. En 2025, les Algériens auront peut-être 20.000 dinars en poche, mais pour acheter quoi ? Les dinars auront atteint certainement une telle dépréciation qu’ils ne vaudront guère plus que les papiers sur lesquels sont imprimés les discours de ce cher président. Mais le président ne s’arrête pas là, non ! Il promet deux millions de logements.

Oui, vous avez bien lu : deux millions ! Sempiternelle rengaine ! Si l’on devait compter les logements promis par les différents régimes, on aurait construit une métropole capable d’abriter toute l’Afrique du Nord. Mais là encore, la réalité se fait discrète face aux ambitions démesurées d’un homme qui semble croire que le béton pousse sur les arbres. À ce rythme, même la ville fictive d’El Dorado semblerait réaliste en comparaison.

Mais la palme de l’absurde revient, sans doute, à cette affirmation selon laquelle l’Algérie serait la troisième économie mondiale. Dans quel monde, cher président, vivez-vous ? Peut-être dans un univers parallèle où les lois de l’économie sont inversées et où la déliquescence est synonyme de prospérité. Une économie si puissante qu’elle défie la logique, le bon sens, et probablement la gravité. Pendant que les experts du monde entier cherchent désespérément à comprendre comment un pays en crise perpétuelle pourrait devancer des géants comme les États-Unis ou la Chine, Tebboune, lui, continue de gravir les échelons de l’absurde avec une confiance déconcertante.

Et pour couronner le tout, Tebboune annonce fièrement que l’Algérie n’importera plus « un seul kilo de blé dur » à partir de 2026. Cela suppose qu’il a trouvé le secret pour transformer le sable en champs fertiles, un exploit que même les pharaons n’ont jamais osé tenter. Et en 2027, l’Algérie sera autosuffisante en huiles et sucrés ! Le président semble oublier qu’avant d’atteindre l’autosuffisance, il faudrait d’abord atteindre l’autonomie de pensée et de gestion. Voilà qui donnerait envie de créer un nouveau proverbe : « À chaque promesse de Tebboune, un mirage apparaît. »

Or le clou du spectacle, c’est bien sûr sa posture de défenseur des grandes causes internationales. Il y a quelque chose de pathétique dans ce besoin désespéré de se peindre en héros national, de promettre monts et merveilles, tout en sachant pertinemment que derrière les mots, il n’y a que du vent. « Tant que l’Algérie est debout, la Palestine sera protégée », clame-t-il. Et la rasd ? Elle existera, foi de Tebboune ! Peu importe que l’Algérie elle-même soit à genoux sous le poids de sa propre gestion calamiteuse, les grandes causes, ça, c’est son domaine. C’est un peu comme si, voyant sa maison en feu, il décidait d’aller arroser celle du voisin pour la protéger d’un incendie imaginaire.

C’est dire que le président-candidat n’est finalement qu’un maître du mirage, un alchimiste des mots qui transforme les chimères en promesses électorales. Chaque déclaration est un petit chef-d’œuvre de fiction, un chapitre supplémentaire dans ce roman-feuilleton où la réalité est plus flexible qu’un élastique. Et pourtant, malgré toute cette fantaisie, le public algérien, las et désabusé, ne peut que sourire tristement devant ce spectacle de la démesure. Tebboune, tel un illusionniste en bout de course, continue de jongler avec les espoirs d’un peuple, avec une maladresse qui frôle l’insulte. Mais après tout, n’est-ce pas là le propre des contes de fées ? Raconter des histoires que personne ne croit, mais qui, l’espace d’un instant, permettent d’oublier une réalité bien trop cruelle. Hélas, à la différence des contes, cette histoire ne se terminera probablement pas par un « ils vécurent heureux ». Quant à « avoir beaucoup d’enfants », avec le chômage galopant et le désespoir ambiant, cela reste encore à voir.

Et bien sûr, comment conclure ce spectacle sans la traditionnelle diatribe contre le Maroc ? Tebboune, fidèle à lui-même, n’a pas manqué d’introduire le Royaume et le Sahara marocain dans son discours, prouvant, une fois de plus que sa haine viscérale pour le voisin de l’Ouest est devenue un pilier de sa rhétorique.

Pour lui, le Maroc est le grand méchant loup, responsable de tous les maux, et évoquer le Sahara marocain, c’est s’assurer les applaudissements de ceux qui, aveuglés par une propagande vieille de plusieurs décennies, n’ont plus que la haine comme boussole. Il semble que, pour Tebboune, attaquer le Maroc est devenu une sorte de passe-partout électoral, un moyen de détourner l’attention des vrais problèmes du pays en agitant le chiffon rouge du Sahara.

Mais derrière cette obsession maladive, c’est une vérité bien plus amère qui se cache : la haine du Maroc est devenue un produit de vente pour un pouvoir en mal de légitimité, un miroir aux alouettes destiné à masquer l’incapacité à offrir à l’Algérie un futur digne de ce nom. Mais qu’importe, les promesses sont belles, le rêve est permis, et comme on dit chez nous : « Il n’y a que celui qui ne tente rien qui ne se trompe jamais. » Tebboune, lui, tente beaucoup… et se trompe tout autant.





Vendredi 30 Août 2024

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