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Le 7 octobre 2023


Il y a un an, le Moyen Orient a basculé vers la barbarie généralisée où deux mondes s’affrontent. Un réflexe identitaire puissant a imposé à chacun d’entre nous un positionnement, souvent extrême, incompatible avec le vivre ensemble que l’on croyait possible il y a une trentaine d’années. Les extrêmes au pouvoir au Moyen Orient ont réussi à imposer leurs visions politiques et militaires et leurs ambitions pour l’humanité.



Par Bargach Larbi

Le 7 octobre, le monde d’avant s’est effondré. L’occident que l’on croyait porteur d’une civilisation des Lumières, s’est avéré bien sombre, arrogant et raciste. Ceux qui ont combattu les Juifs au cours de la Guerre Mondiale, l’extrême droite française notamment, se sont mis du côté des extrémistes israéliens pour mener un combat commun contre les Musulmans. Le Sud Global que l’on décrivait, dans les officines, résigné et sans ambition, s’est révélé résistant, digne et en appétence de libertés.
 
Le 7 octobre, que l’on a souvent comparé au 11 septembre, pour de mauvaises raisons, a révélé, comme les attaques des tours jumelles, le côté sombre du monde dit « civilisé ». Un monde où le droit international est bafoué, l’ONU, l’organe de régulation ignoré, insulté, avec un point d’orgue : celui où le diplomate israélien déchire en public la charte de la principale institution internationale.    
 
Au centre de l’arène, un homme politique israélien, Netanyahou à la tête du gouvernement le plus extrémiste de l’histoire d’Israël.  Cet homme a « assassiné » la paix en menant une campagne violente, ponctuée d’appels au meurtre, à l’encontre de Rabin le Premier Ministre signataire des accords de Camp David avec Yasser Arafat. Il est déterminé à réaliser le rêve d’une poignée de gourous, dont l’audience grandit, et à sauver sa peau et celle de sa famille. Accusé de corruption et de malversations, il risque plusieurs années de prisons, dès que la justice pourra s’exercer. Ses fonctions, en tant que Premier Ministre, lui offrent un répit dont il profite allégrement et en toute impunité. 
 
Ceux qui veulent cerner la raison pour laquelle le monde est passé de la résolution du conflit israélo-palestinien à ce refus absolu de dialogue et cette envie quotidienne d’en découdre doivent s’intéresser à l’origine du conflit, non pas pour le justifier mais uniquement pour le comprendre. 
 
Tout a commencé il y a plusieurs années, lorsque l’humanité a découvert les horreurs de l’Holocauste, un processus d’extermination du peuple juif par l’Allemagne nazie. A l’époque, le monde arabo-musulman était à l’arrêt. L’influence de l’islam politique s’était dressée comme un obstacle aux réformes nécessaires pour sortir du sous-développement qu’il connaissait au 19ème siècle.

Les réformes politiques, économiques et surtout scientifiques, longtemps considérées comme hérétiques, étaient combattues par des forces obscures. Le monde arabe est passé depuis sous domination européenne, française et anglaise essentiellement. C’est à ce titre qu’il a participé, avec courage et sacrifices, aux combats de ceux qui luttaient contre le nazisme. La guerre a finalement été remportée face au nazisme.

L’alliance constituée à l’époque était contre nature. Elle était formée de l'Amérique puritaine, l’Europe décadente et de la Russie soviétique. Contrairement à ce que pense la majorité des humains sous influence occidentale, c’est l’armée russe qui a fait mettre un genou à terre aux nazis. Ce sont les Bolchéviques qui sont rentrés à Berlin, récupéré le corps d’Hitler et permis la victoire des alliés. Les Américains, qui ont gardé une ambassade à Vichy jusqu’en 1944, n’ont pu réussir leur débarquement que parce que l’armée allemande était affaiblie et engagée ailleurs. En Europe, l’Angleterre a su préserver l’inviolabilité de son sol et la France a su rajouter son nom au bas du communiqué actant la fin du nazisme, De Gaulle, qui avait pourtant déserté au début de la guerre, a su tirer son épingle du jeu. 
 
