Par Taoufiq Boudchiche
Dans les pays développés, cette tradition de « Think-thank » est fortement ancrée avec le soutien, notamment, du mécénat privé. Le CDS qui est un « think thank » qui s’inscrit dans cette perspective, a été privé de rencontres de travail pendant près de deux ans en raison de la crise sanitaire. Une pensée d’hommage aux proches et moins proches emportés par la crise Covid-19 a été soulignée par Farida Moha, éminente membre active et bénévole du CDS depuis plus d’une décennie. Elle est depuis la naissance du CDS, comme rappelé par son Président, en charge de l’animation des rencontres et de la réalisation des nombreux rapports produits par le CDS pour y consigner tout le fruit de la connaissance produite.
Ont été rappelés en effet, lors de ce dixième anniversaire, les nombreux travaux et contributions de grande qualité au débat national du CDS ; travaux qui ont parcouru l’actualité de la décennie écoulée comme les questions des villes nouvelles et du développement urbain, les enjeux de la société de la connaissance, ceux de la diplomatie économique, de l’intégration africaine, de la délocalisation-co-localisation, les enjeux du secteur touristique…etc. comme autant de questions dont s’est saisi le CDS dans le passé récent.
Un nouveau modèle de développement fruit d’une intelligence collective d’un genre nouveau sous l’égide royale
Le choix de cette édition consacrée au nouveau modèle de développement s’inscrit, selon les organisateurs, dans cette logique de débat et d’amélioration des connaissances, sur les grands enjeux d’actualité qui traversent la société marocaine. Lors de sa présentation, le Président du CSMD a choisi de ne pas s’attarder sur les détails du contenu du Nouveau Modèle de Développement, mais plutôt sur les approches choisies par les membres de la commission pour convenir d’une part, d’une démarche originale d’intelligence collective afin de bien aborder à leur juste mesure toutes les dimensions économiques et sociétales reliées à la question des modèles de développement, et d’autre part, élaborer un contenu qui réponde aux attentes très fortes des citoyens et des acteurs publics et privés sollicités. L’objectif étant, selon lui, de proposer des solutions à la fois innovantes, ambitieuses et réalisables.
En début d’intervention, le président du CSMD, a souligné combien la haute sollicitude royale pour les travaux de la commission fut un encouragement et un facilitateur de leurs tâches avant, pendant et après la remise du rapport. Aussi bien, que les délais supplémentaires autorisés par Sa Majesté, ont permis d’intégrer les enjeux de la crise sanitaire et d’une certaine façon à modifier le regard de la commission sur les résultats de leurs travaux.
Des solutions pour élargir les espaces de construction de consensus et de confiance
Ensuite, parmi les aspects mis en relief figurent la nature et le format des solutions préconisées par le NMD. Il a été mis en relief ce point, en indiquant les efforts de la commission pour proposer des solutions « constructives de consensus » permettant d’accélérer l’atteinte des objectifs du nouveau modèle. Le souci de la commission à cet égard était de proposer des solutions cohérentes par rapport aussi bien aux attentes de citoyens, qu’aux ressources et aux risques de chacune d’elles. Le nouveau modèle ne peut être un « plaidoyer », ni un « menu prêt à l’emploi », a-t-il précisé, mais un cadre d’action pour créer de la confiance, libérer les énergies, l’innovation et l’initiative. Les attentes des citoyens sont très fortes, a-t-il précisé par exemple, en matière de réforme de l’administration, d’équité sociale, de régulation étatique claire et d’éthique,…
Une temporalité de réalisation des objectifs proposée selon un arbitrage entre le temps court, le moyen et le long terme. La mission de suivi confiée au HCP
La question de la temporalité du Nouveau modèle a été abordée, selon l’intervenant, avec le souci d’équilibre et des arbitrages des solutions entre le court, le moyen et le long terme. Pour les membres de la commission, l’intégration du temps long dans le modèle ne posait pas de problème vu que l’institution monarchique au Maroc représentait un atout essentiel dans cette perspective. A cet effet, des indicateurs de suivi à l’horizon 2035 ont été proposées, dont le « choix a été volontairement limité » au suivi de la croissance, des inégalités, de la durabilité et celui des inclusivités qui expriment en fait les principales problématiques relevées lors du diagnostic ainsi que celles qui sont remontées des attentes des citoyens.
Cette question du suivi a été précisée par Le Discours Royal à l’inauguration de la rentrée parlementaire, où Sa Majesté a mentionné confier cette mission au Haut Conseil du Plan (HCP), lequel selon, le Président du CSMD est doté de l’expertise et de l’indépendance nécessaires et qui impliquera, sans doute, selon lui, l’élargissement de son mandat et de ses statuts.
Un référentiel « marocco-marocain » pour le nouveau modèle de développement
Le conférencier a également rappelé le « socle de références » sur lequel repose le nouveau modèle de développement qui se veut un modèle marocco-marocain de progrès, fondé sur les éléments constitutionnels issus de l’histoire du Royaume, de sa diversité, de son ouverture. Un socle « constitutionnalisé » qui se présente comme une chance et un atout pour trouver les chemins vers une société prospère pour tous.
Sur la base de ce référentiel, la commission a proposé des principes d’action et des concepts transversaux comme un « Etat fort au sein d’une société forte » ; « Etat fort » pour exprimer le besoin d’un Etat efficace qui réponde aux attentes des populations, « Société forte » en référence à une société plurielle, mobilisée et innovante. Sur ce registre, la commission a mis en évidence l’importance des corps intermédiaires désigné sous la jolie formule de « tiers-secteur » qui regroupe les coopératives, les associations, les ONG, toutes ces composantes essentielles de la société civile qui agissent pour le développement en dehors des logiques de profit et de rentabilité.
Des axes stratégiques d’intervention pour le nouveau modèle de développement et des paris d’avenir
Les axes stratégiques retenus par la commission seraient : le numérique, des services publics performants, une économie inclusive, un capital humain renforcé pour préparer l’avenir, une moralisation de la vie publique dans le cadre d’un Etat de droit et l’approfondissement de l’ancrage territorial.
Quant aux paris d’avenir, ils sont fondés sur des acquis du Royaume tels que l’enseignement supérieur comme référence régionale, une société ouverte, un développement des énergies vertes, un pôle financier régional à Casablanca, des infrastructures de classe mondiale….
Le débat qui a suivi quant à lui n’a pas manqué d’aborder des interrogations de fond et des sujets complémentaires sur l’importance des nouvelles visions d’avenir générées par la crise sanitaire, l’importance du préscolaire, la recherche de financements innovants pour le modèle, les réformes nécessaires pour améliorer la productivité globale des facteurs, l’amélioration des processus d’émergence, les pistes pour améliorer la qualité de l’enseignement public, notamment, préscolaire.
Par Taoufiq Boudchiche