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Par Aziz Boucetta
Aziz Akhannouch a dit cela devant les parlementaires et, bien évidemment filmé, enregistré, il a fait l’objet de larges commentaires, analyses, critiques, louanges et condamnations.
Tout cela est bien normal, sauf qu’en disant que tout a été fait, et même plus, en ne reconnaissant aucun manquement et aucune erreur, le chef du gouvernement a donné le sentiment de s’exprimer devant son public RNIste, largement acquis et très peu farouche, et non face à une opinion publique qui attend davantage de son chef du gouvernement et qui s’inquiète pour son avenir.
Et pourtant, les choses sont claires, il aurait suffi simplement de les dire. Une grande partie des dix engagements de départ de M. Akhannouch n’ont pas été tenus, et d’autres si. En octobre 2021, le site de la présidence du gouvernement avait listé 10 engagements à réaliser pour 2026, à l’heure des comptes et des élections. A mi-parcours, qu’en reste-t-il ? La protection sociale généralisée est effectivement mise en marche, rappelée bruyamment par l’équipe gouvernementale, et cela reste un acquis ; bien des problèmes persistent pourtant encore, comme pour le transfert des gens du Ramed vers le nouveau système, comme l’état des hôpitaux et le mercantilisme remarqué des structures médicales privées, mais l’action publique est enclenchée et c’est positif.
Pour l’enseignement, bien des actions ont été entreprises par Chakib Benmoussa et les siens, néanmoins brutalement ralenties par le conflit social de cette année, dont le Maroc gagnerait à connaître les vrais responsables.
Mais rien sur la croissance qui devait être à 4% (nous en sommes loin), rien sur la création d’un million d’emplois alors que le Maroc en perd chaque année, rien sur le taux d’activité féminin qui devait être porté de 20 à 30% en 5 ans et qui vivote toujours à moins de 20%, rien sur la protection de la classe moyenne qui vit les affres de l’inflation et de l’incertitude, et sur l’officialisation de l’amazigh, bien peu de choses.
Plus grave, le FMI, dans son rapport au titre de l’article IV de ses statuts, et tout en se montrant politiquement correct et diplomatiquement courtois, appelle à une plus grande prudence dans les politiques macroéconomiques et aussi conseille de « poursuivre la mise en œuvre des réformes structurelles visant à assurer une croissance plus forte, plus résiliente et plus inclusive ». La croissance pose problème, en effet, n’étant ni forte, ni résiliente ni inclusive. Le FMI conseille également de « prendre de nouvelles mesures fiscales et de dépenses afin de maintenir, voire d’accélérer, la réduction prévue de...la dette publique ». Autrement dit, il faudra s’attendre à voir des nouveaux impôts créés ou les anciens augmentés.
Pourquoi s’inquiéter pour les finances et la dette publiques ? Pour la réponse à la question du financement de tous ces grands chantiers lancés dans le royaume. Le chef du gouvernement et les ministres membres de son parti insistent pesamment sur le fait qu’il s’agit en grande partie de chantiers royaux ; certes, mais le roi est dans son rôle en dessinant les grandes orientations et en appelant à de grands projets, et le gouvernement doit être dans le sien en rationnalisant et en programmant les dépenses et en trouvant les ressources disponibles, non en étouffant le débat en s’abritant derrière les instructions royales.
Pour sa part, le mouvement Damir a adressé une lettre au chef du gouvernement, épinglant ce qu’il considère être des manquements graves, et de fait, ils le sont. Les auteurs reviennent sur les manquements aux engagements du gouvernement et de son chef, rappellent cette question, cette grave, cette très grave question du conflit d’intérêt dans le domaine pétrolier, évoquent l’encore plus grave « insincérité des données communiquées de finances publiques »… Pas de réponse connue à un document qui, si les faits qu’ils contient sont avérés et il semblerait bien qu’ils le soient, serait à l’origine d’une chute du gouvernement. Oui, une chute du gouvernement, mais ailleurs qu’au Maroc, semble-t-il.
Enfin, dans son site de la présidence du gouvernement, Aziz Akhannouch rappelle ceci : « Le programme gouvernemental repose également sur trois axes stratégiques : le renforcement des piliers sociaux de l'État, la stimulation de l'économie nationale au profit de l'emploi et la consolidation de la bonne gouvernance dans l'administration publique ».
Si le renforcement des piliers sociaux de l’Etat est acquis et avance bien, il n’y a en revanche ni stimulation réelle de l’économie (nombre de faillites, investissements « élitistes », dépendance du PIB au PIB agricole et dépendance du PIB agricole à la pluviométrie…) ni bonne gouvernance, plutôt détériorée que consolidée.
Quant à la majorité, rien n’indique qu’elle fonctionne optimalement ; elle est même bancale et ses composantes ne se parlent pas, ne s’entendent pas, ne s’apprécient pas. La cause ? En toute simplicité, disent les connaisseurs en off, la domination arrogante et exclusive du RNI.
Et donc, finalement, en ne reconnaissant aucun problème au demeurant compréhensible en raison de la polycrise que nous connaissons, en affirmant que le gouvernement a fait sa part de travail et qu’il a même dépassé les prévisions, M. Akhannouch fait une fuite en avant et entame la crédibilité de ses succès, car il y en a. Cela le concerne certes et est de son plein droit, mais il rogne très sérieusement son capital de confiance déjà passablement érodé. M. Akhannouch ne répond ni à ces critiques ni à tous ses critiques, persiste à dire que tout va bien, que tout va encore mieux que bien. Il est vrai qu'il dispose de l'outil McKinsey pour tant de choses, de la stratégie de l'autruche pour se rassurer, mais il fait surtout dans la méthode Coué pour le reste.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost