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Le nouveau modèle de décentralisation du système de santé au Maroc : Enjeux et clés de succès


Le Royaume du Maroc, sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a entrepris des réformes majeures dans divers domaines économiques, politiques, juridiques et sociaux. Notamment avec la constitution de 2011 et la mise en œuvre d'un projet d'envergure, à savoir la régionalisation avancée.



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Par Benabdallah Anasse

Au niveau du secteur de la santé, la décentralisation du système de santé a constitué l'une des principales réformes du système de santé entreprises ces dernières années dans plusieurs pays. L'objectif est d'accroître l'efficacité des établissements de santé régionaux dans la fourniture de soins de proximité.
 

À cet égard, le ministère marocain de la Santé a œuvré depuis 2011 pour la réussite de la politique de décentralisation administrative à travers la création de directions de la santé dans les différentes régions du Royaume et la délégation au niveau des provinces et des préfectures. Dans ce sens, plusieurs missions ont été confiées à ces organisations administratives, touchant principalement les aspects financiers et les ressources humaines.
 

Cependant, le modèle de direction régionale de la santé (DRS) se limitant à une décentralisation administrative et non à une réelle autonomie financière et de gestion, semble ne pas répondre aux évolutions qui affectent le système de santé marocain, notamment l'augmentation de la demande de soins suite à la généralisation de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et la nécessité d'améliorer la qualité et la couverture des services de santé. De plus, les ressources allouées aux régions sont considérées comme rares et mal réparties dans ce modèle.
 

Ainsi, pour répondre au défi de la généralisation de l'Assurance Maladie entamée fin 2022, et afin de renforcer le système de santé ainsi que les mécanismes de gouvernance et de coordination de l'offre de soins, le ministère optera prochainement pour la mise en place d'un nouveau modèle de décentralisation dans lequel les Groupements Territoriaux de Santé (GST) joueront un rôle clé dans la régulation de l'offre de soins au niveau régional, conformément à la loi 08.22.

Cette loi a prévu la mise en place de groupements de santé dans chaque région, en remplacement du Centre Hospitalier Universitaire (CHU), des Directions Régionales de Santé ainsi que des établissements de santé qui les composent. Les GST seront des établissements publics qui définissent et mettent en œuvre la politique régionale de santé.
 

Les missions assignées aux GST sont relativement inspirées de celles des agences régionales de santé (ARS) créées au niveau de plusieurs pays à savoir l'amélioration de l'offre régionale de santé, la recherche, et la formation des professionnels de santé.
 

La création d'un établissement public unique (GST) dans chaque région par la fusion du CHU avec les établissements de santé de la région permettra également d'améliorer la coordination de l'offre de soins, de corriger les déséquilibres interrégionaux en termes d'allocation des ressources humaines et financières ainsi que de bénéficier d'une meilleure prise en charge des patients.
 

Les GST auront donc toutes les attributions et compétences pour mener à bien les différentes politiques de santé sur le territoire régional. De plus, les GST seront considérés comme des outils de pilotage régional qui définissent la répartition des professionnels de santé (médicaux et paramédicaux) au niveau du territoire régional. Les missions des GST comprennent également la réorganisation de l'offre de soins afin d'optimiser la disponibilité et la mutualisation des ressources, entre les réseaux et les secteurs de soins, depuis les structures ambulatoires jusqu'au niveau tertiaire (hôpitaux qui relèvent actuellement des CHU).
 

L'objectif de la mise en œuvre du nouveau modèle de décentralisation est également le renforcement , par le biais de la contractualisation, de la relation de partenariat entre les GST et le secteur privé. Cette relation de partenariat peut toucher le processus de charge des patients, mais également la mobilisation et la mutualisation des ressources humaines entre les deux parties.
 

En effet, les GST devront être responsables de la mise en œuvre régionale des objectifs de la politique nationale de santé comme c'est le cas des missions des ARS créées au Portugal et en France. Le ministre marocain de la Santé devra donc transférer une grande partie des décisions aux GST. Également, la majorité des hôpitaux devront être détenus et gérés par des GST, comme c'est le cas dans plusieurs pays (Portugal, Suisse, France et Canada).
 

Pour relever ces défis, l'action des GST ne peut être assurée que si on leur garantit une marge de manœuvre et une autonomie financière importante. En effet, les recettes propres dépendront en grande partie des paiements reçus par les organismes d'assurance maladie (CNOPS, CNSS et autres mutuelles).
 

Cependant, une révision tarifaire est nécessaire pour améliorer les recettes propres des GST. Il est également nécessaire de prévoir des mécanismes de financement innovants basés sur la solidarité territoriale (contribution des impôts et des collectivités territoriales).

Par ailleurs, pour combler le risque de déficit de financement des GST et afin de couvrir les missions de recherche et de formation, l'attribution d'une subvention étatique complémentaire qui tient compte de l'activité (budget par groupe de cas : subvention accordée en fonction de l'activité réelle et de la combinaison des cas traités au niveau de l'établissement) renforcera la capacité des établissements hospitaliers à mieux prendre en charge les patients sans subir de difficultés financières.
 

En outre, ce mode de financement nécessite la mise en place d'un système d'information décrivant clairement l'activité de chaque établissement de santé. En effet, les gouvernements de plusieurs pays ont investi dans l'infrastructure nécessaire aux technologies de l'information et de la communication (TIC). L'exemple du Canada, qui dispose d'une multitude de systèmes d'information utilisés pour la collecte, le traitement et l'analyse des données de santé.
 

Parallèlement, l'investissement dans le capital humain est crucial pour la réussite d'une telle réforme. Outre le recrutement de cadres qualifiés maîtrisant les outils de gestion, la mise à niveau du personnel existant par le biais de la formation est nécessaire.

Enfin, tous les professionnels doivent être impliqués et motivés dans les différentes étapes du processus de gestion, de la définition des objectifs à l'analyse partagée des résultats et à l'élaboration de plans d'action.

Rédigé par Benabdallah anasse Maître de conférences en économie de santé
Faculté de Médecine, de Pharmacie et de Médecine Dentaire de Fès




Mercredi 17 Juillet 2024

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