Adnane Benchakroun
Je réclame le droit de trouver une blague idiote, une caricature déplacée, un post futile ou un article sans fondement, d’y voir un « reel » de connerie, sans pour autant lever l’étendard de l’interdiction.
Le rire, même maladroit, même grinçant, appartient à la sphère de la liberté. Il peut déplaire, choquer, voire déranger, mais il n’est pas toujours une arme à bannir. L’idiotie, sous toutes ses formes, est un miroir que l’on tend à la société. Parfois, elle révèle une absurdité bien réelle que nous préférons ignorer. Parfois, elle ne fait que nous rappeler que nous sommes humains, faillibles, imparfaits.
Je réclame le droit de détourner le regard sans crier au scandale. Le droit de zapper, de scroller, de passer mon chemin sans exiger la censure. Car à vouloir tout lisser, tout contrôler, nous risquons d’étouffer le moindre souffle d’irrévérence, cet oxygène de l’esprit critique.
Alors, oui, parfois je rirai jaune. Parfois je hausserai les épaules. Parfois je serai outré. Mais je ne réclamerai pas l’interdiction. Parce que le vrai pouvoir, c’est celui de choisir. Choisir d’ignorer ou d’en rire, et non de détruire.
Je défendrai votre droit d’être absurde, provocateur, même offensant, parce que la liberté, pour être totale, ne peut s’arrêter là où commence ma sensibilité. Mais cela ne signifie pas que je suis complice ou même admirateur de vos excès.
Je ne suis pas Charlie, parce que je ne crois pas que la provocation soit toujours nécessaire pour faire avancer les débats. Je ne suis pas Charlie, parce que je ne pense pas que le sarcasme ou l’humour à tout prix doivent primer sur la considération pour ceux qui en sont les cibles.
Mais je défendrai votre droit d’exister, de vous exprimer, de créer, même si ce que vous produisez me déplaît, m’irrite ou me blesse. Car dans une société libre, l’intolérable n’est pas ce qui choque, mais ce qui tente de faire taire.
Je préfère une société qui tolère les bêtises à une société qui les traque. Car dans la traque, il y a toujours un risque : celui de définir unilatéralement ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Et ce pouvoir, je ne veux pas qu’il soit entre les mains de quiconque.
Ma position est simple : je choisis de ne pas aimer, mais je refuse d’interdire. Je choisis de ne pas suivre, mais je refuse d’effacer. La liberté est aussi le droit de détourner le regard, sans chercher à détruire ce qu’on ne veut pas voir.
Alors, oui, soyez cons si vous voulez. Faites des blagues qui ne me feront pas rire, dessinez des caricatures qui ne m’émouvront pas. Mais rappelez-vous que la liberté que je défends pour vous inclut aussi mon droit de ne pas être d’accord.