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M. Rouge et J. Rouge, le fonctionnaire roule et le budget s’écroule…




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break_time500ms_m_rouge_1616005544.mp3 M. Rouge et J. Rouge, le fonctionnaire roule et le budget s’écroule…  (1.02 Mo)

Il est certes de bon ton de proclamer haut et fort la nécessité de réduire le train de vie de l’Etat, mais ce n’est pas pour autant ni pour demain que ses commis circuleront en train. L’administration, al idara en VO, est un monde à part, sanctuarisé, solidaire, pas toujours efficace, rarement efficient. Les quatre ou cinq derniers gouvernements ont tous œuvré à réduire les dépenses publiques, avec une fortune variable.
 

MM. El Youssoufi, Jettou ou encore el Fassi et même Benkirane s’y sont essayés mais ont dû se résigner. L’administration a une inertie que le premier gouvernement venu ne saurait affaiblir, surtout lorsqu’il est lui-même faible, ce qui est le cas d’à peu près tous les gouvernements que nous avons connu chez nous ici-bas.
 

L’Etat, à travers le gouvernement (car ce sont deux entités différentes), voudrait bien dégraisser le mammouth, mais l’atavisme est plus fort et le parc prend de l’embonpoint. Depuis que le Maroc est indépendant, l’administration exerce une force d’attraction sur les uns et les autres, avec son apparat et sa hiba, son monde et ses mystères, ses véhicules de fonction et ses fonctions de prestige. Comment peut-on considérer le secrétaire général d’une administration quelconque sans voiture de fonction, parfois même dotée d’une place de parking estampillée « M. le Secrétaire Général » ? Ah, le secrétaire général… Que serait ce pays devenu sans cette espèce humaine si particulière ?
 

Mais rien n’y fait. Les décideurs veulent absolument réduire ce train de vie et engager un plan d’économies ; ils le disent et le répètent, ad nauseam. Alors ils vont à leurs bureaux, dans leurs M. Rouge, pour y rencontrer d’autres responsables venus, aussi, en M. Rouge. Et il y a aussi les J. Rouge, et puis encore les véhicules aux matricules indiquant les fonctions, 96, 97, 98 ou encore 99… sans compter les dizaines, centaines de véhicules remis à d’heureux responsables et portant des numéros ordinaires, comme le commun des mortels, et servant souvent pour des besognes ménagères...
 

Au total, voici ce que donne cette lutte épique contre la réduction des dépenses publiques et du parc automobile, depuis que les deux anciens chefs de gouvernement ont fermement décidé de sévir. Des lettres, des notes, des mémos, des instructions, des recommandations, et le résultat est là. En 1998, la flotte de véhicules (dont les motos, environ 25%) était de 85.000 unités, avant de reculer à 72.000 en 2002. Depuis, les chiffres montent malgré une politique de rationalisation très timide d’Abbas el Fassi et un serrage de vis de la part d’Abdelilah Benkirane… 115.000 véhicules de fonction en 2012, 153.000 en 2019.
 

Au Maroc, nous avons globalement 900.000 fonctionnaires civils (Etat, collectivités locales et forces auxiliaires), qui disposent, donc, de 158.000 véhicules. Mieux, ou pire, 160 millions de DH ont été dépensés en 2018 pour l’acquisition d’une nouvelle flotte, et autant l’année suivante, et tous ces véhicules coûtent environ 2 milliards de DH par an en carburant, auxquels il faut ajouter un petit milliard de plus pour les menus entretiens ! Parcourons le monde et scrutons les autres… La France compte 75.000 véhicules de l'Etat (avec 5,7 millions de fonctionnaires), les Etats-Unis 72.000 (21 millions fonctionnaires), le Royaume-Uni 34.000 (5,5 millions d’agents publics) ... et on n’ose même pas parler du Japon ou de l’Allemagne.
 

Maintenant, question. Les élus communaux (et leur incontournable secrétaire général) ont-ils vraiment besoin de véhicules de 200 à 300.000 DH, dans un pays où les inégalités sont si criantes ? Les chefs de services ne peuvent-ils donc pas cheffer sans voiture de fonction ? Les voitures aux plaques « normales » doivent-elles continuer à être confiées en toute irresponsabilité aux hauts responsables (souvent plus d’une par individu) ? Une étude a-t-elle vraiment, véritablement, réellement, sérieusement, été menée sur les cas des autres pays pour convenir d’une politique en la matière… à l’exception du Japon et de l’Allemagne, beaucoup trop sérieux pour que l’on puisse imaginer atteindre leur niveau dans les années à venir ?
 

Rouler mieux et plus économique, moins dispendieux, un petit pas pour les décideurs détenteurs de voitures de fonction, un pas de géant pour la bonne tenue du budget de l’Etat.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com





Mercredi 17 Mars 2021


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