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Par Aziz Boucetta
Et le plus gênant furent ces commentaires acerbes, parfois même venimeux, moqueurs, sarcastiques ou imprécatoires qui ont aussitôt empli les réseaux sociaux. Les uns, se pensant sachants ou, mieux, détenteurs d’une vérité suprême, divine, ont vu dans la situation de santé de M. Akhannouch une « punition céleste » contre cet homme qui préside le gouvernement et qui « paie » pour sa politique, certes quasi unanimement contestée, rejetée.
D’autres se sont délecté de la vue de cet homme qui souffrait visiblement le martyre mais qui a tenu à faire le job et à assurer sa présence jusqu’au bout, avant de rentrer chez lui et non à l’hôpital comme il a été rapporté ici et là. Il aurait pu se faire porter pâle, pour l’excellente raison d’un genou malade et donc d’un problème de structure et de mobilité, mais il était là.
Il était là, soufrant, tanguant, cherchant désespérément la meilleure posture, se contorsionnant, ajustant fébrilement son selham, transpirant, tremblant, mais il était là, tenant son rôle de chef du gouvernement placé à la gauche du chef de l’Etat. Il faut lui en savoir gré.
Et précisément, et c’est rassurant, après une montée des sarcasmes, des imprécations et autres anathèmes, les internautes se sont repris et, très vite, les messages de compassion ont afflué, puis inondé les réseaux. Et c’est ainsi qu’est cette âme marocaine, fondée et bâtie sur le respect de l’Autre, d’abord et avant tout.
C’est pour cela que dès notre plus jeune âge, nous avons appris à ne pas nous moquer de plus faible que soit, de ne pas railler les malheurs des autres. Un peu de fatalité, un zeste de foi, beaucoup d’éducation. C’est pour cette raison aussi que la caricature... n’est pas, ou alors très peu, tolérée dans ce pays.
Les dessins sarcastiques ne sont pas des caricatures, mais de simples illustrations drolatiques, mais nullement injurieuses. Amplifier le défaut physique d’un personnage public n’est pas inscrit dans nos mœurs, pas plus dans les médias que sur la Toile.
Notre opinion publique et, plus grave, nombre de commentateurs ou d’internautes versent avec facilité dans l’insulte ou l’accusation, non étayée et encore moins prouvée, fondée sur le on-dit ou les non-dits.
Il faut dire que la longue histoire de l’impunité (qui se prolonge encore et bien malheureusement aujourd’hui) trace le chemin à ces attaques du type « cheffar » (voleur) ou tout simplement « hmar » (âne, imbécile), contre tel responsable politique dont on ne connaît par ailleurs pas grand-chose. Et cela est bien regrettable.
Alors oui, l’inflation a été mal gérée et les soupçons de connivences et/ou de mal gouvernance peuvent être fondés. Oui, les prix ont explosé pour des raisons qui pouvaient être, qui auraient pu être anticipées.
Oui, la communication est le parent très pauvre de ce gouvernement et la condescendance la marque de fabrique de certains de ses membres. Mais insulter tout ce monde ne sert pas plus l’avancée de ce pays que le respect que nous avons pour nous-mêmes.
Si on observe ce qui se produit dans des pays de notre entourage (plutôt vers le nord), on relève une adhésion et un respect des institutions et des traditions, chaque nation ayant les siennes propres.
Au Maroc, insulter M. Benkirane, railler M. Elotmani, accabler d’injures M. Akhannouch, comme le font tant d’internautes et, plus grave, de gens des médias, revient à nous insulter, à nous railler et à nous accabler d’injures nous-mêmes car ces personnes ont occupé des fonctions éminentes dans la pyramide de pouvoir de ce Maroc qui nous unit, nous réunit et nous rassemble car il nous ressemble…
Alors prompt et total rétablissement aux personnes malades, civilité pour nos responsables politiques et adhésion à nos institutions, en souhaitant que ces mêmes institutions se montrent, quant à elles, à la hauteur de leurs responsabilités, engagements et missions. Mais cela est une autre affaire...
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panrapost