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Le royaume de l'indignation éphémère




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Bien des pays nous envieraient le dynamisme de notre société et la stabilité de nos institutions, mais un observateur avisé verrait dans nos mouvements d’humeur sociaux, voire sociétaux, de simples énervements sans lendemain, des cris sans bruit. Une affaire survient, on en parle, on s’excite au besoin, puis on oublie, et tout retombe dans l’indifférence générale. Et l’indifférence, on le sait depuis Bécaud, tue à petits coups… "Indignez-vous", disait Stéphane Hessel, oubliant d'ajouter "durablement"...
 

Dans d’autres contrées, qui ont des institutions propres et non importées, c’est la combinaison de l’indignation sociale et de la réaction institutionnelle (gouvernement et parlement) qui fait bouger les choses et avancer ces nations. Ici, le parlement et le gouvernement n’agissent pas, pusillanimes au mieux, incompétents au pire, indignes dans les deux cas. Et le Maroc avance ainsi, entre les élans rompus des uns et les valeurs corrompues des autres. Et pourtant, semer de petites graines qui, au fil du temps, grandissent et forment un grand arbre protecteur serait possible, comme pour l’affaire Amina Filali en 2012, qui avait abouti à l’abrogation de l’article 475 du Code pénal. Las…
 

Cette semaine, trois événements ont secoué notre société, sans pour autant intéresser la classe politique : l’affaire de Moulat el Khimar et de l’article 490, la réapparition de la bête immonde du racisme avec Moussa Ndaw et la mort de 28 personnes, noyées et/ou électrocutées dans leur cave. En une semaine, trois principes fondamentaux ont été bousculés, bafoués, piétinés : les libertés individuelles ayant entraîné la prison, les valeurs morales et l’humiliation qui s’en est suivie, et la corruption, avec la mort de 28 personnes comme très lourd tribut à payer.
 

Et que pensez-vous qu’il arriva, ce jour-là, au chapitre de la compassion publique ? Et bien rien… tout le monde aux abris : les autorités administratives de la ville, et le ministre de l’Intérieur, bien embarrassés, se sont esquivés à la vue du monde, le gouvernement, sans doute informé, a pourtant décidé de ne rien dire, les dirigeants politiques majorité et minorités confondues ont encore plus brillé par leur terne et affligeante insignifiance… Les députés ont tout de même observé une minute de silence, l’ajoutant aux quatre longues années de silence !
 

Mais peu importe car la plus belle classe politique au monde ne peut donner plus qu’elle n’a… Revenons à la société civile. Le monde arabe nous l’envie, le monde occidental s’en étonne, et nous, quant à nous, n’en connaissons pas la valeur… Organisée par centres d’intérêt et structurée en associations ou autres instances, cette société civile est omniprésente, sur l’humanitaire, le juridique, le politique, l’économique, le social, et elle peut également s’appuyer sur une opinion publique divisée et segmentée, donc riche, engagée et souvent enragée, donc active.
 

Le problème est que notre indignation, au Maroc, est toujours éphémère… Un événement ou fait de société qui survient est l’occasion pour s’enflammer, avant de vite oublier. Qui se rappelle encore du cas de nos ministres indélicats, passés allégrement entre les mailles du filet social et moral et sauvés par notre amnésie ? La moralisation de la vie publique était pourtant convoquée dans cette affaire… Qui se souvient encore du petit Adnane, violé puis assassiné en septembre à Tanger ? Il s’en était suivi un grand débat aussi numérique que chimérique sur les réseaux sociaux, avant que tous oublient… Qui garde encore en mémoire son extrême indignation suite à l’abjection subie par « Moulat lkhimar », humiliée, jugée, condamnée, incarcérée, puis jetée à l’opprobre publique, pour une banale relation sexuelle ? La question de l’article 490 avait été dépoussiérée, avant d’être remise à sa place habituelle, sous le tapis…
 

Que manque-t-il donc à ce pays, pour aspirer un jour voir articulées les actions de la société civile avec les réactions de la classe politique ? Une ténacité des associations dans leurs défenses de droits et autres objectifs qu’elles se sont assignées, et une classe politique qui sache user des opportunités qui lui sont offertes et qui se départirait de son opportunisme coutumier.
 

Utopie ? Il est permis d’en rêver…
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com





Jeudi 11 Février 2021


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