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Par Rachid Boufous
Je suis un hypothétique Tangerois et je l’assume pleinement. J’ai raconté dans mon premier ouvrage, « les chroniques du Détroit », l’histoire d’une tenancière de bar à Tanger et je me prends pour un écrivain. Tu as raison de le souligner.
Certainement que je suis un écrivain, que tu l’admettes ou non.
J’ai besoin de ce narcissisme fondateur, sinon je ne serais qu’un anonyme lecteur, lécheur de pages, à n’en plus finir.
Je ne suis certes pas un écrivain de la pointure de Bowles ou de Choukri, mais un simple écrivaillon qui écrivaille, en collant les mots les uns aux autres, tout en cherchant à leur donner du sens…
Je n’ai certes pas l’expertise de Tahar ni la science de Fouad ou de Laila.
Je ne prétends pas non plus décrocher le Médicis ou le Goncourt avec ce roman. Rassure-toi, je n’ai aucune prétention de ce côté de chez Swann.
Je dirais plutôt, que je suis un écrivain public, qui écoute le vent des mots qui lui parviennent et qui les retranscrit en les habillant de beaux adjectifs.
Ce roman, le mien, que tu ne sembles pas apprécier, comme beaucoup de gens je suppose, mais qui n’osent pas me l’avouer, ce que je comprends parfaitement, même si j’en suis à la seconde édition, après avoir dépassé le cap des mille exemplaires vendus, ce qui est apparement un exploit, dans un pays où la majorité des gens ne lisent pas...
Vois-tu chère Amie, ce roman, je ne l’ai même pas désiré, mais fut un extraordinaire hasard dans ma vie.
Je voulais juste raconter une histoire originale sur un Tanger international trop mythifié. Je voulais enjoliver une réalité historique qui fut autre pour cette ville magnifique, détruite hélas par ses propres habitants.
Une autre Amie, bienveillante, celle-là, et excellente écrivaine au passage, m’a convaincu d’en faire un roman sur papier, après qu’il fut publié sur Facebook en épisodes quotidiens. Pour cela, je ne la remercierai jamais assez, car grâce à sa ténacité et à l’aide de mon admirable éditrice, Laila Chaouni, j’ai pu franchir le cap des écrits intimes ou cachés.
Dans ce roman j’ai pris le parti de raconter un Tanger mythique, loin de la triste réalité, que Choukri avait si magnifiquement dépeinte dans le « Pain Nu ».
Oui pour moi Tanger c’est Choukri et ça ne sera jamais quelqu’un d’autre. Ce n’est ni la beat génération, ni les hippies, ni Barbara Hutton, et en encore moins BHL ou Bowles, qui ont pourtant fait la renommée de Tanger.
Pour moi les vrais tangerois , ce sont ces kiffards qui écrasent leurs doses quotidiennes de shit au bout de leurs longs sebsi, chacun y crachant sa triste vie, tout en scrutant les côtes de la Bétique, assis sur des chaises chancelantes, au Café Al Hafa…
Tanger hélas est restée cette ville de migration, très pauvre, que l’argent blanchi du Hashich a tristement défiguré, à jamais.
Mais Tanger a aussi besoin de revivre, de sortir de sa torpeur et de sa tristesse. Et ce n’est ni le LGV, ni ses belles avenues qui vont y arriver, mais surtout la volonté des tangerois de naissance, ses enfants. Mais ceci est une autre histoire…
Toutefois, Tanger n’appartient pas qu’à ses habitants ou même aux marocains, uniquement. Elle appartient à tous les êtres humains, correctement constitués, qui aiment cette improbable endroit où l’Atlantique et la Méditerranée se rencontrent et se tiennent en respect, sans trop se mélanger.
Tanger appartient à toutes celles et ceux qui voient en elle « la fiancée du Nord », belle et farouche, qui a perdu sa virginité depuis très longtemps et qui se cherche un mari au gré des vents d’Est qui éclaboussent par intermittence sa belle chevelure rousse et or.
Alors c’est sans rancune que je te dis chère Amie, tanjaouie de naissance, que moi, hypothétique tangerois, sanhaji d’origine, né à Santa Cruz do Cabo de Aguer, tout en étant un « Tanjaoui de coeur», je demeure l’esclave de mes mots couchés sur Tanger, une ville que j’aime de tout mon cœur, et que je continuerais à louanger, car je préfère encore, et de loin, raconter le mythe romanesque de cette ville, que sa triste réalité !
Sans rancune, chère Amie, et au plaisir d’en débattre un jour, si le cœur y est !
Rédigé par Rachid Boufous