Par Abdelghani El Arrasse
Dans le cadre de la Loi de Finances 2025, l’État marocain a prévu une enveloppe de 12 milliards de dirhams pour soutenir les PME. Il est impératif que cette aide soit orientée vers des réformes structurelles permettant aux TPME de se développer et de jouer pleinement leur rôle dans l’économie nationale.
Une fiscalité défavorable qui freine la croissance des TPME
L’augmentation prévue du taux de l’Impôt sur les Sociétés (IS) pour les petites entreprises, qui passera de 10 % à 20 % d’ici 2026 pour celles réalisant un bénéfice net inférieur à 300 000 dirhams, suscite de vives préoccupations. Cette mesure pénalise directement les plus petites structures, alors même que les grandes entreprises voient leur taux d’imposition réduit de 31 % à 20 %.
Ce choix fiscal crée un déséquilibre qui limite la capacité d’investissement et de structuration des TPME. Par exemple, une entreprise générant un bénéfice net de 250 000 dirhams, qui payait auparavant 25 000 dirhams d’IS, devra s’acquitter de 50 000 dirhams à partir de 2026. Cette augmentation soudaine fragilise les structures les plus vulnérables et risque de décourager la formalisation de nombreuses activités économiques.
Il serait donc pertinent de réintroduire un taux réduit pour les TPME, en maintenant un taux de 15 % pour les bénéfices inférieurs à 300 000 dirhams, et en instaurant une progressivité fiscale pour éviter les effets de seuil. Par ailleurs, la réduction d’impôt accordée aux grandes entreprises devrait être conditionnée à un engagement en faveur de la sous-traitance avec les TPME.
Une productivité limitée par des moyens insuffisants
Les TPME marocaines souffrent d’une faible productivité, souvent liée à un retard en matière d’innovation, de digitalisation et de formation des employés. Ce retard est en partie dû à un manque de soutien financier adapté, notamment pour financer leur fonds de roulement et moderniser leurs outils de production.
Les exigences bancaires strictes en matière de garanties et de taux d’intérêt limitent l’accès au crédit de nombreuses TPME, compromettant ainsi leur capacité à se développer. Pour remédier à cette situation, l’État pourrait créer un fonds de garantie dédié, destiné à sécuriser les prêts accordés à ces entreprises et à encourager des conditions de financement plus favorables. En parallèle, une partie des 12 milliards de dirhams alloués dans la Loi de Finances 2025 devrait être consacrée à un programme de digitalisation et de formation, afin d’améliorer la compétitivité et la gestion interne des TPME.
Une intégration limitée dans les grandes chaînes de valeur
Malgré leur potentiel, les TPME peinent à s’insérer dans les chaînes de valeur des grandes entreprises. Ces dernières privilégient souvent les fournisseurs étrangers ou leurs propres filiales, ce qui freine le développement des petites structures locales.
Ce manque de collaboration s’explique par plusieurs facteurs, notamment des doutes quant à la capacité des TPME à respecter les délais et les standards de qualité, ainsi que l’absence d’un cadre incitatif encourageant la sous-traitance locale.
Pour remédier à cette situation, des incitations fiscales pourraient être mises en place pour les grandes entreprises qui sous-traitent avec des TPME marocaines. En parallèle, un délai de paiement maximum de 60 jours devrait être imposé afin de protéger les petites entreprises des retards de règlement, qui mettent souvent en péril leur trésorerie.
Vers une politique plus équilibrée en faveur des TPME
Les TPME marocaines sont au cœur du développement économique du pays, mais elles sont aujourd’hui pénalisées par une fiscalité lourde, un accès limité aux financements et une faible intégration dans les grandes chaînes de valeur.
Pour garantir leur croissance et leur compétitivité, plusieurs mesures doivent être mises en place :
1. Une fiscalité plus équitable, avec un taux d’IS progressif et des allègements ciblés pour les petites entreprises.
2. Un accès facilité aux marchés publics, avec des quotas dédiés aux TPME.
3. Un programme de digitalisation et de formation, financé par l’État, pour améliorer leur productivité.
4. Une incitation à la sous-traitance locale, via des avantages fiscaux pour les grandes entreprises qui collaborent avec des TPME.
5. Un fonds de garantie spécifique pour soutenir les TPME dans leur accès au crédit.
6. Il est impératif d’accélérer la mise en œuvre du dispositif prévu par la Charte de l’Investissement, qui vise à offrir des avantages adaptés aux projets compris entre 1 et 50 millions de dirhams.
Grâce à ces réformes, le Maroc pourrait transformer ses TPME en un véritable levier de croissance et d’emploi, tout en assurant un développement économique plus inclusif et durable.
Rédigé par Abdelghani El Arrasse