L’URSS a réussi à négocier, en sa qualité de vainqueur, une zone d’influence. Elle n’a pas pu la maintenir à cause de choix économiques totalement gangrénés par une lourde bureaucratie, l’incompétence des dirigeants, choisis pour leur fidélité aux couleurs marxistes léninistes et le choix populiste de prioriser la distribution de richesses, qu’il aurait fallu d’abord créer. L’idéologie libérale, mise en œuvre par l’occident, s’est avérée beaucoup plus efficace, malgré son injustice. Une injustice plus facile à réparer lorsque l’économie est prospère. Les occidentaux ont su créer des richesses et les distribuer en fonction des rapports de force patrons / Syndicats. 
 
Les vainqueurs de la guerre, habités par un sentiment de très forte culpabilité, voulaient se racheter des crimes dont ils se sont rendus complice et donner une terre aux juifs du monde entier. Sur 6 millions de juifs exterminés par la barbarie nazie et ses complices européens. 3 millions l’ont été en Pologne, le reste en Allemagne, en France, aux Pays Bas, etc. Aucun dans le monde arabe, pourtant sous occupation européenne.

Ces chiffres sont consultables dans tous les musées consacrés à l’Holocauste, la référence de ce texte concerne celui de Miami. Bien au contraire, par exemple, les marocaine de confession juive ont été défendus par le Sultan du Maroc Mohammed V, qui s’est opposé à la déportation de ses sujets.   
       
Ce sentiment de culpabilité explique l’urgence De la création de cet état au lendemain de la guerre mondiale, mais le projet d’instauration d’un état juif était ancien. C’est une ancienne réflexion. Elle avait pour ingrédient, le racisme européen et le sentiment d’insécurité des citoyens de confession juives. Plusieurs options ont été étudiées.

La première remonte à 1903. Elle émane de Théodor Herzl qui a proposé l’Ouganda, alors territoire britannique. Cette proposition a été votée par le congrès sioniste avant d’être abandonnée une année plus tard sous l’influence des religieux (les délégués ashkénazes russes) qui préconisaient une installation en Palestine.

Une deuxième, toujours dans la cadre du mouvement sioniste, un projet mort-né concernait l’Afrique du Sud avant la déclaration du ministre britannique Balfour en 1917. Ce ne sont pas les seuls projets, un projet concurrent à l’idéologie sioniste a été initié par Staline en 1928. Il consistait à créer un territoire juif en Russie le « Birobidjan », en 1934 cette région est devenue un oblast (une région) autonome avec le yiddish comme langue officielle. C’est finalement le projet britannique qui aura gain de cause.  Ce ministre britannique s’est engagé à la création d’un foyer pour le peuple juif en Palestine. 
 
L’ONU, dont le secrétaire général est aujourd’hui déclaré persona non grata en Israël, va voter un plan de partage le 29 novembre 1947, favorable à Israël avec une période de transition non respectée par « Israël » l’état sera proclamé le 14 mai 1948.Cette annonce sera considérée comme une injustice par l’ensemble du monde arabe. On faisait payer le prix d’une barbarie immonde à un peuple qui n’en était en rien, responsable. 
 
Depuis il y a eu des guerres et parallèlement des luttes pour les indépendances des pays du tiers monde, encouragées par l’Amérique impérialiste qui voulait s’affirmer au détriment des colons anglais et français. 
Il y a eu aussi la guerre des six jours. La guerre des désillusions arabes. Nasser le champion du nationalisme naissant et grand tribun avait annoncé la fin d’Israël, il a subi la pire défaite et la plus rapide du monde moderne. Cette défaite aura des conséquences politiques, religieuses et humaines considérables avec la perte du Sinaï, du Golan, de la Cisjordanie et surtout de Jérusalem Est et la mosquée Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’Islam. C’est de cet endroit que le prophète Mohamed a, selon la tradition musulmane, été transporté, par Al Bouraq au ciel lors de son voyage nocturne, Al Isra ou El Miraj. 
 
Cette date correspond à la reconfiguration du conflit. D’un conflit colonial d’occupation illégitime il s’est transformé en conflit religieux. Les frères musulmans ont expliqué l’humiliation par l’éloignement des musulmans des préceptes du Coran et, les extrémistes juifs religieux ont considéré cette victoire comme un signal divin en vue de la création du grand Israël. Depuis, il y a eu quelques étapes, impossibles de les énumérer toutes : 
 
La revanche arabe de 1973, empêchée par le soutien des USA, qui ont déployé le plus impressionnant pont aérien de l’histoire. Il fallait venir en aide aux israéliens en grosses difficultés.
La visite de Sadate à la Knesset, une main tendue prématurée 
L’intifada, un mouvement populaire spontanée et efficace, l’élan de sympathie dont bénéficient les palestiniens dans le monde est né de cet épisode du conflit 
 
La main tendue par Sadate, la révolte des pierres et la répression aveugle des forces israéliennes a permis un léger réveil des consciences. Le monde occidental, soucieux de la sécurité d’Israël, a vu sa bonne conscience se réveiller. Il venait de comprendre qu’en réparant une injustice il en a créé une autre encore plus grande. Ce réveil a été, dès le départ soutenu par une frange importante de la population israélienne. Il faut le dire.

Le peuple juif ne peut pas être considéré complice des crimes de ses dirigeants. Les allemands, non plus, vis-à-vis du nazisme, mais personne ne peut être taxé d’antisémitisme s’il dénonce la barbarie des attaques de l’armée israélienne post 7 octobre. Une armée nourrie par un sentiment de revanche et de vengeance et non de sécurité et de respect du droit y compris celui de se défendre. 
 
Le 7 octobre n’est pas né du néant. La prospérité israélienne, l’attitude honteuse du monde occidental, la résignation du monde arabe et la corruption de l’autorité palestinienne inquiétaient ceux qui avaient pour ambition légitime de créer un état palestinien, conforme au droit international. Il fallait remettre le clocher au centre du village. On peut critiquer la méthode, la dénoncer mais en aucun cas ne pas tenter d’en expliquer les ressorts. Le Hamas a voulu réouvrir le dossier. 
 
Cette attaque a été préparée minutieusement par une direction du Hamas renouvelée dont les prêcheurs religieux ont été écarté au profit d’ingénieurs qualifiés. Ils continuent à se prévaloir d’un référent religieux, comme les extrémistes religieux israéliens, l’adossement de la religion à leur cause présente des avantages.

Pour Israël, elle leur permet de justifier l’occupation par des préceptes religieux mobilisateurs.

Paradoxalement cette vision d’un grand Israël où se retrouveraient tous les juifs correspond à la vision des fanatiques évangélistes américains. Ces derniers, dont la puissance financière est impressionnante se comportent comme une secte. Ils sont convaincus que le retour du messie est conditionné par le retour des juifs en Israël. Pour les palestiniens du Hamas l’objectif est de mobiliser l’ensemble des musulmans et obtenir les financements nécessaires à l’achat d’armes et de munitions. 
 
Netanyahou aurait été avisé de l’attaque du Hamas 3 jours avant qu’elle ne survienne, selon des sources israéliennes. Il n’a pas tenu compte des recommandations sécuritaires. Pire il a pris deux décisions complétement irrationnelles : 
 
Autorisation d’une « Rave Party » à quelques dizaines de mètres de Gaza de surcroit un jour de fêtes religieuses
Allégement de la sécurité et transfert des militaires en place vers la Cisjordanie, 

Autant de décisions pour lesquelles il sera auditionné plus tard. De prime abord il semble qu’il aurait sous-estimé les capacités du Hamas et que pour des considérations électoralistes il a préféré protéger les extrémistes de Cisjordanie que l’électorat de gauche plutôt localisé au nord de Gaza.             

Le conflit palestino israélien est incontestablement une affaire de décolonisation et d’occupations illégales, en aucun cas un conflit religieux. Ce sont les extrémistes des deux bords qui, pour des intérêts bien compris tentent de changer sa nature. Confronter les deux religions c’est rendre service au plus fort, c’est incontestablement Israël. Technologiquement, en termes d’équipements et avec un allié puissant mais de moins en moins autoritaire.

On se souvient de Bush sénior qui avait intimé l’ordre à Shamir, le premier ministre israélien de l’époque, de ne pas riposter aux scuds irakiens. Il n’a pas eu à le répéter deux fois. Biden et Blinken se font systématiquement humilier par Netanyahou, sans aucune conséquence. 
 
La situation est préoccupante. La puissance israélienne n’arrive pas à faire plier la résistance du Hamas. Elle a complétement anéanti les infrastructures de Gaza et mis à la rue 2 millions de Gazaouis dans l’indifférence générale. Plus de 100.000 morts, pour la plupart des femmes et des enfants, des centaines de milliers de déplacés sans résultat tangible, des roquettes continuent de menacer les villages avoisinants et obligent les Israéliens à quitter leurs demeures.

Ce n’est efficace ni pour les uns, ni pour les autres. Israël ne réussira jamais à soumettre les Palestiniens, le reportage d’une femme à nouveau enceinte alors qu’elle venait de perdre ses deux enfants est un signal fort de la détermination d’un peuple combattant. Le Hamas sait qu’il n’a aucune chance de gagner. Le 7 octobre, il a visé les casernes militaires environnantes, il s’est laissé déborder par des jeunes avides de revanche qui se sont attaqués aux kibboutz et aux civils.

Le Hamas l’a reconnu et a condamné ces actes, qui s’en souvient ? La machine médiatique s’est pliée aux ordres de ceux qui payent les pubs. Ils sont nombreux à soutenir Israël pour plein de raisons. Le choix des armes contre plus fort que soi est un choix risqué, il a peu de chance de faire tomber Israël et encore moins ce gouvernement raciste, fasciste et sanguinaire. L’Afrique du Sud a fait tomber le régime d’apartheid à coups d’intifada, le FLN n’aurait jamais pu libérer l’Algérie sans la pression américaine et la vague de décolonisation des années 60. La cause palestinienne a bénéficié du maximum de soutien international lorsque des gamins se sont révoltés contre des soldats surarmés.
 
Si le gouvernement d’Israël espère se débarrasser du Hamas en continuant à bombarder à l’aveugle des populations civiles désarmés, il se trompe lourdement. Il risque juste, à terme, de réveiller le nationalisme des Arabes israéliens et de provoquer une guerre civile. On sait que personne n’en sort jamais gagnant. Pour le moment, rien ne semble arrêter Netanyahou, les otages vont mourir à petit feu, personne ne viendra à leur secours. Eux et leur entourage ne font pas partie de son socle électoral, bien au contraire.

Certains analystes israéliens disent même qu’il a voulu faire payer aux habitants du Sud leur proximité naissante avec les Gazaouis qui travaillaient chez eux. Les assassinats ciblés contribuent à la hausse de popularité de ce gouvernement raciste, mais c’est une victoire à la Pyrrhus. On remet juste les compteurs à zéro. Ces assassinats ont généré de la méfiance dans le camp pro palestinien. C’est des coups impossibles à réaliser sans complicité interne. 
 
Pour renverser le cours des choses, il y a plusieurs options : 
 
Assainir les régimes arabes par une meilleure gouvernance, des élections libres et une crédibilité retrouvée.

On en est loin quand on connaît la situation actuelle des pays comme l’Irak, la Syrie ou plus près de nous, en Algérie et en Tunisie, avec les simulacres d’élections présidentielles. Au Maroc, au moins la liberté de manifester est une réalité protégée par la Constitution. C’est une option optimiste qui isolera Israël. Son régime basculera définitivement du mauvais côté de la civilisation. Il nous a suffisamment abreuvés de discours lénifiants sur la « seule démocratie du Moyen Orient ». 
 
Espérer un retournement décisif des opinions publiques occidentales. C’est encore au stade du frémissement, mais la résistance des pouvoir en place et des lobbys qui les orientent est encore trop puissante pour un changement politique. La réaction de la présidente de l’Assemblée Nationale française à la proposition d’embargo de Macron sur les armes à Israël en dit long sur l’infiltration de ceux qui soutiennent Netanyahou. 
 
Attendre un coup militaire tellement humiliant pour le gouvernement israélien qu’il sera contraint à une démission immédiate.  
 
Comme le dit l’adage populaire il vaut mieux espérer qu’attendre.
 
Bargach Larbi



Dimanche 13 Octobre 2024

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